22 janvier 1963. Le général de Gaulle, président de la République française, et le chancelier d’Allemagne de l’Ouest, Konrad Adenauer, signent le traité de l’Elysée actant le rapprochement entre les deux pays. La Seconde Guerre mondiale, terminée depuis moins de 18 ans, est encore dans toutes les mémoires, mais l’heure est venue pour les ennemis d’hier de marcher vers la paix, et vers le rapprochement des peuples. A Vénissieux, ville communiste depuis 1935, l’esprit est le même mais les idées politiques divergent de celles du gaullisme. Alors que le général de Gaulle regarde d’abord vers l’Ouest, le député-maire de notre ville, Marcel Houël, regarde-lui vers l’Est, et plus précisément vers la République Démocratique Allemande (RDA), communiste elle aussi. C’est donc là qu’il va choisir une ville pour traduire en actes la réconciliation : Oschatz, située à 170 kilomètres au sud de Berlin, et peuplée par 17.000 habitants. Les premiers contacts s’établissent, une délégation de Vénissians est envoyée sur place, où elle reçoit un « accueil fraternel et chaleureux » et, le 7 octobre 1964, les deux villes signent un traité d’amitié. « Vive l’amitié et la paix entre le peuple allemand et le peuple français ! », proclament les deux maires. Ce faisant, Vénissieux s’avère particulièrement précoce puisque, en ce début des années 1960, à peine une centaine de jumelages avaient été noués entre des communes françaises et leurs homologues est-allemandes.
Dès lors, Vénissians et « Oschatzers » multiplient les occasions de se voir. Nombre d’élus et d’habitants partent de l’autre côté du rideau de fer, comme en octobre 1971, lorsque cinq conseillers municipaux accomplissent le voyage en train via Genève, Francfort et Leipzig, tandis que les échanges scolaires et culturels se déploient, sous l’égide de la municipalité et d’une association, le « Comité de jumelages et d’échanges culturels internationaux ». La qualité des relations établies est telle que, dès 1967, notre ville décide de baptiser la « 4e avenue » des Minguettes, celle passant devant la mairie, du nom d’avenue d’Oschatz. Même chose en Allemagne où, en avril 1994, pour célébrer le trentième anniversaire du jumelage, une avenue d’un parc d’activité prend le nom de Vénissieux, en présence du maire André Gerin.
Ces « excellentes relations d’amitié » franco-allemandes encouragent les Vénissians à aller de l’avant, et à se rapprocher d’autres villes et d’autres pays. Vous en connaissez les noms. Le 12 février 1968, l’on signe un traité d’amitié avec Novy Jičin, en Tchécoslovaquie, « une cité ancienne comptant 21.000 habitants », où « les activités sont principalement industrielles » – et qui est une fois de plus située en Europe de l’Est. Tout comme Jodino, « ville nouvelle située à environ 50 kilomètres de Minsk, capitale de la République Socialiste Soviétique de Biélorussie », qui se caractérise par la présence d’une « importante usine consacrée à la fabrication des camions » – à l’instar de Berliet (RVI), à Vénissieux – et avec laquelle le traité d’amitié est signé le 3 mai 1968. Enfin en 1989, après de nombreuses années de contacts féconds, vient le tour d’une ville de la banlieue de Valence en Espagne, Manises. Pour ce quatrième jumelage, une exception est faite à la règle est-européenne, du fait de la présence d’une importante communauté d’origine espagnole dans notre ville.
Mais saviez-vous que Vénissieux avait eu bien d’autres projets en tête ? La preuve en 1965, elle entame le processus de jumelage avec une grande ville d’Ukraine (en Crimée, aujourd’hui annexée par la Russie), nommée Simferopol et forte de 200.000 habitants. Puis en 1967, lui succède une cité ouvrière de la banlieue de Milan, Cinisello-Balsano. Tout comme Vénissieux avec la ZUP des Minguettes, cette localité italienne connait alors une croissance foudroyante, passant en quelques années de 15.000 à 48.000 habitants, et multiplie les usines sur son sol. En avril 2002, c’est le drame du Proche-Orient qui attire l’attention des élus vénissians : l’armée israélienne attaque le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, provoquant une cinquantaine de morts – ou des centaines, disent d’autres sources – et de nombreuses destructions. Dès le 21 mai, pour soutenir « les revendications nationales palestiniennes », et pour « apporter une aide matérielle qui, dans le cas du camp de Jénine, revêt un aspect vital », le conseil municipal de notre ville vote à l’unanimité l’organisation d’un jumelage entre Vénissieux et le camp palestinien. Enfin, il est un quatrième projet auquel songèrent les édiles d’hier, bien plus lointain que le rideau de fer, l’Espagne ou les rives du Jourdain… en Chine ! En septembre 1987, le conseil municipal vote en effet le principe de jumelage avec la commune de Huaiyin, située à 200 kilomètres à l’ouest de Shangaï, après avoir reçu chez nous son maire, madame Xu Yan. Huaiyin est communiste, bien sûr, mais c’est à peu près tout ce qu’elle a en commun avec Vénissieux. Car avec elle, on entre dans la démesure : son territoire, surtout agricole, s’étend sur 20.000 km2 – contre 15 km2 pour Vénissieux -, et compte pas moins de neuf millions d’habitants, dont 684.000 ouvriers ! Ces quatre projets ukrainien, italien, palestinien et chinois n’allèrent pas jusqu’à la signature d’un jumelage ; seul un traité d’amitié fut établi avec Jénine, en janvier 2015.