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Femmes des quartiers populaires, les oubliées de la santé

Les femmes font face à de nombreux freins au sujet de leur santé. Un phénomène amplifié dans les quartiers populaires où, faute de temps et de moyens, beaucoup d’entre elles renoncent trop souvent à se faire soigner. À Vénissieux, plusieurs aides sont mises en œuvre pour améliorer le suivi et la prise en charge.

81 % des femmes feraient passer la santé de leurs proches avant la leur, d’après une enquête sur la santé des femmes menée par Axa Prévention en 2021. Un chiffre qui en dit long sur la charge mentale que les femmes subissent quotidiennement.

Les femmes des quartiers populaires font partie des personnes qui renoncent le plus aux soins en France. « Les principales raisons du renoncement aux soins énoncées par les personnes interrogées sont le manque de moyens, le manque de temps et le manque d’informations », détaille Labo Cités dans son enquête sur les « Femmes des quartiers populaires : les oubliées de la santé ».

En 2019, l’Observatoire national de la politique de la ville, publie des chiffres assez édifiants sur le sujet : 54,3 % des femmes sont en surpoids dans les quartiers prioritaires alors qu’elles sont 37,9 % hors quartiers prioritaires ; 41,1 % d’entre elles ont déjà renoncé à au moins un soin pour des raisons financières ; et seulement une femme sur deux se dit en bon ou très bon état de santé général contre 69 % ailleurs.

Outre la précarité, ce renoncement aux soins peut être dû à plusieurs autres facteurs. Pour certaines femmes, la barrière de la langue est un frein. Mais il faut aussi citer les délais d’attente de plus en plus longs pour un rendez-vous, le manque de spécialistes, la distance entre le professionnel de santé et le domicile, le problème de la garde enfant… autant d’aspects qui sont à prendre en compte et qui peuvent en décourager plus d’une.

Le gouvernement a récemment présenté son plan « Égalité 2027 entre les femmes et les hommes » qui prévoit un volet autour de la santé des femmes. Il souhaite renforcer l’accès aux différents modes de contraception, la lutte contre la précarité menstruelle, un meilleur encadrement de la santé des femmes et de l’accès aux soins ainsi qu’une meilleure prise en charge de la santé des femmes en situation de grande précarité.

Des mesures qui paraissent essentielles afin de faciliter les démarches des femmes dans leur parcours de soins. À Vénissieux, de nombreuses aides sont déjà disponibles afin de leur venir en aide et de les accompagner pour qu’elles ne passent plus au second plan.


À la CPAM, des examens de prévention en santé, gratuits et ouverts à toutes

La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), située à Parilly, propose des examens de prévention complets pour les bénéficiaires éloignées de la santé.

« Les femmes ont tendance à s’oublier et notre rôle est de les aider à prendre soin d’elles », rappelle Céline Dubois, infirmière au centre d’examen de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) situé dans le nouveau quartier du Grand Parilly.

Ouvert depuis septembre 2021, ce centre d’examens propose à tous les bénéficiaires de plus de 16 ans un examen de prévention en santé, gratuit. Il se compose d’un entretien médical ainsi que d’examens complémentaires. Quatre infirmières, quatre médecins, une gynécologue, un dentiste et un neuropsychiatre, ont pris place dans ces locaux.

Pendant ce rendez-vous, les professionnels de santé font de l’accompagnement. Des bilans sanguins, urinaires, des dépistages, mais aussi des examens gynécologiques et bucco-dentaires sont réalisés pour ensuite orienter le patient vers un spécialiste, s’il en a besoin. Le but étant d’être complémentaire au médecin traitant et non de le remplacer.

« Notre mission est de développer et d’améliorer l’offre de santé pour les personnes éloignées des soins ou qui ont des freins à l’accès aux soins, continue l’infirmière. Les femmes se sentent moins touchées par les problématiques de santé, elles les mettent de côté et privilégient celles de leurs proches. Chez les femmes qu’on rencontre, beaucoup n’ont pas de médecin traitant. »

Dédramatiser les actes gynécologiques

Le centre a choisi de multiplier les actions en direction des femmes qui représentent 41% des patients reçus. En partenariat avec de nombreux acteurs du territoire vénissian comme la Mission locale, l’Atelier santé ville (ASV) ou encore les médiatrices santés, les infirmières du centre se déplacent pour animer des ateliers sur l’alimentation, le sport mais aussi pour inciter les femmes à se faire dépister régulièrement.

« Il y a beaucoup de peur autour de la mammographie et de l’examen du col de l’utérus, nous essayons de dédramatiser ces actes, on échange beaucoup avec les patientes », explique la docteure Tassadit Arroudj, qui réalise les actes gynécologiques au sein du centre. « Certaines femmes me disent qu’elles n’ont pas besoin que je leur fasse de frottis car elles n’ont pas eu de relation sexuelle depuis plusieurs années, mais il est quand même nécessaire d’en réaliser régulièrement. »

Au total, 1 610 femmes ont été auscultées au centre d’examens, et 247 frottis ont été réalisés. Un chiffre encore trop bas pour Tassadit Arroudj, qui essaie de trouver des alternatives pour attirer les patientes. L’atelier Zigzag, situé dans le 8e arrondissement de Lyon, propose ainsi à ses adhérentes de venir en groupe, une fois par an, au centre d’examens. « Quand elles sont ensemble, cela les rassure. Elles ont moins peur et elles discutent ensemble. Elles voient que le frottis n’est plus l’acte qui fait mal comme il y a pas mal d’années, le matériel a beaucoup évolué. Il ne faut pas qu’elles s’oublient, il faut qu’elles prennent soin de leur santé. »

Pour prendre rendez-vous pour un examen de prévention, allez sur le site www.ameli.fr ou sur www.doctolib.fr et recherchez « Centre d’examens de santé CPAM Rhône – Vénissieux ».


Atelier santé ville : lever les freins à l’accès aux soins

Améliorer l’accès aux soins et à la prévention pour les habitants de Vénissieux. C’est la mission de l’Atelier santé ville (ASV) mis en place par la municipalité. Depuis quelques années, ce dispositif axe également son travail sur la santé des femmes afin de les inciter à prendre soin d’elles. Même si les actions sont proposées autant aux Vénissianes qu’aux Vénissians, l’Atelier santé ville met l’accent sur la prévention auprès des femmes, notamment avec les Rendez-vous santé.
Toutes les semaines, les mardis et les jeudis, trois rendez-vous sont proposés aux habitants avec une médiatrice santé. La Ville de Vénissieux propose ce dispositif en partenariat avec l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS). Les habitants peuvent rendre visite à la médiatrice afin d’obtenir des conseils sur le choix d’un professionnel de santé, pour s’informer sur leurs droits (prise en charge des soins, aides médicales de l’État, choix de mutuelle…). C’est aussi l’occasion de rappeler l’importance des dépistages. « Ce sont des moments qui permettent de déstigmatiser ces actes médicaux, atteste Nathalie Dussurgey, responsable du pôle prévention santé à la Ville de Vénissieux. Beaucoup de femmes n’osent pas faire de dépistage par peur du diagnostic, peur d’être malade. C’est un sujet encore tabou alors que le cancer du sein, pris à temps, n’est pas une fatalité et peut être soigné s’il est pris en charge tôt. »
Un travail autour de la nutrition est également proposé aux familles vénissianes. Le Parcours santé ville offre ainsi aux enfants et à leur famille un accompagnement autour de l’alimentation. Différents ateliers peuvent être organisés afin de partager des conseils et des recettes sur la nourriture équilibrée ainsi que sur la pratique d’une activité physique.
Rendez-vous santé : permanences gratuites et sans rendez-vous, le mardi de 9 heures à 12 heures au Centre associatif Boris-Vian, le mardi après-midi de 13h30 à 16h30 au centre social Eugénie-Cotton et le jeudi, de 14 heures à 16h30, à la Maison de quartier Darnaise.


Deux questions à Véronique Callut, adjointe à la santé

Pour la municipalité, la santé des femmes reste une priorité, en particulier depuis la crise sanitaire qui a encore plus creusé les inégalités en termes de soins. Véronique Callut, adjointe à la santé, mesure le travail qui reste à réaliser.

Quels sont les freins auxquels les femmes sont confrontées dans l’accès aux soins ?

Les femmes, notamment dans des familles monoparentales, ont tendance à se mettre de côté, mettre la priorité sur la santé de leur mari, de leurs enfants, avant la leur. C’est une charge mentale énorme, elles ne se voient pas comme une priorité. Depuis le Covid, beaucoup d’entre elles ont mis de côté leur santé et notamment les dépistages. De nombreuses maladies dites féminines sont en augmentation.

Se faire soigner devient un vrai parcours du combattant. Prendre rendez-vous devient aussi plus compliqué, ce qui rajoute un frein. Il y a un manque de médecins, de spécialistes et notamment de gynécologues. Maintenant, les femmes se tournent vers les sages-femmes pour obtenir des rendez-vous gynécologiques. Pourtant, ce n’est pas leur spécialité. Quand on fait l’effort de chercher et qu’on ne trouve pas, on peut avoir tendance à laisser tomber.

Comment les inciter à penser davantage à leur santé ?

C’est un sujet extrêmement important pour la Ville. Lors de notre 1er « Rendez-vous avec ma santé », organisé en novembre dernier, nous avons consacré une demi-journée à la santé des femmes. Nous avons proposé des dépistages du cancer du sein, du diabète, de l’hypertension ou du cholestérol. Des formations pour réaliser de l’autopalpation étaient également possibles. On a tendance à moins faire attention à ces sujets qui sont essentiels, surtout en prenant de l’âge.

Il y a encore beaucoup de travail à réaliser autour de la santé des femmes. Ces dernières années, la parole des femmes se libère sur de nombreuses pathologies comme l’endométriose et il faut aider celles qui ne savent peut-être pas encore qu’elles en sont atteintes.

Nous proposons aussi de nombreux ateliers autour de la santé, ouverts à toutes et à tous pour donner des conseils autour des droits, mais aussi de l’accès aux soins. Nous avons lié de nombreux partenariats sur le territoire afin de pouvoir toucher davantage de femmes. Nous sommes en lien avec les centres sociaux, le Centre départemental d’hygiène social (CHDS), ou encore la CPAM. Nous essayons d’être le plus présent possible pour lutter contre ce phénomène.

 

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