Dominique Manoha, un infirmier à la retraite… de Russie
Les Vénissians connaissent forcément Dominique Manoha puisque sa signature apparaît dans les colonnes du Progrès depuis quatre ans. Lui-même s’est installé dans notre commune en 1995. Fort de cette expérience dans l’écrit, cet infirmier à la retraite s’est lancé dans la rédaction d’un premier roman ambitieux.
« J’ai toujours aimé lire, raconte-t-il, mais, avant, je n’écrivais que des cartes postales. J’ai répondu à une annonce du Progrès et j’ai été embauché comme correspondant. Rendre compte de sujets très différents m’a débloqué. J’avais sans doute un frein mental. »
Ce frein a forcément sauté quand Dominique se décide à aborder le roman par le biais de l’Histoire. Une Histoire qu’il dit vouloir « raconter au ras des pâquerettes », en prenant pour personnages principaux ceux que les films ou les livres trop souvent délaissent.
« L’époque de Napoléon m’intéresse et, de fil en aiguille, j’ai pris des renseignements. J’avais une histoire dans la tête, elle est venue comme ça. Dans mon livre, interviennent des personnages réels et d’autres qui sont inventés. On croise même Napoléon. Ce sont finalement les faits historiques avérés qui m’ont posé le plus de problèmes : il fallait les rendre attrayants. »
Il regrette qu’à l’école, cette période ait été « sautée à pieds joints ». Pourtant, ajoute-t-il, « elle est très riche ». Il poursuit : « Il ne doit pas exister beaucoup de rues baptisées du nom de Napoléon, alors qu’on trouve ses maréchaux, qu’on a la rue de Rivoli, le veau Marengo… Même ses batailles sont plus présentes que lui. La Restauration a tout fait pour le sortir de l’Histoire. Aujourd’hui, on le met en opposition avec la Révolution. »
Un épisode tout particulier de la campagne de Russie a retenu toute son attention. Quand l’armée française bat en retraite et doit franchir la Bérézina, il faut construire des ponts.
« Ce sont des régiments allemands du grand duché de Hesse, alliés de l’armée française, qui ont protégé la construction. Je me suis attaché à ces Allemands qui se sont battus pour Napoléon. J’ai gardé les noms réels et j’ai brodé pour leur vie privée. »
Des échos d’aujourd’hui
D’une plume alerte, Dominique Manoha mène ce récit sans temps mort, retraçant avec détail la vie quotidienne dans une petite ville du duché de Hesse ou au sein de l’armée. Il décrit aussi la rancœur des Prussiens battus, obligés d’appartenir à la Grande armée après leur défaite et le désarroi de ces alliés d’un jour qui, suite aux revirements de leurs gouvernements, se retrouvent dans le camp ennemi. Il interpelle aussi le lecteur, le mettant dans la confidence ou l’exhortant à ne pas se laisser entraîner par de fausses idées, rendant Bérézina extrêmement agréable à lire.
Les romans historiques donnent souvent des éclairages sur des situations plus contemporaines. « C’est vrai, admet Dominique Manoha, que cela résonne avec ce qui se passe en Ukraine. Il y a aussi un écho à l’Europe, avec cette collaboration entre les Français, les Allemands et d’autres nations, telles l’Italie, la Pologne ou l’Espagne. Les états allemands sont sous influence française. Ainsi, le frère de Napoléon, Jérôme, est roi de Westphalie. »
Aujourd’hui satisfait de pouvoir tenir son livre entre les mains, va-t-il s’arrêter en si bon chemin ? « Une fois terminé, j’avais l’impression de ne plus rien avoir à raconter. Mais on ne sait jamais… »
Bérézina de Dominique Manoha, Le Lys Bleu, 21,40 euros.
On peut se procurer le livre sur le site de l’éditeur : lysbleueditions.com/produit/berezina/
mais aussi chez Decitre, Amazon, Fnac, etc.
Nourredine Mouissat, un poète héritier des rappeurs
« Je ne pensais pas écrire un livre un jour. » Pourtant, souriant, Nourredine Mouissat vous tend Ma Plume Ancre, le livre qu’il a auto-publié chez Amazon en deux formats, relié et broché. Il s’explique : « Je ne suis pas du tout dans le domaine littéraire. J’ai une formation commerciale et je travaille dans un centre d’insertion pour jeunes adultes. »
Habitant depuis 2018 le quartier de Jules-Guesde, Nourredine est originaire de la Marne, près de Reims, et a vécu auparavant à Grenoble. « J’ai une âme poétique, reconnaît-il. C’est après une période difficile de ma vie que j’ai couché sur le papier de petites poésies accumulées. Une sorte d’autothérapie ! »
Il les montre à des amis qui le convainquent de réunir ces textes en vers dans un livre. « Je l’ai scindé en deux. La première partie, une grosse partie en fait qui est subdivisée, traite de l’amour. Dans la deuxième, je parle du bonheur, du paysage, de la religion, de la solitude… »
La religion, justement, occupe une bonne partie du recueil et, en bon musulman, Nourredine défend les principes de l’Islam sans prosélytisme. Ainsi, sa défense du voile est suivie de « Chacune est libre de se vêtir/À juste titre comme bon lui semble » et il termine sur la notion de liberté citée dans le sixième couplet de La Marseillaise.
Nourredine reprend : « Il est difficile d’accéder à un éditeur classique. J’ai découvert les plateformes d’auto-édition, Amazon étant celle qui a la plus grande part de marché. En plus, on ne doit pas payer. J’ai délégué la correction à d’autres personnes, me suis formé à la mise en page. La couverture a été compliquée à réaliser, puis il y a les mentions obligatoires et facultatives. L’impression est déclenchée à partir de la commande, il n’y a ni perte ni stockage. »
« Les rappeurs sont les héritiers des poètes »
La majeure partie des textes de Nourredine Mouissat est en vers. Les rimes classiques peuvent soudain être percées d’un mot plus familier que l’on remarque d’autant plus : « Sans une éternité/L’amour s’appelle « angoisse »/L’inverse est la cité/De l’enfer. Quelle poisse ! »
« Jeune, reprend Nourredine, j’écoutais du rap conscient. Kery James m’a beaucoup inspiré. Il y avait le fond et la forme, la rythmique. Cela m’est resté. J’intériorise beaucoup à la base. J’ai vraiment commencé à écrire en 2016. C’était un exutoire, une vocation thérapeutique. Je me suis lancé des défis. »
Il dit encore que « la poésie est à la portée de tout le monde » et cite Aznavour qui clamait que « les rappeurs sont les héritiers des poètes ». Une comparaison reprise d’ailleurs dans la chanson de Kery James À l’ombre du show business.
Ma Plume Ancre ne démontre pas seulement que Nourredine a une belle écriture, qui se rapproche effectivement du rap et du slam. « Je suis bilingue et je pratique aussi la calligraphie. Pourquoi ne pas enrichir le livre ainsi ? »
Le jeune auteur tient à remercier trois personnes qui l’ont beaucoup aidé : Delphine Reynier qui l’a motivé et corrigé, la romancière Émilie Varrier pour ses enseignements sur l’auto-édition et Élise Boyer, qui a elle-même publié trois ouvrages, et a écrit la préface de Ma Plume Ancre.
Ma Plume Ancre, Amazon. Prix : 9,90 euros (broché) – 14,90 euros (relié). Disponible sur amazon.fr