Alors que les métropoles et les villes se dotent d’élus délégués à la condition animale — à Vénissieux, il s’agit de Nathalie Dehan, conseillère municipale et métropolitaine écologiste —, et que, soutenu par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, le magazine 30 Millions d’amis va tenir à Paris, le 16 avril prochain, les premières Assises nationales de l’animal en ville, il est utile de se questionner sur la place que tiennent ceux-ci dans la société. D’autant que, sur notre commune, trois nouvelles entreprises les concernent et qu’une soirée va se tenir sur cette question, le 4 avril au cinéma Gérard-Philipe, en présence d’Éric Baratay, historien spécialiste des animaux, et de Camille Miro, représentante de la Ligue pour la protection des oiseaux.
Ainsi, il n’est plus question de considérer aujourd’hui les animaux comme on l’a fait jusqu’à présent. De plus en plus nombreux sont ceux qui s’opposent à la souffrance animale, qui combattent les corridas, remettent en question la chasse et la pêche… Et nombreux sont aussi ceux qui ont décidé de changer de régime alimentaire en écartant les animaux de leur assiette, même si le grand public a parfois du mal à différencier végans, végétariens, végétaliens et flexitariens. Les végétariens ne consomment ni viande ni poisson mais peuvent accepter le lait ou les œufs, tandis que les végétaliens les refusent. Les végans sont des végétaliens qui font également attention aux vêtements qu’ils portent, écartant ainsi le cuir ou la laine. Quant aux flexitariens, ils acceptent de manger viande et poisson tout en les limitant et en évitant d’en consommer tous les jours.
On se rend compte que le bien-être animal ne concerne pas que l’alimentation. Ainsi, les cirques sont-ils contrôlés et ne pourront plus utiliser d’animaux sauvages en 2028, tandis que, déjà, de nombreuses villes refusent d’accueillir ceux qui en présentent. Des combats sont également menés contre les expérimentations sur les animaux pour les produits cosmétiques, certains tests étant encore malgré tout sujets à dérogation.
À Vénissieux, la conseillère municipale Nathalie Dehan s’engage, avec l’équipe municipale, sur plusieurs objectifs, le premier étant d’obtenir un meilleur classement dans la charte « Une ville pour les animaux », qui a été proposée aux candidats des villes de plus de 50 000 habitants pour les élections municipales de 2020. Vénissieux arrive à la treizième place sur 127, avec 25% de progression générale — Grenoble est première, Lyon quatrième. Nathalie Dehan se satisfait également que la Ville ait intégré le bien-être animal comme sous-critère d’attribution de ses marchés de restauration scolaire.
Ajoutons enfin que Vénissieux offre régulièrement ses pelouses aux moutons de la Bergerie urbaine. Ainsi, le 27 mars, ont-ils brouté tout au long d’un parcours qui a traversé les Minguettes. Ils seront encore à Vénissieux, côté Laquay et Max-Barel, le 23 avril entre 13 et 17 heures avant de revenir paître aux Minguettes le 15 mai entre 14 et 18 heures.
Faire descendre l’homme de son piédestal
Universitaire lyonnais, membre senior de l’Institut universitaire de France et historien spécialiste des animaux, Éric Baratay sera l’un des intervenants du débat qui suivra la projection de « Birds of America », ce 4 avril au cinéma Gérard-Philipe.
– À quand remonte votre intérêt pour les animaux ?
Éric Baratay : J’ai toujours été intéressé par eux. Mes parents avaient des chiens. Je me suis mis dedans scientifiquement il y a quarante ans, en cherchant un sujet de thèse en Histoire. C’était un 15 août, j’étais dans mon hamac et, d’un coup, l’idée m’est venue. À l’époque, il n’y avait rien et cela me permettait de rassembler mes deux passions.
– Comment avez-vous fait ? Je suppose qu’il existait peu d’écrits historiques sur les animaux ?
Au contraire, les humains ont énormément parlé des animaux. Le plus compliqué était de passer du côté de l’animal, comprendre comment il vivait le phénomène historique dans lequel il était engagé. Il me fallait trouver des textes qui aient regardé l’animal. Ainsi, sur la Première Guerre mondiale, les sources ne manquent pas avec, souvent, des combattants qui parlent des animaux. Dans Ceux de 14, Maurice Genevoix les décrit très bien, il a un très bon œil. Du côté animal, l’historien seul ne peut suffire. Il doit s’approcher de l’éthologie, de la science du comportement animal. Si l’on a un regard éthologique, on trouve des indices intéressants sur le vécu de l’animal, son stress, sa souffrance. Il est important de croiser les sciences, de sortir de sa discipline et de ne pas, comme les chercheurs ont tendance à le faire, s’enfermer dans sa spécialité.
– Pour votre travail sur les chevaux pendant la guerre de 14-18, aviez-vous lu le livre de Michael Mopurgo, Cheval de guerre, dont Spielberg a tiré un film ? A-t-il une vision juste ?
Elle est relativement juste. Le livre date d’une époque, les années quatre-vingt, où des civils, des historiens du dimanche au bon sens du terme, se sont intéressés les premiers au sujet, lequel est ensuite passé dans le grand public. Cheval de guerre est un livre pour enfants où le cheval sert de fil conducteur pour raconter la guerre. Ces écrivains, comme également Pierre Lemaitre, rassemblent des scènes vécues dans une dizaine d’histoires différentes pour n’en faire qu’une seule.
– Vous avez également étudié la place des animaux dans les religions. C’est vrai que, dans la Bible, Noé prend soin de sauver tous les animaux, y compris le serpent pourtant mal vu. Et, dans l’Islam, Mahomet est sauvé par une toile d’araignée. Êtes-vous parti des textes fondateurs pour votre étude ?
Pour mon mémoire sur l’Église et l’animal, mon directeur de thèse voulait que je parte des discours qui ont structuré l’Occident. Il fallait tenir compte de tout ce qui est dans la Bible. Dans les premiers livres de l’Ancien Testament, la vision de l’animal n’est pas celle finalement adoptée par le christianisme, qui dit qu’il existe une différence entre l’animal et l’homme. Dans les premiers livres, la différence n’y est pas. La seule différence est entre Dieu et les créatures de Dieu. Cela a été revu ensuite, entre autres par saint Augustin, influencé par Platon. Dans la Bible, comme dans le Coran, on trouve des versets elliptiques et contradictoires. Pour la cohérence, les théologiens ont donné une interprétation, sur laquelle s’est basé le christianisme. Ainsi, il n’est pas dit dans la Genèse que le serpent est Satan. Il faudra attendre un juif hellénisé sous influence platonicienne pour l’affirmer.
– Vous avez écrit un livre sur des biographies animales. Était-ce l’occasion de redonner à l’animal la place qui lui revient, c’est-à-dire à égalité de l’homme ?
J’ai voulu donner le point de vue animal, que j’ai appelé « autre version de l’Histoire ». J’avais jusqu’à présent travaillé sur des groupes d’animaux et j’ai voulu me rapprocher des individus. Pour montrer que ces animaux ont eu une histoire, un itinéraire, un vécu, des ressentis, des stratégies… Qu’ils ont essayé de conduire leur vie pour vivre le moins mal possible. Nous devons sortir de cette vision inculquée par les philosophes grecs et repris par le christianisme, puis les sciences et la philosophie occidentales, à savoir qu’il existe une hiérarchie des vivants avec l’homme tout en haut. On a ensuite parlé de l’arbre de l’évolution et la génétique, aujourd’hui, nous dit que c’est un buisson. À partir du dernier ancêtre universel commun, la vie part dans tous les sens. Beaucoup d’espèces ont des capacités d’adaptation et de stratégie, de l’intelligence et non de l’instinct, comme cela a beaucoup été dit. L’homme doit descendre de son piédestal.
– On constate une évolution, on parle de plus en plus de souffrance animale. Il existe même dans les municipalités, comme à Vénissieux, des élus à la condition animale.
L’évolution est vraie dans les pays occidentaux aisés. Depuis quinze ans, la condition animale est devenue un débat sociétal qui s’appuie sur des découvertes récentes. Ce qui n’empêche les résistances, on l’a vu pour la corrida, la chasse ou l’élevage industriel. Des lobbies qui, pris isolément, s’affaiblissent puisqu’ils ont besoin de s’allier. On constate l’effondrement de la biodiversité, nous battons des records de CO2… On fonce dans un mur et on accélère.
– Le 4 avril au cinéma Gérard-Philipe, allez-vous parler plus précisément du film et de son sujet, les oiseaux, ou de vos recherches en général ?
Ce sera en fonction des questions. Il y a toujours de quoi raconter et beaucoup à dire sur les oiseaux. Les découvertes les plus récentes ont prouvé qu’ils avaient un langage, une individualité.
Propos recueillis par Jean-Charles Lemeunier
« L’écologie comme vision du monde« , c’est le programme que propose l’association Cosmos, culture & écologie, qui organise la soirée autour du film Birds of America, le 4 avril à 18 heures, au cinéma Gérard-Philipe. Sa représentante, Pauline De Boever ajoute : « Nous prenons l’écologie dans son sens le plus large, en lien avec le vivant, et traitons par la culture et l’art de sujets aussi divers que la biodiversité, le féminisme ou les migrations. »
Basée à Lyon et soutenue par la Métropole, Cosmos vient pour la première fois à Vénissieux. Pour cela, Pauline a invité l’historien Éric Baratay, spécialiste des animaux, et Camille Miro, de la LPO (Ligue de protection des oiseaux). « La Ligue pose un regard de naturaliste et fera, en lien avec ce qui est raconté dans le documentaire, le parallèle avec la situation en Europe et en France. Il sera question de biodiversité des oiseaux, de la disparition de certaines espèces et de pistes d’actions à mener. »
Ainsi, animé par Cosmos et LPO, un atelier autour des oiseaux et des plumes sera mené au fort de Feyzin le 10 avril à 16 heures. Accessible dès 8 ans. Prix libre sur inscription.
La ferme d’Humanimaux axe son projet sur la médiation animale
Quatre lapins, quatre poules, deux chèvres, deux colombes, quatre chiens et deux cochons d’Inde. Ouverte en début d’année, la ferme d’Humanimaux a des allures d’Arche de Noé. Toutefois, ces 18 animaux qui peuplent une bonne partie de l’ancienne cité cheminote ne sont pas dans un refuge. Ce joyeux équipage appartient à Marion Picot, responsable de l’association de zoothérapie. Cette pratique holistique consiste à améliorer la santé mentale et physique des humains en les mettant en contact avec des animaux.
« Ne faites pas attention à la hauteur de la pelouse, avertit l’intervenante en médiation animale en nous faisant découvrir l’îlot de verdure. Une chèvre s’est cassée la patte en essayant de sauter une clôture. Du coup, l’herbe pousse. » Avec pas moins de 13 000 m2 de terrain, la zone de pâturage est conséquente. Lya, le border collie, et Talys, le rottweiler, ont plus d’espace qu’il n’en faut pour se dégourdir les pattes.
À la ferme, cinq intervenantes sont a disposition du public. Les plus jeunes visiteurs, âgés de 2 ans, viennent en compagnie de leurs parents. « Il existe une vraie demande pour les ateliers petits fermiers, explique Marion Picot. Les enfants s’occupent de tout : ils coupent même les légumes et nourrissent les animaux. » Lorsqu’il atteindra son rythme de croisière, le site accueillera les particuliers les matins et réservera les après-midis aux groupes. « Des enfants du PRE (Programme de réussite éducative de Vénissieux) viennent déjà ici tous les mercredis, précise la responsable. On compte aussi sur la présence de l’IME (Institut médico-éducatif) de Saint-Priest. »
Le repaire des compagnons à poils – et à plumes – n’a pas fini d’évoluer. De nouveaux aménagements sont prévus. « On a déjà retapé deux maisons, rappelle Marion Picot. Dont une réservée aux animaux. On aimerait utiliser la troisième comme café et aménager deux zones de pique-nique. »
F.D.
La ferme d’Humanimaux : 06 64 82 53 42
Les chiens d’assistance s’entraînent au centre Les Filous
Le centre canin Les Filous est l’une des trois structures en lien avec les animaux à avoir élu domicile aux Jardins de Coblod, dans le quartier du Charréard. Éducatrice canine à Chaponost, Johana Sabatier relocalise progressivement son activité à Vénissieux depuis janvier. Cette professionnelle s’est spécialisée dans l’éducation et la rééducation des chiens, et forme également d’autres éducateurs canins. « Il y a de quoi faire à Vénissieux, estime-t-elle. Les gens ont beaucoup de chiens de moyenne et grande taille, comme les staffies, les malinois et les border collie. »
À Coblod, elle met l’accent sur les chiens d’assistance pour enfants atteints d’épilepsie ou de diabète : « Je reçois les bénéficiaires et leurs parents. Ces personnes sont orientées par des associations qui délivrent des labels d’assistance. Les chiens sont capables de détecter les crises. Leurs capacités olfactives sont si développées qu’ils peuvent tout sentir entre 10 et 30 minutes avant nous. »
Entre août et décembre 2023, Johana Sabatier a réaménagé une ancienne habitation pour la transformer en centre d’entraînement parfaitement fonctionnel. « On a créé une maison témoin, développe-t-elle. Et comme le site est une sorte de petit village, on peut simuler tous types de situations. Il existe énormément de techniques pour prévenir ou signaler une crise. Un chien peut apprendre à mettre un enfant en sécurité, lui éviter un malaise ou une chute. Il peut même appuyer sur un buzzeur pour donner l’alerte. »
L’activité des Filous devrait évoluer d’ici peu. Johana Sabatier attend l’autorisation administrative pour ouvrir une boutique d’alimentation, de jeux et friandises pour chiens et chats.
F.D.
Centre canin LesFilous : 06 68 31 86 38
Paw’sitive job : cette pension canine solidaire héberge des chiens de SDF
C’est à quelques mètres à vol d’oiseau de la gare de Vénissieux, sur l’ancienne friche de la cité Coblod, que Théo Noguer a implanté Paw’sitive Job. Présentée comme la première première pension canine en insertion à voir le jour en France, la structure que porte l’association SoliVet a ouvert ses portes début mars.
24 boxes modulaires sont disponibles pour autant de toutous. « Les boxes, c’est juste pour la nuit, prévient le vétérinaire. En journée, les chiens profitent des parcs détente, cinq espaces grillagés d’environ 100 m2 chacun. On va bientôt en aménager cinq autres. » Dans l’un des parcs, Tahos se dépense sans compter. Ce croisé dogue – cane corso, sa maîtresse l’a confié suite à un accident de vie. « Elle s’est retrouvée à la rue, confie Théo Noguer. Impossible pour elle de s’en sortir avec deux chiens qui ne s’entendent pas. »
Pour les propriétaires de chiens en situation de grande précarité, orientés par des travailleurs sociaux ou des associations d’aide humanitaire, une tarification solidaire s’applique. Il leur suffit de débourser un euro par jour, tandis que la tarification commerciale classique s’élève à 30 euros.
« On accueille des chiens de SDF hospitalisés, ou de SDF hébergés en foyer, explique Théo Noguer. On a aussi dépanné un bénéficiaire de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) pendant son séjour à l’hôpital. On fait un peu de commercial avec des gens qui partent en week-end ou qui s’absentent pendant la semaine. »
Paw’sitive Job ne manque pas de présence humaine. Neuf salariés sont de la partie. Six d’entre eux sont en insertion pour se former aux métiers du monde animalier. Deux encadrants techniques ont été recrutés, tandis qu’un conseiller en insertion professionnelle chapeaute l’équipe. « On a deux salariés en foyer, et un autre qui fait l’objet d’une procédure d’expulsion, explique le vétérinaire. On les accompagne dans leurs démarches. »
F.D.
Paw’sitive job : 06 10 23 93 43 / contact@pawsitivejob.fr