L’été est propice aux polars et cette histoire pourrait être tirée des pages d’un de ces auteurs qui font les délices des lectures du bord de mer. Dans le quartier du Moulin-à-Vent, un danger rode. Quelques individus à l’aspect peu ragoutant s’introduisent dans les jardins pour commettre l’irréparable.
C’est une habitante de l’avenue du Docteur-Georges-Lévy qui a donné l’alerte. Laissons la parole à Corinne Cavet : « J’ai, dans mon jardin, de nombreux arbres à papillons (de jour et de nuit) qui volettent et me rappellent ceux de mon enfance. Il y a quelques jours, j’en ai remarqué un gros un peu pataud, genre papillon de nuit mais qui volait en plein jour. Je l’ai photographié et j’ai pu le récupérer dans un filet à papillon, ce qui n’a pas été simple tant il était vigoureux. »
Le corps de l’insecte mesure une dizaine de centimètres de long — « Il est énorme ! », commente Corinne — et, après recherches, il s’avère être un Paysandisia archon, c’est-à-dire un Papillon du palmier. Originaire de l’Uruguay et de l’Argentine, il s’est introduit en Europe du sud depuis quelques années. Les femelles pondent de 150 à 200 œufs sur une durée de quinze jours en moyenne. Après éclosion, les chenilles pénètrent à l’intérieur du palmier, y creusent des galeries, se nourrissent de lui et peuvent entraîner des dégâts irrémédiables pour le végétal.
Quelques signes permettent de se rendre compte de l’importance de l’attaque : de la sciure sur le stipe (le tronc), des palmes perforées, des galeries à la base de celles-ci ou leur dessèchement anormal, etc.
Pour combattre l’invasion, Corinne a fait appel à une société lyonnaise spécialisée dans les végétaux qui lui a conseillé un produit combattant également les doryphores — le polar semble en train de se diluer dans un récit de Résistance.
« Mon palmier doit s’élever à 10 m de haut. Déjà, l’intervention coûte cher, elle doit être réitérée tous les ans et il faut pouvoir grimper tout en haut. J’aimerais faire traiter l’arbre mais je me dis que, s’il doit partir, il partira. On ne peut pas retenir les choses ! »
Elle sort d’un bocal deux cadavres de coupables, d’impressionnants papillons peu appétissants, même si certains prônent cette nouvelle mode de l’entomophagie, qui pousse les humains à la consommation d’insectes.
Elle réfléchit sur les actions de l’homme sur la nature. « Nous enfermons tout dans des cases et décidons de ce qui est nuisible ou pas. Finalement, nous partageons tous le même habitat, que l’on soit humain, papillon, moustique, doryphore ou ailante — NDA : un végétal considéré comme l’un des plus envahissants au XXIe siècle. »
Corinne tient surtout à prévenir ses voisins possesseurs de palmiers. « Watch the sky », prévenait-on dans un film américain de science-fiction des années cinquante, quand les aliens symbolisaient une menace politique. Il s’agira bien ici de regarder le ciel, histoire de voir si ne volettent pas des insectes nuisibles.