31 jours sans pluie en hiver, un record historique, a annoncé Météo France en début de semaine. Cet épisode de sécheresse éclipse le précédent, établi en 2020, en plein premier confinement du Covid-19. Du 21 janvier au 21 février, le cumul des précipitations sur l’ensemble du pays a été tous les jours inférieur à 1 mm. Cette situation ne fait que confirmer les inquiétudes des pouvoirs publics. À Lyon, un congrès était consacré à la question le 12 janvier dernier, avec la présentation d’un « ambitieux plan d’actions« .
Dans le département, les objectifs sont fixés : réduire de 10 % les prélèvements dans les nappes souterraines d’ici à 2025, et de 25 % à l’horizon 2035.
« Dans un contexte de dérèglement climatique que nul ne peut désormais ignorer, les épisodes de sécheresse, plus fréquents et plus intenses, mettent en exergue la nécessité de préserver cette ressource, afin de garantir sa disponibilité et de concilier les différents usages », résument les services préfectoraux. Le désormais ex-préfet Pascal Mailhos rappellait les difficultés rencontrées par l’ensemble de la population l’été dernier : « Cinq communes ont connu des problèmes d’alimentation en eau. Les eaux superficielles ont été placées en situation de crise pendant deux mois. »
Concrètement, tout le monde a pâti de cette situation : les usagers, qui ont dû faire face à des restrictions, mais aussi et surtout les agriculteurs, mis en difficulté dans leur activité professionnelle.
La sécheresse inquiète
L’état des lieux, dressé par le Sdage (Schéma directeur d’aménagement des eaux) du Bassin Rhône-Méditerranée, révèle une alimentation en eau potable fortement dépendante des ressources en eau souterraine, « qui fournissent 77 % des prélèvements pour ce besoin ». C’est pourquoi le niveau des nappes et leur rythme de recharge sont scrutés avec une certaine anxiété.
Dans le Rhône, le phénomène irait en s’aggravant. L’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) table sur « une disponibilité en eau qui devrait se réduire », en particulier sur les cours d’eau du département, de l’ordre de 10 % en août d’ici une vingtaine d’années. Le fleuve Rhône, au niveau de Ternay, verrait ainsi son débit décroître de 15 % en août par rapport à aujourd’hui.
Ces projections hydrologiques, établies en fonction d’un scénario du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), mettent en valeur de grandes variations des précipitations selon la saison : abondantes en hiver mais rares en été. Reprenant les normales de Météo France, l’Inrae dévoile une analogie frappante : « Le climat de Lyon sur la période 1991-2020 est celui de Montélimar entre 1961 et 1990. »
À Lyon et alentour, la sécheresse estivale en 2022 avait bien illustré ce phénomène. « 100 % des bassins-versants ont été touchés par des tronçons de cours d’eau en assèchement temporaire », rappelle la Direction départementale des territoires du Rhône (DDT).
24 millions de m3 à économiser chaque année
Les efforts à entreprendre sont colossaux. Réduire les prélèvements de 10 % représente une économie de 24 millions de mètres cubes, illustre, en substance, la DDT. Tous usages confondus, 238,7 millions de m3 ont été pompés dans le département en 2019. Soit l’équivalent de près de 64 000 piscines olympiques.
Sur cette année de référence, plus de la moitié de ces captages (52 %) sont destinés à l’alimentation en eau potable. L’industrie « boit » également une grosse partie de cette ressource (38 %). Le secteur agricole (9 %) et les activités de loisirs (1 %) ne représentent que quelques gouttes d’eau dans cette énorme masse liquide. Les lieux de loisirs les plus gourmands en eau sont les hippodromes (130 000 m3) et les espaces verts (90 000 m3). À noter que les agriculteurs puisent plus de la moitié de leur eau à la surface (fleuves, ruisseaux, réservoirs, etc.). Et ne contribuent que très peu à l’assèchement des nappes phréatiques ou captives.
« Pas de solution miracle »
Le défi de la sobriété est tout sauf aisé. « Il n’y a pas de solution miracle, rappellent les acteurs. Mais une multitude de solutions à combiner. » Des trajectoires sont à infléchir dans tous les secteurs, au prorata de la consommation actuelle. À commencer par l’usage en eau potable, pour lequel une économie de 12,3 millions de mètres cubes est à réaliser.
Selon la DDT, le plus gros levier est entre les mains des pouvoirs publics. Améliorer le rendement du réseau grâce à des canalisations de qualité, fait partie des axes de travail. Perméabiliser les sols, pour laisser l’eau pluviale s’infiltrer, est un enjeu d’aménagement du territoire.
Quant aux industriels, ils sont appelés à « sauver » 9 millions de m3. Là aussi, la marge de progression semble importante. Les autorités ont un rôle d’accompagnateur à jouer, pour favoriser, entre autres, la démarche de responsabilité sociale des entreprises.
Pour les agriculteurs, l’effort représente 2,3 millions de m3. Une bonne partie de l’objectif (1,5 million) serait atteint en installant des compteurs de suivi des volumes prélevés sur les plans d’eau.
94 % de l’eau potable provient du champ de captage de Crépieux Charmy
Dans l’agglomération lyonnaise, la zone de captage de Crépieux Charmy, à cheval sur Rillieux-la-Pape et Vaulx-en-Velin, fournit 94 % de notre eau. Ce champ captant, le plus grand d’Europe, s’étend sur 375 hectares. On y dénombre 114 puits ou forages. Le prélèvement s’effectue dans la nappe alluviale du fleuve Rhône. En moyenne, 226 000 m3 y sont pompés chaque jour. De quoi remplir intégralement la tour « crayon » de la Part-Dieu.
Dans l’Est lyonnais, ce sont le château d’eau du Parc de Parilly (8 000 m3) et le réservoir du Fort de Bron (35 000 m3) qui approvisionnent les usagers. Le réseau de distribution du Grand Lyon, dont dépend Vénissieux, affiche un rendement de 85,3 %. Pour 1 000 litres prélevés, 853 litres parviennent jusqu’au robinet. 147 litres partent dans la nature.
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