« C’est un nouveau départ pour une nouvelle vie », confie Ismahane. Suite à un divorce, cette Tunisienne de 37 ans s’est lancé le défi d’obtenir son CAP cuisine en seulement neuf mois avec le programme Des étoiles et des femmes, « afin d’apprendre les classiques de la gastronomie française ».
Ainsi, douze femmes d’origines étrangères, dont Ismahane, participent à ce dispositif. Lequel est financé par France Travail, porté localement par Weavers, une association qui aide les personnes exilées à accéder à l’emploi, et mis en œuvre par le Greta, pour la partie théorique, et le lycée Hélène-Boucher, où les stagiaires ont accès aux cuisines. « Le fait que l’on soit un groupe de femmes avec des parcours similaires, ça nous aide, estime la stagiaire. On s’entraide et on se motive. »
Les douze « étoiles » réalisent leur CAP cuisine en alternance, dans des restaurants étoilés et gastronomiques de l’agglomération lyonnaise. Des établissements renommés comme celui du chef étoilé Jérémy Galvan, Les 3 Dômes, Mauvaises herbes, l’Ormiellerie, Semo ou encore l’Esprit bistrot. Et si Ritha, Congolaise, admet qu’avant de commencer ce CAP, elle « ne connaissait rien à la cuisine française », elle a depuis pris confiance en elle : « J’ai découvert énormément de choses dans le restaurant où je travaille et je suis très fière de moi. »
70 % de retour à l’emploi
Comme dans tous les CAP, les jeunes femmes suivent également des cours de français, d’histoire-géographie, d’anglais et de sciences appliquées. Avec, forcément, un accent mis sur la cuisine : « On essaie de voir toutes les techniques comme le taillage, la coupe, les sauces, la préparation, la cuisson ou la présentation », détaille Sébastien Greffet, formateur.
Un accompagnement socioprofessionnel individuel est aussi proposé par Weavers et une fois la formation terminée, l’association reste en lien avec celles qui le souhaitent : « Nous accueillons uniquement des candidates éloignées de l’emploi avec des problématiques de précarité, de logement, de langue et en grande majorité issues de quartiers prioritaires de la ville, explique Marie Bonne, cheffe de projet pour Weavers. Pour certaines, il y a une vraie problématique sociale à dépasser, mais toutes ont des parcours extraordinaires. L’idée est de les accompagner jusqu’au recrutement.»
L’objectif de ce programme est donc de lever les freins à la réussite et de permettre à ces femmes de se réinsérer professionnellement : « Beaucoup d’entre elles ont des diplômes obtenus dans leur pays d’origine, qui n’ont pas été reconnus en France, affirme Lucille Barey, coordinatrice pédagogique au Greta. Nous avons de très bons résultats pour les promotions précédentes avec 100 % de réussite et de 70 % de retour à l’emploi. »
Une fois leur diplôme en poche, toutes ont des rêves plein la tête. Certaines souhaitent ouvrir leur propre restaurant, d’autres continuer de se former ou de bien devenir à leur tour formatrice, dans leur pays d’origine. Ces « étoiles » se sentent prêtes à découvrir l’univers de la gastronomie qui s’offre à elles.
Témoignage
Fabiani Patrocinio Madeira : « Un nouvel espoir »
« J’ai travaillé dans la restauration toute ma vie. Avec ma famille, nous venons du Brésil, nous nous sommes installés en France pour le travail de mon mari. Mon arrivée n’a pas été facile, je ne parlais pas beaucoup français et je suis restée quatre ans sans exercer mon métier.
Quand j’ai trouvé cette formation, ça m’a donné un nouvel espoir. Cela faisait des années que je souhaitais faire une formation sur les bases des techniques culinaires françaises, c’est la référence mondiale dans la gastronomie.
Je suis en alternance dans le restaurant gastronomique et étoilé de Jérémy Galvan, dans le 5e arrondissement de Lyon. Je ne pensais pas qu’il était possible de travailler dans ce type d’établissement. C’est très exigeant, mais j’ai trouvé ma place, je me sens à l’aise. J’apprends de nombreuses techniques différentes, c’est une très bonne expérience. »
À la découverte de la cuisine américaine
Les douze stagiaires ont accueilli deux invitées de marque, lundi 11 mars, au lycée Hélène-Boucher. Dawn Burrell et Danielle Holmes, deux cheffes américaines, étaient de passage à Lyon et ont proposé aux « étoiles » un atelier de cuisine. « Dawn Burrell est une ancienne athlète olympique, championne du monde en salle en 2001 du saut en longueur et qui est ensuite devenue cheffe, elle s’est reconnue dans le profil de nos stagiaires et a souhaité les rencontrer », explique Pierre Sebert, proviseur du lycée Hélène-Boucher.
« Ce projet a été proposé par le Consulat américain et la Fondation James Beard, détaille Gaëlle Dakan, déléguée aux Affaires publique au consulat des États-Unis. L’objectif est de valoriser la diversité culinaire américaine et de promouvoir la place des femmes dans le milieu de la restauration. »
Tout au long de la matinée, les étudiantes et les deux cheffes ont cuisiné ensemble dans une ambiance conviviale. Valsant entre le français, l’anglais et l’espagnol, les cuisinières ont concocté un New Gumbo z’herbes et un pain de maïs aux noisettes avec de la crème à l’orange. « Je m’inspire beaucoup de plats panafricains et des îles comme la Barbade ou la Jamaïque », a expliqué Dawn Burrell.
Malgré le stress, les jeunes femmes se souviendront longtemps de cette expérience : « C’est incroyable de travailler avec elles, témoigne Hanna, une des stagiaires du CAP. Elles nous apprennent beaucoup et c’est vraiment une super expérience ».
Au total, près de soixante convives ont pu goûter les mets proposés, avec parmi eux des invités de taille comme le consul des États-Unis, le recteur de l’académie de Lyon, des élus de Vénissieux … Et bien sûr, les élèves et les cheffes, qui ont pu poser leur tablier et déguster leur préparation.