La Journée mondiale de lutte contre l’obésité s’est déroulée le 4 mars. Une maladie qui touche, selon les dernières données statistiques, 17% de la population française — alors que près de 50% de la population est en surpoids. Une maladie, aussi, complexe : ses causes sont multiples, et les complications peuvent se révéler nombreuses. Quant à sa prise en charge, elle nécessite une évaluation fine multidimensionnelle (médicale, nutritionnelle, incluant diététique et activité physique, recherche de troubles du comportement alimentaire et éventuellement une évaluation psychologique) afin de créer une prise en charge pluridisciplinaire et personnalisée selon les besoins et les spécificités de chaque patient.
« L’obésité peut être due à plusieurs facteurs, analyse Gwenaëlle Seveyrat, coordinatrice d’activité physique adaptée pour l’association Fort en Sport, qui a organisé la journée « Bougez pour eux » le 2 mars (lire ci-après). Elle peut être d’origine génétique, mais l’anxiété et la dépression peuvent aussi être des déclencheurs. Et l’inverse est aussi vrai : l’obésité peut générer de l’anxiété et de la dépression. C’est un peu un cercle vicieux. La prise d’un médicament peut également avoir un impact, mais ce n’est pas ce que l’on constate le plus. »
L’obésité, marqueur social
Un phénomène qui est aussi plus marqué chez les classes populaires, et ce, dès le plus jeune âge. En effet, selon une étude réalisée auprès de plus de 8 000 élèves de CM2 et publiée en 2017 par la direction statistique du ministère de la santé (Drees), dès l’âge de 10 ans, les enfants des classes populaires (ouvriers, employés) ont deux fois plus de risque d’être en surpoids que les enfants de cadres et professions supérieures. Et jusqu’à quatre fois plus de probabilité de souffrir d’obésité.
Dans le détail, selon cette étude, seuls 1,3 % des enfants de cadres sont obèses à l’âge de 10 ans, contre 5,5 % des enfants d’ouvriers. Certes, pour le surpoids moins sévère, le décalage est moins net : 11 % chez les cadres contre 16 % chez les ouvriers. Il n’empêche : selon la Drees, les élèves vivant dans des familles de catégorie professionnelle supérieure présentent des « comportements plus propices à la préservation de leur santé ». Ainsi, ils prennent tous les jours un petit-déjeuner (88 % contre 79 %), mangent plus de légumes (42 % contre seulement 27 % chez les ouvriers) et font plus régulièrement du sport (78 % contre 67 %). Ils sont par ailleurs moins nombreux à consommer tous les jours des boissons sucrées (15 % contre 26 % des enfants d’ouvriers).
À Vénissieux, de nombreux dispositifs existent pour lutter contre l’obésité infantile. Et ce combat commence… dès le petit-déjeuner, alors que la Ville en propose dans certains établissements scolaires. « Nous avons mis l’alimentation et l’équilibre nutritionnel des enfants vénissians au cœur de nos politiques de proximité et de nos équipements », expliquait ainsi, à l’automne 2022, Michèle Picard, maire de Vénissieux, au moment de la mise en place du dispositif « petits déjeuners » dans les établissements scolaires classés en zone d’éducation prioritaire. « C’est un élément de notre projet éducatif territorial, de la Cité Éducative, mais c’est aussi une de nos priorités sociales, pédagogiques, de façon à réduire les inégalités alimentaires et à œuvrer pour une éducation au « mieux manger ». (…) On sait que dans les familles les plus fragiles, le déjeuner à la cantine est bien souvent le repas le plus équilibré de la journée pour de nombreux enfants. » D’où l’idée d’étendre les vertus d’un repas équilibré à la première collation de la journée.
Un ennemi, la sédentarité
Et les adultes ne sont pas épargnés par cette maladie. D’autant qu’ils évoluent dans un environnement propice à son développement. « Il y a des habitudes de vie qui sont difficiles à changer comme le grignotage et le manque de sport, reprend Gwenaëlle Seveyrat. Ces dernières années, la sédentarité augmente de plus en plus, notamment avec le développement du télétravail. On a tous tendance à avoir des comportements sédentaires naturellement : on va moins bouger, avoir des repas de moins bonne qualité avec des plats préparés par exemple. »
Alors, que faire ? La Haute autorité de santé (HAS) recommande aux praticiens et aux patients de co-construire le parcours de soins. Celui-ci commence par le dépistage (poids, taille, tour de taille, calcul de l’Indice de masse corporelle —IMC…) et la confirmation du diagnostic, via une évaluation multidimensionnelle et une détection des comorbidités.
Un changement des habitudes s’impose ensuite, au cours d’un échange entre le patient et le médecin : maintenir ou augmenter l’activité physique, limiter les comportements sédentaires, améliorer l’alimentation (sensations, équilibre, environnement) et le sommeil (quantité, qualité, rythme de vie). Enfin, le praticien peut, pour les cas les plus graves, recommander un séjour en SMR (soins médicaux et de réadaptation), un traitement pharmacologique et/ou une chirurgie bariatrique (qui consiste à modifier l’anatomie du système digestif).
« Dans une perspective de long terme, la personne soignée doit être associée aux décisions qui la concernent : reformuler de nouveaux objectifs, faire une pause dans les soins, recommande ainsi la HAS. Ces demandes doivent être entendues, tout en assurant le maintien du lien avec les soignants. »
Une certitude, enfin : « Il faut déconstruire les idées reçues », assure Camille Canaple, médecin au sein du Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique. « Les régimes ne sont pas la réponse. » Et c’est bien une prise en charge multiple qui s’impose.
Des parcours de soins adaptés aux enfants
Pour venir en aide aux jeunes atteints d’obésité et à leurs familles, plusieurs programmes proposent, localement, une prise en charge pluridisciplinaire. Zoom sur l’accompagnement du RéPPOP et du Parcours Santé.
En France, 20 % des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids et parmi eux, 5,4 % sont en situation d’obésité. Des chiffres en constante augmentation dans l’hexagone et dans le monde, puisque le nombre d’enfants concernés a quadruplé en trente ans, d’après l’Organisation mondiale de la santé.
« Dans la société et chez certains soignants, on pense encore que si un enfant est obèse, c’est parce qu’il mange trop, ne bouge pas assez, n’a pas de bonnes habitudes de vie, observe le docteur Camille Canaple, médecin généraliste au sein du Réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique (RéPPOP). Pourtant, nous ne sommes pas tous égaux face à cette maladie, certains sont plus à risque que d’autres : il y des prédispositions, l’hérédité. L’environnement est aussi à prendre en compte et peut avoir des conséquences sur la santé des enfants. »
Ils peuvent en effet souffrir de douleurs orthopédiques, articulaires, d’une puberté précoce, d’essoufflements ainsi que d’un manque de confiance en soi et d’un mal-être. « Plus le surpoids et l’obésité arrivent tôt, plus ils s’installent dans le temps, affirme Camille Canaple. Il est important d’agir tôt, mais il faut respecter la temporalité des familles, il faut arrêter de les culpabiliser et de penser que les enfants en surpoids ou obèses manquent de volonté. »
Équilibrer l’excès de poids grâce à la croissance
Le RéPPOP propose ainsi un accompagnement « à la carte » pour les jeunes concernés et leurs familles. « Une étude a montré que 7 enfants sur 10 sortent du programme avec des résultats encourageants », affirme la docteure.
Le dispositif s’articule autour de deux missions. La première est de former les professionnels de santé afin qu’ils puissent accompagner les jeunes concernés. L’autre mission se concentre sur les familles : « Le programme est accessible pour toutes les personnes de moins de 18 ans. Il dure deux ans et est complètement gratuit. Il se compose de rendez-vous avec un médecin et d’un suivi médical avec un diététicien et un psychologue. Des ateliers sont aussi proposés, sur différentes thématiques comme la relaxation, le bien-être, l’alimentation ou encore le sport. »
De son côté, la Ville propose un accompagnement similaire. Des dépistages sont réalisés par les infirmières scolaires dans les écoles primaires : « Elles se basent sur la courbe de croissance pour voir comment elle évolue et elles repèrent aussi les enfants qui sont déjà en surpoids ou en obésité », explique Diane de Vanssay, diététicienne à l’Atelier santé ville.
Si la famille le souhaite, elle peut alors intégrer le dispositif « Parcours santé » pendant deux ans. Des rendez-vous pluridisciplinaires sont proposés avec une psychologue, une diététicienne et un enseignant d’activité physique adaptée, ainsi que des temps d’échanges et des activités ludiques. « Nous voulons que les enfants soient contents de venir, qu’ils se sentent bien et que ce soit un espace bienveillant pour eux », précise la diététicienne.
Pendant deux ans, les enfants vont participer à des activités physiques une fois par semaine : « Nous essayons de leur faire aimer le sport grâce à des activités originales, détaille-t-elle. Nous ne sommes pas là pour les faire maigrir. Notre objectif est avant tout de les aider à ralentir la prise de poids pour qu’elle s’équilibre avec la croissance. »
Fort en Sport : « Je suis en bien meilleure forme »
Le 2 mars, l’association Fort en Sport a organisé une course amicale à Parilly. Une vingtaine de personnes y ont participé. L’occasion d’évoquer avec elles leurs parcours et les bénéfices d’un accompagnement pluridisciplinaire.
Et malgré un temps maussade, ils étaient une vingtaine à avoir fait le déplacement et à avoir pris le départ de cette course. Sans chronomètre, bien sûr, l’objectif étant surtout de prendre du plaisir tout en faisant du sport à son rythme.
Illustration avec Héléna, fraîchement retraitée, qui a terminé son parcours avec ses bâtons de marche, souriante et détendue, savourant ses efforts. « J’ai accompli mes trois tours, je me sens bien. » Pour intégrer le programme Fort en Sport, elle a dû remplir les conditions d’adhésion à l’association, notamment avoir un IMC supérieur à 30, ne pas présenter de contre-indication à l’activité physique et sportive, avec certificat médical et test d’effort requis.
« J’ai rejoint Fort en Sport en 2018, explique-t-elle. J’avais un excès de poids. Depuis une vingtaine d’années, je souffre d’un asthme sévère traité à la cortisone, ce qui m’a amenée à atteindre 123 kg. Pour combattre cette maladie chronique, un médecin de la Croix-Rousse m’a conseillé un protocole à suivre progressivement, commençant par une activité physique. Il m’a recommandé de m’appuyer sur Fort en Sport, qui propose un accompagnement pluridisciplinaire, incluant la diététique, un soutien psychologique et de l’exercice physique. Grâce à ce programme, suivi rigoureusement, j’ai pu changer mon mode de vie. Depuis, ma persévérance a payé, je suis descendue à 104 kg et je n’ai ni besoin et ni envie de me peser. J’ai été frappée par le fait que la plupart des professionnels que j’ai rencontrés déconseillaient les régimes. Et cela me convient parfaitement. »
À ses côtés, Frédéric affichait la même bonne humeur. « Je suis venu ici en tant qu’accompagnateur mais, moi aussi, malgré mon mètre quatre-vingt et quelques, j’ai dû surveiller mon alimentation et m’activer un peu. J’avais dépassé les 100 kg, désormais, je me maintiens autour de 85 kg. »
Françoise, septuagénaire souffrant depuis près de dix ans des épaules et de l’omoplate, revenait elle aussi sur son parcours. « Mon IMC avait dépassé les 30, j’ai suivi pendant trois ans le programme et l’accompagnement pluridisciplinaire de l’association. Désormais je me contente de l’activité physique. Les résultats ne sont pas très visibles, mais je vous assure que je suis en bien meilleure forme, je suis beaucoup plus mobile, j’ai trouvé une certaine stabilité. »