Ils sont fils de harkis, « enfant de la Casbah« , appelé du contingent ou encore pieds-noirs, et tous ont été témoins de la guerre d’Algérie. Pendant toute une matinée, au lycée Hélène-Boucher, ils se sont réunis pour partager leur vision, leur histoire et leurs souvenirs de ce conflit. C’est l’association Coup de Soleil qui propose ces rencontres avec les lycéens : « Cela fait dix ans que nous organisons ces interventions, explique Michel Wilson, vice-président de l’association. Nous avons remarqué que cette période intéresse beaucoup les élèves et qu’ils souhaitent en savoir plus sur le sujet. »
Commencée en 1954, cette guerre a duré jusqu’en 1962. Le 5 juillet de cette année, l’indépendance de l’Algérie a été proclamée après 132 ans de colonisation française. Alors qu’il a seulement 21 ans, René Oddou est envoyé en Algérie, pour effectuer son service militaire : « Je suis parti avec beaucoup d’optimisme car ces “événements”, comme on les appelait à l’époque, on en entendait très peu parler en France », explique-t-il. Une fois sur place, l’appelé du contingent découvre les horreurs du conflit. « On arrive sur le quai, on débarque, on nous remet un fusil et des munitions. J’ai été témoin d’une justice sommaire, sans jugement. » Au fur et à mesure que les mois de combats défilent, il observe des changements dans son comportement : « Vous ressentez une rage qui monte en temps de guerre. On devient des bêtes, il y a des changements qu’on n’arrive pas à gérer. Quand on revient à la vie normale, on se dit “pourquoi j’ai fait ça ? ” et on se rend compte que les guerres sont inutiles. »
« Il faut devenir des gens de paix, pas de haine »
Nacer Hamzaoui, qui est né au début du conflit, parle de la Casbah, un quartier d’Alger où il vivait avec « des gens de tous les coins d’Algérie et où des musulmans et des juifs cohabitaient ». C’est dans cette citadelle que des parachutistes de l’Armée française se sont opposés aux indépendantistes pendant la bataille d’Alger en 1957.
Pour Amar Assas, fils de harkis, il est important de mettre en avant le rôle de ces Français d’origine algérienne qui ont combattu aux côtés de la France. « Les harkis sont un produit de la colonisation, explique-t-il. C’est un enrôlement des indigènes. Mon père est devenu harki non pas pour que le pays reste français mais pour sauver sa peau. Cette guerre a fait exploser de nombreuses familles algériennes. Il faut devenir des gens de paix, pas de haine. »
De son côté, Annie Barranco garde des souvenirs difficiles du conflit. C’est avec beaucoup d’émotion qu’elle choisit de lire une lettre aux élèves présents. Cette pied-noir d’Espagne avait six ans au début de la guerre. « Toutes les nuits, j’entendais des tirs de bazooka, de mitraillette, des grenades. Nous avions une proximité physique avec la guerre qui était terrifiante. » Ces témoignages ont permis aux élèves de découvrir différentes réalités autour de cette histoire encore très présente dans les mémoires. Ils ont ensuite pu participer à un temps plus personnel avec chacun des intervenants pour les questionner plus amplement sur leurs parcours.