On ne sait quel qualificatif conviendrait le mieux à Aurélien Gnat, le directeur du Mémorial de l’internement et de la déportation de Compiègne. Patient ? Tenace ? Entêté, obstiné, insistant ?
Son histoire a été racontée par Jennifer Alberts le 13 juillet sur le site de France 3. On peut la retrouver ici.
Aurélien Gnat recherchait des archives concernant le camp de Royallieu, à Compiègne, où, à partir de 1940, l’armée allemande interna des prisonniers français et anglais. En 1941, les prisonniers politiques, des juifs et des ressortissants de pays alliés y sont envoyés. Puis, en 1942, le camp passe sous la tutelle de la Gestapo. De mars 1942 à août 1944, quelque 50 000 détenus (principalement des résistants) furent convoyés de là vers les camps de la mort de Buchenwald, Auschwitz-Birkenau, Neuengamme, Mauthausen, Dachau, Ravensbrück et Sachsenhausen. Connaissant la rigueur de l’administration nazie, Aurélien Gnat ne comprenait pas l’absence de listes précises faisant état des déportations.
Depuis 2019, époque où il est arrivé à la tête du Mémorial, Aurélien Gnat a fouillé inlassablement les archives à sa disposition : celles de l’armée, de la marine, de la préfecture de police, de la justice, jusqu’aux Archives nationales. Mais il ne découvre rien. Si ce n’est, dans un rapport de 1944, la mention de documents récupérés par la Croix-Rouge lors de la fuite des Allemands. Mais ceux-là ne sont pas dans les archives de la Croix-Rouge à Paris, pas plus qu’elles ne semblent avoir subsisté à Compiègne.
Il obtient finalement la clef d’un grenier de la Croix-Rouge locale et finit par tomber sur un stock d’archives allemandes concernant Royallieu. Dans deux gros livres, Aurélien Gnat trouve enfin ce qu’il cherchait depuis si longtemps : des listes tapées à la machine, contenant les noms et dates de naissance des déportés.
L’histoire est passionnante en soi et, alors qu’on regarde de plus près une des images illustrant l’article, photo d’une des pages sur laquelle sont inscrits quinze noms de déportés, on reconnaît celui de Charles Jeannin. Ce grand résistant disparu en 2013, qui a été pendant de longues années le président du musée communal de la Résistance et de la Déportation de Vénissieux (créé en 1979) et qui était un ami de notre journal, a été interné à Royallieu avant d’être déporté à Dachau, puis à Neckarelz, Gdynia (Gotenhafen) et Neuengamme. De là, Charles fit partie d’une des marches de la mort par lesquelles les nazis évacuaient les camps pour envoyer les détenus dans un autre mouroir. C’est à Sandbostel, à quelque 80 km franchis à pied, que Charles fut libéré par l’armée anglaise le 29 avril 1945.