Aujourd’hui psychologue clinicienne, Françoise Guérin a débuté son travail d’écriture en participant aux concours de nouvelles organisés par l’Espace Pandora et le cinéma Gérard-Philipe, à Vénissieux. Elle avait habité aux Minguettes et connaissait bien les lieux. Une partie de sa famille y vit encore.
De l’écriture de nouvelles, Françoise est passée aux romans, publiés au Masque — une série TV a d’ailleurs été tirée du personnage de Lanester, un flic qui apparaît dans plusieurs de ses histoires —, puis chez Albin Michel et Eyrolles. C’est chez cet éditeur qu’est paru, le 4 janvier, La Souris qui voulait sauver l’ogre.
« Au départ, mon héroïne était journaliste, explique Françoise, mais cela compliquait car il fallait faire vivre toute une rédaction autour d’elle. » Finalement, l’écrivaine opte pour une psychologue, un métier qu’elle connaît. « J’avais envie que ce soit une jeune femme qui ne se met pas en avant. » Et comme la couverture du livre indique qu’il s’agit d’« une enquête de la cellule Cornelia », le lecteur est en droit de penser qu’il pourra savourer d’autres aventures de Maya Van Hoerenbeck. « A priori, reconnaît Françoise, il y aura d’autres livres qui pourront se lire séparément. Pour l’instant, l’écriture ne se commandant pas, j’écris de petits textes, des nouvelles mais n’ai pas encore trouvé où se passera le prochain roman. Le contexte politique me pousserait à écrire mais ce serait des hurlements, de la colère. Mais cela ne fait pas de la littérature… »
L’importance du 3114
Si le mot enquête a été employé, c’est qu’il s’agit bien ici d’une enquête policière, bien que menée par une psychologue, qui traite du suicide des adolescents. « Je voulais travailler sur la prévention du suicide et sur la postvention, qu’on connaît moins et qui est une prise en charge des victimes collatérales. J’ai suivi des séminaires et des conférences sur la question, j’ai lu et j’ai exploré tout ce qu’il y avait autour du 3114 – ndlr, le numéro national de prévention du suicide. »
C’est une évidence, son travail a nourri la fiction, sans que toutefois celle-ci ne reprenne exactement des faits existants. Jusqu’au personnage de la bonne sœur, qui apparaît plusieurs fois dans le récit, et qui lui a été inspirée « par ces religieuses du Prado que je voyais à Vénissieux ». L’humanité est au cœur du récit et la romancière décrit à merveille aussi bien les gens peu aisés qui vivent dans les quartiers populaires de Sète, où se déroule le récit, que ceux qui, à l’abri du besoin, vivent d’autres drames, dont l’un est lié au suicide.
Quand on la questionne sur ces militants d’extrême droite qui surgissent soudain dans le roman, Françoise sourit : « Je suis plus politisée que je n’en ai l’air. J’ai fait partie de la JOC — Jeunesse ouvrière chrétienne — à une époque, dont la devise était : connaître ses droits ou se faire avoir. Dans un cabinet de psy, on est témoin de la dégradation du monde, des pressions qui s’exercent sur les salariés, les étudiants, les élèves… Pressions qu’ils se mettent parfois eux-mêmes. »
Quant au titre, elle précise qu’elle ne le prémédite pas lorsqu’elle écrit. Cette allégorie de l’ogre et de la souris concerne plusieurs personnages dans le roman. « La souris, ce serait l’humain et l’ogre, ce qui le broie. Mais nous sommes tous à la fois ogre et souris. »
Françoise Guérin, « La souris qui voulait sauver l’ogre », éditions Eyrolles, 19,90 euros.