Il y a deux ans, les élèves de Louis-Pergaud ont créé le spectacle Vénissieux la belle, la rebelle joué au Théâtre de Vénissieux, qui suscita de grands moments d’émotion. Au cœur de cet événement, une enseignante, Nadia Bachmar, avait réussi à rassembler autour d’une thématique ambitieuse sa classe et son établissement, mais également des personnalités telles que Jean-Jacques Goldman et Michael Jones. Envole-moi !, la partie traitant de la Résistance et des guerres d’indépendance, sera encore montrée le 8 juillet prochain au cours de Dialogues en humanité, au parc de la Tête-d’Or. Avec la participation de la chanteuse algérienne Baraka Merzaia et de la compagnie vénissiane Second Souffle. L’occasion était trop belle pour demander à Nadia Bachmar de retracer son parcours.
« Originaire des Minguettes, j’ai grandi à La Rotonde. Mes parents venaient des bidonvilles de Gerland. Ils sont arrivés à Vénissieux en novembre 1968 et ont été parmi les premiers habitants de la tour 15. J’ai fait toute ma scolarité aux Minguettes : Anatole-France, Elsa-Triolet et Jacques-Brel, qu’on appelait alors « le lycée bleu ». Et j’ai toujours voulu être prof aux Minguettes ! »
Comme une évidence !
Affectée d’abord dans l’Ain, Nadia parvient à revenir dans le Rhône. « Je savais que je voulais enseigner sur le plateau. Comme une évidence ! Et je ne le regrette pas. »
Bien sûr les Minguettes ont évolué. « Mais je retrouve des gens attachants et j’ai beaucoup de plaisir à y être et à travailler avec des collègues motivés. »
Curieusement — attention ses élèves, ne lisez pas la phrase qui suit —, elle avoue qu’elle n’aimait pas l’école. « En 4e, j’ai fait une rencontre capitale avec un prof de français qui m’a donné le goût des lettres. C’était cela que je voulais faire et je me suis d’ailleurs inscrite, plus tard, en fac de lettres. Quand la fin du cours sonnait, déjà, il nous disait : ‘Le temps passe vite quand on s’aime.’ Puis, en seconde, c’est un prof de maths qui m’a ouvert un nouvel univers. » Là, c’était sûr, Nadia avait trouvé sa voie.
Sur ses projets — après Vénissieux la belle, la rebelle, Nadia a embarqué ses élèves à la découverte de la mythologie grecque —, elle n’a aucun doute. « Je trouve toujours une bonne raison d’être à fond. Les gamins sont hyper attachants et les parents jouent le jeu. Pour le voyage en Grèce, du 30 mai au 3 juin, ils sont super contents pour leurs enfants. »
Elle explique ses résultats par l’après-Covid et le bilan, fait par l’Éducation nationale, que « la continuité pédagogique avait été compliquée ». « Le gouvernement a mis en place l’école ouverte et les vacances apprenantes, sur la base du volontariat. En juillet et août, on propose sur deux semaines des activités aux élèves : du travail en classe le matin et des sorties l’après-midi. Cela fait trois ans que ça existe et c’est super intéressant. Chaque fois, on met en place un projet, sur la malbouffe, la santé du corps, etc. On rencontre les parents, cela crée des liens entre l’école et les familles et, comme l’expression qui dit ‘remettre l’église au centre du village’, cela remet l’école de la République au centre du quartier. Bien sûr, il y a des exceptions mais les parents ne sont pas aussi éloignés de tout cela qu’on veut bien le dire. »
Vénissieux la belle, la rebelle
Alors qu’elle lance sa classe de CM1 dans un projet d’envergure à la rentrée 2019, Nadia est stoppée net par le Covid. « En plein élan », précise-t-elle. « On s’est réuni avec les collègues et j’ai demandé que le projet se poursuive sur deux ans et que je puisse prendre les CM2 l’année suivante. » Ce qui fut accordé. En amont, Nadia avait écrit à Jean-Jacques Goldman, avec qui elle était en relation par mail depuis quelques années, qu’elle aimerait monter un spectacle musical. « L’histoire de Vénissieux est tellement belle, c’est une fierté d’être née ici. » Elle cite les grèves de 1936, la Résistance, les FTP-MOI… « Le père de Jean-Jacques avait fait de la Résistance à Villeurbanne et Vénissieux et il avait été décoré sur la place Sublet. »
L’enjeu du spectacle devient la citoyenneté. On doit, dit-elle, enseigner l’histoire pour comprendre d’où on vient. Elle demande à Goldman une chanson sur la Résistance mais un courrier se perd, une réponse arrive trop tard et Nadia n’ose pas relancer le chanteur. Le spectacle est créé au Théâtre de Vénissieux, invité dans la foulée aux Dialogues en humanité — en juillet prochain, cela fera donc la deuxième fois que les élèves joueront là-bas. La classe reçoit le deuxième prix au concours des Petits artistes de la mémoire, remis par la présidente de l’Office national des combattants et des victimes de guerre.
Alors que ses élèves sont passés en 6e, Nadia continue le travail avec eux lors des vacances apprenantes. Elle fait venir dans sa classe Azouz Begag et réexpédie un courrier à Goldman. Onze jours plus tard, il lui envoie une chanson. « C’est un fabuleux cadeau sur la résistance des gamins d’aujourd’hui. Il a communiqué en visio avec les élèves et on a enregistré un CD. Ce fut une très belle rencontre. On a ce point commun d’être nés en banlieue de parents immigrés, avec une reconnaissance infinie pour l’école de la République. C’est tout le sens de mon engagement. »
Le voyage en Grèce
Un nouveau projet culturel est donc né à Louis-Pergaud, initié par Maxime Monnot sur la mythologie grecque. Avec, à la clef, un voyage sur place. La classe de Nadia suit et sont inclus également des élèves en situation de handicap. Contactés, Stéphane Treppoz (alors dirigeant de Sarenza) et Jean-Jacques Goldman répondent immédiatement. « Ce sont nos deux grands mécènes mais il ne fallait pas que les enfants aient l’impression que l’argent tombait du ciel. Ils ont donc fait plusieurs fois le tour du stade Delaune à raison de 10 euros par tour. Ce mécénat non négligeable a permis de financer le tiers du voyage. Nous avons fait d’autres actions encore, comme des ventes de calendriers. »
Pour le spectacle sur la Grèce qui se jouera le 29 juin au Théâtre de Vénissieux, les enfants ont suivi des ateliers avec la compagnie Colibri et, une fois de plus, les parents se sont beaucoup investis. D’où le credo de Nadia : « L’école de la République est le lieu de tous les possibles ! »
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