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Culture

Livres : la poésie, un levier pour aller vers les autres

Interrogé par Christophe La Posta, Thierry Renard retrace, dans « En première ligne », l’aventure de l’Espace Pandora mais aussi la place de la poésie dans la cité.

En avant-propos d’En première ligne, conversations entre Thierry Renard et Christophe La Posta que publient les éditions de La Rumeur libre, Paola Pigani écrit : « J’aimerais avoir le rire de Thierry Renard. Ce rire qui fait sauter les serrures et cache l’entrée de nos galeries souterraines. »

Pour qui connaît les deux Vénissians au cœur de cet ouvrage, la remarque est judicieuse et donne envie de se plonger dans ce livre qui ne parle pas uniquement d’un parcours mais de l’importance de la poésie.

« Tout est né d’une demande de Valère Staraselski pour son magazine Travailler au futur, explique Thierry Renard, poète, éditeur et directeur de l’Espace Pandora. Il a proposé à Christophe de m’interroger. Le résultat, paru dans le magazine, est devenu le premier chapitre et nous avons eu envie de continuer. »

Pour Christophe, qui a rejoint l’équipe de Pandora depuis quatre ans, c’était aussi « l’occasion de retracer l’histoire de Pandora pour son futur anniversaire des quarante ans, que l’on va célébrer en 2025. J’ai presque le même âge que l’Espace… Il y avait des choses que je connaissais, d’autres que j’ai apprises. Thierry a été un peu plus loin, nous avions le temps. »

Précisons que les deux amis, qui se côtoient pourtant tous les jours à l’Espace Pandora, ont opté pour une méthode infaillible : les mails. « Nous voulions, explique Thierry, garder un côté vivant car il s’agit plus de conversations que d’une véritable interview. Notre but était aussi que le livre ne parle pas qu’à ceux qui connaissent l’Espace Pandora, plutôt qu’il réponde aux questions sur la place de la poésie. Nous continuons nous-mêmes à nous questionner sur notre utilité. »

Un arrêt sur image

Une utilité qu’il n’est bien sûr pas judicieux de remettre en cause. L’Espace Pandora gère deux festivals par an — dont le Magnifique printemps, version locale du Printemps des poètes —, publie des livres, met en place des ateliers d’écriture, organise le prix de poésie René-Leynaud et a installé depuis longtemps la poésie au cœur de la cité. Il suffit de déjeuner l’été en terrasse avec l’équipe de Pandora pour les voir saluer par de nombreuses personnes, officiels et simples amis des quartiers, qui ont compris grâce à eux combien la poésie était tout sauf élitiste.

« Avec En première ligne, poursuit Thierry Renard, nous faisons un arrêt sur image. En le relisant, je me suis rendu compte que plein de choses n’ont pas été abordées et qu’il faudrait presque continuer. » Christophe intervient : « Le livre s’est construit comme on travaille. On sait ce qu’on veut mais pas par où on va passer. »

Il est beaucoup question de ce qu’on appelle le « public empêché ». On peut ainsi lire que « les chemins de l’art et les chantiers de l’esprit ne sont pas seulement réservés aux initiés », surtout quand il s’agit de « réduire la fracture culturelle ».

Thierry ajoute : « Nous faisons toujours des allers-retours avec ceux qui sont éloignés de la poésie. L’originalité de Pandora est de parler à ceux qui n’en lisent pas. » On pourrait ajouter : et qui, rassurés par des ateliers d’écriture, en écrivent de très belles.

Christophe éclaire le sujet d’une phrase : « La poésie est un levier pour aller vers les autres ! » Et Thierry surenchérit : « Nous ne voulons pas être réducteurs, dans le genre « Les poètes parlent aux poètes ». Nous avons publié aussi des philosophes comme André Comte-Sponville et Jacques Derrida, des textes courts, des sciences humaines… »

Entre les lignes raconte ainsi les rencontres. Car la plus grande des qualités de Pandora, c’est bien la curiosité et la capacité à « ne pas s’enfermer dans un territoire ».

Un désir, pour ce quarantième anniversaire qui approche ? Tous deux rêvent d’un lieu susceptible de recevoir un plus large public. Pour « expérimenter de petites formes théâtrales, musicales, poétiques, des expositions aussi ».

Dans le livre, Thierry Renard évoque une double formule, « empruntée à Rimbaud (changer la vie) et à Marx (transformer le monde) ». Quarante ans après, les deux restent d’actualité.

En première ligne, La Rumeur libre, 18 euros.

 

 

 

 

 

D’autres parutions à La Rumeur libre…

Préfacé par Bernard Faivre d’Arcier, ancien directeur du festival d’Avignon, Le Théâtre des présidents d’André Désiré Robert (18 euros) célèbre d’une manière originale le mariage des gouvernants avec le théâtre. Il ne s’agit pas ici de décortiquer les politiques culturelles de la Ve République mais de parler des différents spectacles en représentation officielle devant les présidents de la République. Du Tête d’Or de Claudel monté par Jean-Louis Barrault et joué devant de Gaulle à l’Odéon, le 21 octobre 1959, à Lorsque l’enfant paraît de Roussin, dans une mise en scène de Michel Fau, représentation à laquelle assistait Emmanuel Macron le 14 octobre 2022, l’auteur évoque les différentes pièces, leurs critiques et le goût des différents chefs de l’État en matière de théâtre. Avec, en appendice, les présidents devenus sujets d’un spectacle. André Désiré Robert le rappelle, « la culture (…) joue son rôle dans la manière d’aborder et de traiter les affaires ».

– À travers les pages d’un journal poétique, Joëlle Guidez nous fait revivre les heures sombres du Coronavirus et du confinement. Au quotidien, Un jour, les rues vides (13 euros) conte l’épidémie, les lectures, le temps suspendu de ce qu’elle nomme « un moment Kafka ».

– La revue Rumeurs consacre son numéro spécial de novembre au rock lyonnais, sous le titre astucieux de Guignol aime la musique du diable (29 euros). Alain Garlan y retrace le parcours du rock lyonnais, aidé « par ses acteurs, 66 auteurs (et plus !) d’une histoire commune ».

… et ailleurs

Autrice de bandes dessinées — on avait beaucoup apprécié Noire —, Émilie Plateau, sœur d’une ancienne collaboratrice d’Expressions, publie le 26 janvier prochain chez Dargaud Vivian Maier Claire-Obscure. Le scénario de Marzena Sowa évoque une photographe américaine dont l’œuvre n’a été découverte qu’après sa mort, à l’âge de 83 ans.

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