Les mots sont de Michèle Picard : « On ne devient pas première adjointe par hasard. On le devient car on sait qu’il faudra consacrer 100 %, voire 110, 120 % de son temps à sa tâche. C’est un choix fort, de conviction, de tempérament. » Yolande Peytavin, on le sait, n’en manque pas.
Vingt-sept ans durant, de 1996 à 2023, elle a co-piloté la Ville de Vénissieux. Aujourd’hui simple conseillère municipale, c’est dans les locaux du journal Expressions qu’elle embrasse ce quart de siècle d’engagement politique. « Je me suis engagée bien plus tôt, en adhérant dès 16 ans au PCF, corrige-t-elle d’emblée. Militer à gauche était pour moi en évidence, c’était cohérent avec mon histoire familiale. Mon père était dans les rangs des Républicains pendant la Guerre d’Espagne. Ensuite il a été syndicaliste chez Rhône Poulenc. Et puis j’habitais un quartier, le Moulin-à-Vent, où le militantisme était omniprésent, porté par les enseignants et les présidents d’associations. Grandir là a été une véritable école. J’ai appris que l’on doit s’investir si l’on veut changer les choses, qu’il ne suffit pas de se plaindre. »
L’expérience formatrice du privé
Ses premiers pas en tant qu’élue remontent à 1989, comme conseillère municipale dans l’équipe d’André Gerin. À l’époque, Yolande Peytavin travaille encore dans le privé, à la Stepe, une entreprise de Rillieux-la-Pape où elle a en charge le développement du secteur « courant faible ». Une expérience « extrêmement formatrice », qui lui donne une méthode de travail basée sur le pragmatisme et la prise d’initiatives. Sept ans plus tard, à l’âge de 43 ans, le maire lui propose de lâcher sa carrière professionnelle et de s’asseoir dans le fauteuil situé à sa gauche, jusqu’ici occupé par Guy Fischer. « J’ai longuement réfléchi car j’avais encore trois enfants jeunes, j’ai beaucoup discuté avec ma famille. Sans le soutien de mon mari tout au long de ces années, je n’aurais pas pu assumer pleinement mes responsabilités. Nous avons formé une équipe. »
Au moment de dresser un bilan de son action, Yolande Peytavin masque difficilement une certaine gêne. « Je ne crois qu’au collectif, alors faire un bilan personnel… » Exercice d’autant plus difficile qu’en 27 ans elle a occupé de nombreuses délégations : culture, politique de la ville, finances, développement de la ville, communication… « La médiathèque et le Grand Parilly sont des dossiers que je suis particulièrement fière d’avoir portés, finit-elle par admettre. Ce sont deux projets pour lesquels l’équipe municipale a su défendre ses convictions. Pour la médiathèque, on avait l’idée que l’emplacement au pied de l’avenue d’Oschatz était le bon, que cet équipement pouvait fédérer le haut et le bas de Vénissieux. L’État n’était pas du tout convaincu au départ. On sait aujourd’hui la réussite que c’est. Et dans la foulée, on a réussi l’urbanisation de l’avenue d’Oschatz, qui matérialisait enfin la réunion du Centre et du Plateau. Pour Grand Parilly, nous avons su convaincre les partenaires privés d’intégrer nos attentes pour bâtir un quartier équilibré, agréable. Ce n’est pas fini, mais le résultat est déjà très satisfaisant. Le dialogue entre public et privé a été fructueux. »
« Quand on a un mandat d’élu, on se doit d’élever le niveau »
Des moments noirs lui reviennent également en mémoire. À commencer par l’accident du 31 janvier 1999 : une voiture GPL incendiée explose à La Pyramide, elle blesse six pompiers dont Jean-Jacques Bagrowski, qui a la jambe arrachée et sera amputé à l’aine. Six mois plus tard, c’est le centre commercial de La Darnaise qui flambe. « Ces deux événements m’ont profondément touchée, confie l’ancienne première adjointe, c’était un mélange intense d’émotion et de violence. Quand on est élu, on prend des coups qui peuvent marquer longtemps. Mais on sait, quand on s’engage, que la vie municipale est parfois dure. »
Ce à quoi elle ne s’attendait pas en revanche, c’est la dégradation des rapports humains dans la politique. « La critique et les attaques de l’opposition ont toujours fait partie du jeu, c’est normal. Mais auparavant, elles portaient sur le projet, les idées. Depuis quelques années, surtout avec le développement des réseaux sociaux, elles portent sur les personnes. Cela me désole profondément. J’ai l’impression que l’on utilise davantage la liberté d’expression à des fins dévastatrices que constructives. Dans mon esprit, quand on a un mandat d’élu, on se doit d’élever le niveau. »
Yolande Peytavin regrette par ailleurs que l’échelon communal soit de plus en plus escamoté, en particulier dans le territoire de la Métropole de Lyon. « Quand je vois que certains maires ne sont même pas représentés dans l’assemblée métropolitaine, je me dis que la démocratie est amputée. On se prive de l’expertise des élus locaux, qu’ils soient de gauche ou de droite, et je trouve ça regrettable. »
L’ancienne première adjointe en parle d’autant plus aisément qu’elle a longtemps siégé, entre 1995 et 2020, sur les bancs de la Courly, du Grand Lyon, puis de la Métropole. Dans la seconde moitié des années 2000, elle y a conduit, en qualité de vice-présidente, le programme d’aménagement des aires d’accueil pour les Gens du voyage. « Je disposais d’une petite équipe, mais on a fait un gros travail », se souvient-elle.
Si elle a officiellement lâché le bâton de première adjointe, Yolande Peytavin n’a pas fini, tant s’en faut, de s’engager dans la vie locale. La conseillère municipale souhaite continuer à s’investir dans deux structures qui lui tiennent à cœur : la SEM patrimoniale qui pilote le renouveau commercial du centre-ville, et la régie du journal Expressions dont elle préside de longue date le conseil d’administration.