Dans le jardin du centre social Roger-Vailland, ils sont six à se tenir debout face à un public composé d’adultes et de leurs petits frères et sœurs, Leila, Afifa et Abdou. Outre Hamza, un jeune homme de vingt ans venu là par intérêt pour l’écriture, Dounia, Saifeddine, Omar, Lina et Sarah ont de 7 à 13 ans et tous tiennent dans leurs mains des feuilles de papier. Feuilles qui contiennent un extrait du texte de Gwendoline Soublin, Fiesta, dans lequel le petit Nono n’a qu’une envie, organiser une fiesta pour son anniversaire, tandis que, dehors, gronde la tempête Marie-Thérèse.
À l’occasion de l’animation Lire et dire le théâtre ensemble, financée par l’État, la Métropole et la Ville, l’association des Scènes appartagées, dirigée par Sandrine Grataloup, a proposé du 24 au 27 juillet, une rencontre entre des familles et deux comédiennes, Hélène et Fanny, afin de s’approprier un texte littéraire et de le lire ensuite en public. « Une lecture à voix haute, précise Sandrine, sous la guidance d’un artiste, qui permet de gagner de la confiance en soi. Chaque fois que nous organisons de tels ateliers, nous sommes surpris par la qualité de la lecture et l’investissement des familles. »
Le centre social a ensuite fait passer l’information auprès des habitants du quartier. « Nous y sommes fortement impliqués, explique Céline Biro, qui est animatrice sur le secteur adultes. Les Scènes appartagées proposaient trois demi-journées autour d’une lecture théâtrale et il nous fallait voir ce qui s’adaptait le mieux à notre public et faire le lien entre les familles et les artistes. Une maman, venue avec ses cinq enfants, suit l’action depuis le début. Deux autres familles sont passées mais n’ont pu être là le jour de la lecture publique. »
Céline insiste sur « l’ouverture au culturel » que représentent ces ateliers. « Le quotidien est souvent fait de choses compliquées et les familles ont parfois besoin d’accompagnement pour aller vers le culturel. C’est aussi pour elles l’occasion de rencontrer d’autres personnes. Il est important de continuer l’éducation des enfants en dehors de l’école. Les familles ont plein de compétences et ces actions permettent de les valoriser. »
Sur le long terme
Myriam Aubonnet, du GPV de Vénissieux, met en avant l’importance du travail accompli : « Les petites actions sont tout aussi importantes que les grandes. Il s’agit de nouer un lien de confiance, de vivre autre chose ensemble et de démythifier tout à la fois le théâtre et les portes du centre social. Tisser sur le long terme permet ensuite de travailler des sujets aussi divers que la parentalité ou l’emploi. »
Les Scènes appartagées ont bien compris l’enjeu et Sandrine Grataloup demande aux familles — cela s’est fait l’an dernier — d’aller au théâtre dans différents lieux de la métropole. « Nous avons été au TNP à Villeurbanne, au théâtre de la Croix-Rousse, au Ciel dans le 8e, à l’Espace Tonkin, pour voir un spectacle, visiter les lieux, participer à des ateliers de pratique artistique. Timides au départ, les familles s’ouvrent beaucoup et font la connaissance d’autres familles, habitant d’autres lieux. »
Après la lecture et devant les applaudissements mérités, les enfants ont un large sourire. D’autant plus qu’ils ont à disposition de quoi boire et manger pour se remettre de leurs émotions. Pour les remercier de leur ténacité et de leur implication, Hélène leur offre des livres.
Les questions fusent mais les enfants sont trop occupés à se défaire du stress qu’ils ont ressenti. Ça vous a plu ? Bien sûr ! C’était dur de lire devant le public ? Oui ! Vous avez envie de continuer à faire du théâtre ? Ouaiiiiiis !
Envie d’écrire
Hélène ajoute que des auteurs envoient leurs textes aux Scènes appartagées et autorisent leur diffusion. « Le tout est d’avoir de la variété en fonction de l’âge mais aussi avoir des textes qui vont leur parler et qui soient adaptés au groupe. Là, par exemple, je ne savais pas combien nous serions au final, ça évoluait tous les jours, et c’est pour cette raison que nous avons choisi un texte choral. »
Ce qu’elle retient de l’expérience est « l’énergie de jeu très joyeuse » et « la solidarité entre eux ».
Sandrine énumère les différents enjeux de cette expérimentation et ses envies : « Continuer au-delà du dispositif, sortir du cadre familial, aller vers les autres et à la découverte de la métropole, prendre des repères culturels pour un ancrage différent dans la ville… Mais, chaque chose en son temps. »
Au côté des enfants, se trouvait donc Hamza, qui a vingt ans et a remarqué une affichette posée dans son allée. « J’essaie d’écrire pour un concours à l’IUT Lyon 1, où je fais mes études. Je suis en deuxième année de BUT (Bachelor universitaire technologique) Génie chimique et génie des procédés et j’avais envie de participer à cet atelier pour découvrir le théâtre. J’ai pu discuter et travailler avec Hélène et Fanny. »
Il explique que le concours comprend l’écriture de poésie, nouvelle, bande dessinée et que, plus tard, il aimerait rédiger son propre roman. Hamza ? Quelqu’un dont on va sûrement reparler d’ici peu !