On pourrait la croire timide, Sarah Ledésert, du haut de ses 15 ans. Pourtant, dès qu’elle nous accueille chez elle, dans le quartier Jules-Guesde, elle maîtrise parfaitement ses paroles et semble savoir où elle va, malgré les quelques doutes qui peuvent l’animer. « Toute petite, nous prévient-elle, je ne faisais que ça : chanter et parler. Ma mère m’a inscrite à un cours de chant à l’école de musique de Vénissieux. »
Sa mère, l’ancienne élue Samia Hamdiken, sourit : « Elle avait 3 ans et était trop jeune. J’ai pu l’inscrire à 4 ans, en éveil. Puis, à 6 ou 7 ans, elle a fait partie des chœurs de Mick Wagner. »
Parallèlement à l’enseignement qu’elle reçoit en maternelle et en primaire à Jules-Guesde, la petite fille est assidue aux cours musicaux.
« Un jour, reprend Sarah, ma prof me propose d’entrer à la Maîtrise de l’Opéra de Lyon. Je me disais que si je n’étais pas prise, autant s’amuser. C’était la première fois que je chantais avec une partition mais Mick m’avait entraînée. Il fallait aussi choisir une poésie et j’avais pris Le Loup et le Chien de La Fontaine. »
Sarah insiste sur le message de la fable, qui prône la liberté. Pas de chance, le jour de l’examen, dans les locaux de la Maîtrise, Sarah souffre d’une rhinopharyngite. « Je me suis excusée de ma voix cassée. Par quoi allais-je commencer ? Par le chant, que j’ai plutôt réussi, même si… J’avais 11 ans, j’allais entrer en 6e et je me retrouvais devant la cheffe de chœur de la Maîtrise, la directrice, un accompagnateur au piano. J’ai tout misé sur la poésie, j’ai sorti mes tripes. Ils avaient un grand sourire. Ensuite, il restait six enfants et nous avons dû faire de petites épreuves, rien de bien complexe. Je n’étais pas bien à l’aise et je me déconcentrais. Je suis partie avec l’idée que je n’étais pas prise. Ainsi, je ne risquais pas d’être déçue, même si, au fond, j’espérais. Quand elle a eu les résultats, ma mère m’a fait non de la tête, j’allais pleurer quand elle m’a appris que j’étais prise et j’ai explosé de joie. »
À cette même époque, Sarah réussit également son concours pour entrer à la Cité scolaire internationale de Gerland, en section arabe, et elle opte pour la Maîtrise. Un choix qu’elle ne regrette pas.
Premières tournées
Aujourd’hui en seconde, Sarah entame sa cinquième année à la Maîtrise. « La première année a été fabuleuse. J’avais des cours de chant choral, de technique vocale, de piano, d’expression corporelle, de théâtre… Plus une méthode de formation musicale que je trouvais très complexe, la Kodály. »
Sans parler de la méthode Feldenkrais, que Sarah décrit ainsi : « Elle sert à travailler le sixième sens, à ressentir ce qui se passe dans notre corps, à l’apprivoiser. Pour chanter, il est primordial de connaître son corps, de trouver le ressenti. Après, la voix s’illumine, elle est beaucoup plus souple, plus agréable. »
Elle a beau apprécier aujourd’hui les musiques de son âge, elle garde une prédilection pour le classique qu’écoute beaucoup son père. Elle partage avec nous ce souvenir : « Je devais avoir 5-6 ans et on regardait à la télé une retransmission de La Flûte enchantée. J’essayais de chanter l’air de la Reine de la nuit et j’y arrivais… avec de gros guillemets. J’avais la voix assez aiguë. Elle a mué à présent mais je reste dans les aigus. »
Les enfants de la Maîtrise sont sous contrat de travail avec l’Opéra et sont choisis par leur cheffe de chœur, Karine Locatelli, pour participer aux spectacles. Ainsi, au théâtre de La Renaissance, à Oullins, Sarah apparaît-elle en 2019 dans Les Enfants du Levant d’Isabelle Aboulker, « une histoire horrible sur des enfants bagnards ».
« Cette même année, nous avons joué Tosca de Puccini au festival d’Aix-en-Provence. C’était génial ! Nous y sommes restés plusieurs jours, avons été à l’hôtel et au restaurant. On a aussi visité la ville et ses musées. Et sur scène, nous étions affalés sur un canapé à manger des bonbons. »
Le 5 juillet dernier, Sarah était encore sur la scène des Nuits de Fourvière et accompagnait Birds on a Wire, le duo composé de Rosemary Standley et Dom La Nena. « J’ai toujours dit que je n’en ferai pas mon métier », remarque Sarah qui, pourtant, ajoute : « J’aimerais faire carrière mais je suis réaliste, ce n’est pas possible ! »
L’apothéose de la beauté
La révélation a eu lieu pendant une représentation de Peer Gynt, cette année à l’Opéra de Lyon. « C’est ça que je veux faire ! » Sarah essaie de s’expliquer : « C’était la première fois que je chantais avec l’orchestre de l’Opéra. J’avais vue sur le public, les coulisses et j’étais sensible à cet univers. C’était une apothéose, j’étais scotchée sur ma chaise. Et, pour que la beauté persiste, il faut être dans le truc ! Penser aux passages délicats pour transmettre aux spectateurs cette sensibilité. Pour cela, il faut être soi-même émue. Tout en gardant les pieds sur terre pour le faire correctement ! Comme si chacun donnait un coup de pinceau pour que la peinture soit la plus belle possible. »
Aujourd’hui, les enfants de la Maîtrise ont commencé à travailler L’Arche de Noé et Ceremony of Carols de Benjamin Britten « et ses canons magnifiques », dixit Sarah, pour un spectacle dont les représentations auront lieu fin janvier-début février au théâtre de la Croix-Rousse. Lequel partira en tournée à Valence. Sans oublier le gala de Noël qui sera joué à l’église Saint-Bonaventure du 11 au 17 décembre.
Sarah fait le bilan : entre ses cours à Ampère, le travail à la Maîtrise, les représentations, sans parler des entraînements de boxe thaï à Parilly, elle a une passion chronophage. « Au final, je suis très heureuse, même s’il faut parfois se sacrifier. Après tout, c’est ça, la vie : toujours se sacrifier ! »
Benhabib
29 novembre 2022 à 9 h 06 min
bravo Sarah, c’est bien de croire en ses rêves!!!
Michel
28 novembre 2022 à 23 h 13 min
Dans expressions c’est la dernière page qui me plait le plus. C’est la découverte d’une personne. Bravo à cette ados et bonne continuation