À chaque fois, il assure que c’est le dernier livre qu’il écrit et, à chaque fois, il vous annonce un projet. Comme ces chanteurs qui, malgré leur concert d’adieu, reviennent sur scène parce qu’il ne peuvent s’en passer, Guy Créquie ne cesse de publier. À plus de 80 ans, il nous avait bien promis que L’Actualité en France, en Europe et dans le monde (2007-2023), le nouvel ouvrage qu’il a publié avant l’été aux éditions Maïa, serait son adieu au monde des livres, voici qu’il s’attelle à la quatrième édition de son Messager de la paix — déjà sorti chez Édilivre, au Cordeau, au Lys bleu — et qu’il ajoute, en nous montrant ses mains percluses d’arthrite : « C’est un boulot énorme mais je voudrais l’actualiser, inclure la politique française, l’Ukraine, Gaza, les élections américaines, le prochain G20 en novembre, le mouvement MeToo, etc. Il y aura un long chapitre sur la discrimination des femmes, les genres. Les partis politiques, de droite comme de gauche, ont laissé se dégrader le débat d’idées. On assiste à un éclatement de la société et à l’arrogance des institutions. Ce que j’écris ne plaît pas toujours, je suis comme un lanceur d’alertes. »
L’allusion aux chanteurs qui reviennent toujours n’est d’ailleurs pas gratuite. « C’était ma vraie vocation que je n’ai pu poursuivre. Quand j’ai chanté à Hiroshima, sur les bords du lac Michigan ou à Amman, en Jordanie, les gens écoutaient et semblaient apprécier. Aujourd’hui, je fais des conférences sur Pavarotti ou Gilbert Bécaud. »
Humaniste et pacifiste, Guy Créquie ne cesse de s’inquiéter des tournures que prend la société. « On constate les grands conflits mais on comprend mieux quand on sait que les deux composantes de l’humanité sont l’homme et la femme et que les premiers sont capables d’enfermer les secondes, de les violer, les tuer. Dans la réédition du Messager de la paix, je vais faire trois grandes propositions qui vont décaper ! »
Les propositions d’un « simple citoyen »
Ainsi, dès 2007, le Vénissian prônait « un centre préventif de la résolution des conflits par continent », créé par l’ONU. Au fil des quelque 300 pages de L’Actualité en France, en Europe et dans le monde, il nous livre ses réflexions sur « le système libéral producteur de ses propres crises ». Émaillé de citations, le texte nous familiarise avec des grands noms du pacifisme, pas forcément connus du grand public, comme la poète israélo-égyptienne Ada Aharoni ou Federico Mayor, qui développa un programme de paix au sein de l’Unesco.
Se déclarant lui-même « simple citoyen », Guy Créquie désire « donner des arguments, montrer que ce pourrait être possible si… » Sur la période qui couvre ses articles et sur la situation actuelle, il ajoute : « Ce n’est pas du jour au lendemain que le malheur arrive, le monde a connu des alertes. On n’a pas voulu les voir ! Le système présidentiel français ne va plus. De Gaulle avait une stature mondiale et il a bâti la Constitution autour de lui. Le présidentialisme s’est accentué depuis Sarkozy et il ne passe plus aujourd’hui. À bout de souffle, ce système est totalement à revoir. C’est un chantier énorme. »
Sur la question des religions, il regrette les raccourcis proférés par de prétendus spécialistes. Ayant écrit plusieurs livres sur celles-ci, Guy Créquie rappelle qu’il s’est entretenu avec leurs représentants, entre autres avec « le grand islamologue de la Sorbonne » : « J’ai appris des choses et il faut rester prudent. J’entends tellement de propos aberrants ! À présent, on recherche le buzz ! »
Guy Créquie : « L’Actualité en France, en Europe et dans le monde », éditions Maïa, 25 euros.
