Est-ce l’absence de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, une habituée des Fêtes escales qui, cette année, avait sonné le signal des vacances plus tôt que d’habitude ? Du coup, moins de monde était venu pique-niquer ce 14 juillet dans le parc Louis-Dupic mais la qualité ne dépend pas de la quantité. Pour ne pas s’endormir sur l’herbe chaude, la fanfare La Cacophonie est venue tirer de leur torpeur les convives à grands coups de Bella Ciao et autres musiques festives.
Puis — et c’est un rendez-vous attendu —, la dictée républicaine de l’Espace Pandora fut propice à un échauffement de neurones. Le texte était tiré du Texaco de Patrick Chamoiseau et l’on se questionna alors sur l’orthographe de touffailles, tafia, grandes-gens et autres whiskys anciens. Habituel maître de séance, Thierry Renard était absent, invité dans le Piémont pour des lectures musicales avec le musicien Dimitri Porcu et le poète Mohammed El Amraoui. Il fut remplacé par Christophe La Posta, « mon collègue et ami, avait écrit Thierry Renard, le jeune poète que les habitants, petits et grands, de notre ville commencent à bien connaître ». Et, il faut bien le dire, Christophe obtint un joli succès.
Après l’apéro républicain offert par la municipalité, la soirée du 14 juillet proposait ensuite les prestations de Jey Khemeya et Kaynixe. « Nous avons eu une belle jauge, estimait Nicolas Gonthier, programmateur du festival, pour ces deux découvertes locales. » La belle voix de Jey Khemeya enchanta en effet le public, estimé par Nicolas à plus de 1500 personnes, tandis que Kaynixe le faisait voyager en lui donnant l’impression d’assister à un after à Ibiza.
Quand la météo s’en mêle
Le 15 juillet, la soirée devait être dense avec Da Break, la battle orchestrée par le Pockemon Crew et Lujipeka. Malheureusement, le vent et la pluie se sont invités et les organisateurs se sont vus contraints d’annuler les festivités.
« Nous avons eu un vent fort en fin d’après-midi, regrettait Nicolas, et de la pluie à partir de 22 heures. Par rapport au public et aux artistes, ce n’était pas possible de maintenir. C’était dommage car les Pockemon avaient invité des danseurs en provenance du Portugal, du Venezuela et de Colombie. Quand à Lujipeka, il nous a dit qu’il aimerait revenir l’an prochain. »
Vénissieux chokran
Redevenu clément, le temps a permis, le 16 juillet, d’assister à la plus belle soirée des Fêtes escales. Composé de profs et d’élèves de l’école de musique Jean-Wiener, Afrotronic a obtenu un succès fort mérité. Avec des musiques africaines et caraïbes enjouées, « pour que surgisse le soleil du renouveau », le groupe a réellement emballé le public, d’autant plus qu’il portait un message fort, « un combat sonore ». Croisé devant la scène en fin de concert, Anatole Buttin, l’un des profs qui accompagne le groupe, a précisé qu’Afrotronic rentrait d’une tournée en France qui s’était on ne peut mieux passée et qui s’achevait à Vénissieux.
Gyslain.N a enchaîné avec quelques chansons douces, d’autres beaucoup plus rythmées, d’autres enfin porteuses elles aussi d’un message clair, telle cette reprise du Pata Pata de Miriam Makeba, symbole de la lutte pour la liberté et contre l’apartheid sud-africain.
« Est-ce que tu es prêt à décoller, Vénissieux ? » L’arrivée de HK et de ses Saltimbanks déclenche des levées de mains. Puisque, comme il le dit si bien, sous les pavés réside la bohème, le chanteur nous entraîne dans un stimulant mélange de chansons festives et politiques, telle la fameuse On lâche rien.
HK est loin d’être un ingrat et il a même écrit une chanson qui remercie son public. « Merci Vénissieux, chokran ! », chante-t-il, obtenant des hourras en récompense.
« On est frères et sœurs, lance-t-il, et on ne jette pas des cailloux sur nos frères. On est des citoyens du monde ! » Plus tard, il annonce encore : « On est tous migrants, fils ou pères de migrants ». Le public crie, saute, lève le poing ou des téléphones portables allumés qui remplacent les briquets d’antan. Ce soir, HK a rallumé les étoiles et, alors que sa prestation est finie, il descend dans la foule pour discuter, serrer des mains et prendre des selfies.
Les Fêtes escales finissent en beauté. Avec deux jours qui, comme au scrabble, ont compté triples !
Photos de Djamel Younsi et Jean-Charles Lemeunier