C’était il y a quarante ans. En 1983, un policier blesse un jeune Vénissian, Toumi Djaïdja, point de départ d’un mouvement qu’on nommera Marche pour l’égalité et contre le racisme, raccourcie dans les médias en Marche des Beurs. Exaltés par la vision du film Gandhi, Toumi et quelques autres jeunes gens, aidés à Vénissieux par le père Christian Delorme, Marcel Notargiacomo et la Cimade, décident d’organiser une marche pacifique. Celle-ci part de Marseille le 15 octobre pour gagner la capitale à pied. Au fil des kilomètres, des milliers de marcheurs viennent grossir les rangs et arrivent à Paris le 3 décembre. Ils sont alors plus de 100 000, d’autant plus que, pendant la Marche, un nouveau crime raciste a été commis dans le train Bordeaux-Vintimille par trois légionnaires. Et que dire de la grève démarrée en 1982 à Talbot Poissy, avec la menace de renvoi de travailleurs immigrés — que les marcheurs soutiennent. Devant l’usine, on entend La Marseillaise mais aussi les cris de « Les Noirs aux fours, les Arabes dans la Seine ». Le pays est sous tension et, à revoir les reportages de l’époque, on comprend qu’une grande majorité des Français sont disposés, dans les villes et villages, à accueillir et soutenir les marcheurs. Parmi eux, une délégation sera reçue à l’Élysée par le président François Mitterrand. Ce dernier promet une carte de séjour et de travail valable pour dix ans, une loi contre les crimes racistes et un projet sur le vote des étrangers aux élections locales.
Depuis, tous les dix ans, on demande à quelques-uns des marcheurs (Toumi, Djamel Atallah, Farid L’Haoua, etc.) de se remémorer ce que fut pour eux cette grande aventure. Mais que reste-t-il aujourd’hui de cette marche ?
Dans la web-série La Ballade des gens qui sont nés quelque part, que la compagnie Traction Avant et son directeur artistique Slimane Bounia ont tournée à Vénissieux, il est question de l’historien Yvan Gastaut venu récemment au lycée Jacques-Brel parler de la Marche de 1983. Quasiment aucun des lycéens n’en avait entendu parler. Pour le coup, en mai dernier, ceux-là organisèrent une petite marche commémorative, dans les rangs de laquelle on reconnaissait d’anciens marcheurs historiques.
Dans le scénario de la web-série, les protagonistes décident d’organiser trois jours pour l’égalité, une idée aujourd’hui concrétisée par Traction Avant. Ainsi, on pourra voir le 13 octobre à 17 heures l’expo Fragments au Haricot (12, rue Gaston-Monmousseau), série de collages en hommage aux habitants de ce quartier où est née la Marche. Le 14 octobre à 17 heures, Traction Avant crée une émission en direct au lycée Jacques-Brel, Histoire(s) d’égalité, avec des témoignages de marcheurs et de lycéens. Enfin, le 15 octobre à 17 heures, la web-série sera diffusée au cinéma Gérard-Philipe, suivie d’un débat animé par le MAN (Mouvement pour une alternative non-violente).
Danser aussi
De son côté, en partenariat avec la Ville, l’association Mémoire des Minguettes a inscrit deux dates sur son calendrier, les 20 et 27 octobre. Tout commencera par une exposition des photographies de Farid L’Haoua, que l’on pourra voir à la médiathèque Lucie-Aubrac et qui sera inaugurée le 20 octobre à 18 heures. Puis, le 27 octobre à 18 heures, au cinéma Gérard-Philipe, la soirée se déclinera avec une démonstration de danse par la compagnie Second souffle et la projection d’un documentaire de Jeanne Menjoulet sur la Marche, Allons enfants.