Cette bouche de métro était située juste en face de la mairie de Vénissieux. Un grand portique orange, couleur des TCL, annonçait son nom : « Station Marcel Houël », commémorant celui qui fut maire de notre ville de 1962 à 1985. Elle donnait accès à un escalator, prêt à vous emmener vers les rames de la ligne D. Le même équipement avait été installé sur le Plateau, à la station « Minguettes », le tout ayant été inauguré symboliquement en janvier 1986 par le nouveau maire de Vénissieux, André Gerin. Peut-être vous en souvenez-vous ? L’évènement avait fait grand bruit à l’époque. Sauf que… Ces portiques et ces escalators ne desservaient que des tas de terre, tandis qu’escaliers, couloirs, quais, rails, tunnels et rames de métro manquaient et manquent toujours à l’appel. Pourtant, la station Marcel-Houël promettait une inauguration de la ligne « dans 5 ans », à savoir en 1991 !
A cette époque, l’idée d’un métro allant jusqu’en plein cœur de Vénissieux était déjà dans l’air depuis belle lurette, puisque la municipalité vénissiane en discuta dès 1971-1972, tout en adhérant à l’association « Lyon-Métro ». Muri au cours des années 1960, le projet d’un réseau de métro souterrain à Lyon s’était effectivement concrétisé durant la décennie suivante, la première ligne, la C, voyant le jour en 1974 entre La Croix-Rousse et Croix-Paquet, tandis que les lignes A (Perrache-Laurent-Bonnevay) et B (Charpennes-Part-Dieu), accueillaient leurs premiers passagers le 2 mai 1978.
La ligne D quant à elle, suivit dans la foulée, les TCL décidant sa réalisation en octobre 1979. Cette ligne devait d’abord relier Gorge-de-Loup à Parilly, mais les études prévoyant un fort développement du trafic ferroviaire entre Lyon et Bourgoin-Jallieu, la SNCF souhaita construire une nouvelle gare dans notre ville, ce qui entraina l’extension du projet de ligne D jusqu’à la gare de Vénissieux. L’arrivée du métro en territoire vénissian fut alors unanimement saluée, le maire Marcel Houël déclarant en 1983, en plein conseil municipal, que « l’impact de la ligne D [allait être] évidemment très important », en désenclavant les Minguettes, en réduisant les temps de transport des Vénissians, et en facilitant l’accès à de nouveaux secteurs d’emploi. Les travaux de creusement du tunnel débutèrent au cours de l’été 1984 et s’étirèrent sur plusieurs années, marquées notamment par l’aménagement des ateliers de maintenance des rames à Parilly, à proximité des usines Renault Trucks.
Les Minguettes méritent mieux
Mais pour le nouveau maire élu en 1985, André Gerin, le compte n’y est pas. Pour lui, « Tout le monde s’accorde à dire que la desserte du grand ensemble des Minguettes par un moyen rapide de transports en commun métropolitain enterré (…) aurait un effet déterminant sur sa transformation et son intégration dans la commune et dans l’ensemble urbain, ainsi que sur son image de marque ». Les Minguettes ne sont-elles pas l’une des plus grandes ZUP de France, accueillant 25 000 habitants et près de 10 % du logement social de l’agglomération lyonnaise ? Elles méritent mieux, d’autant qu’avec le plan Banlieues 89, et le projet de renouvellement urbain du quartier Démocratie, elles sont à présent au cœur des attentions du pouvoir, jusqu’au président François Mitterrand inclus.
Aussi, le 14 février 1986, André Gerin signe-t-il une convention Etat-Ville de Vénissieux-Courly (l’actuelle Métropole de Lyon) faisant du prolongement de la ligne D l’une des priorités de l’agglomération. Cette extension porterait sur un tracé de 2,6 km de long empruntant le boulevard Ambroise-Croizat et les avenues Marcel-Houël, d’Oschatz et Jean-Cagne, et verrait la réalisation de deux stations nouvelles, Hôtel de ville-Démocratie, et Vénissy-Jean Cagne. Les TCL en sortiraient gagnants, puisque la fréquentation de la ligne augmenterait de 10 %.
Hélas, le temps passe et, comme la sœur Anne du conte de Perrault, guettant en vain sur la route l’arrivée des secours contre Barbe-Bleue, rien ne vient. Les élus vénissians multiplient alors les actions pour faire pression sur l’État, sur la Courly et sur le Sytral (Syndicat des Transports Lyonnais). Comme l’inauguration des stations factices de la mairie et des Minguettes, en janvier 1986. Comme ces manifestations, en fanfare, devant le siège du Sytral, les 4 et 19 mai 1988. Comme cette création d’un « Comité pour le métro », auquel adhèrent 150 associations vénissianes. Comme cette pétition signée par plus de 5000 personnes. Ou comme encore, ce référendum organisé le 28 janvier 1990, par lequel 87 % des Vénissians se prononcent en faveur du prolongement. Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie ».
La ligne D trace sa route sans dévier, avec l’ouverture d’un premier tronçon Gorge de Loup-Grange Blanche en 1991, puis d’un deuxième tronçon poussant jusqu’à la gare de Vénissieux, le 12 décembre 1992. Evidemment, toute la ville se pressa pour fêter l’évènement. « Un métro tant attendu », titra même en première page votre journal Expressions. Mais force fut de constater, comme le fit le conseil municipal du 22 novembre 1990, qu’« aucun des grands ensembles de logements sociaux de l’agglomération (Duchère, Minguettes, Rillieux, Vaulx-en-Velin) ne sera desservi [par le métro] dans les années à venir ». Ce mode de transport s’avérait bien trop cher à construire pour les finances de l’agglomération lyonnaise. Heureusement, l’inauguration de la ligne T4 du tramway, en avril 2009, permit de réparer cette lacune dans le réseau des TCL.
Sources : Archives de Vénissieux, délibérations municipales, 1971-1995. Journal Expressions, 1990-1992.
Derniers commentaires