Lorsqu’on flâne devant les vitrines, au pied des petits immeubles modernes en R+5, difficile d’imaginer ce qu’a pu être le Vénissy des origines. Une lugubre galerie marchande de 32 commerces, surmontée d’une tour de bureaux et flanquée de deux moyennes surfaces (Casino et ED) d’un autre âge. Et entre ce long bâtiment de 1970 et l’avenue Jean-Cagne, un immense parking.
Le tableau, esquissé à la fin des années 1960 selon les standards de l’époque, avait très mal vieilli. Dans les années 2000, le décor était devenu sinistre. La plupart des commerces étaient vacants et les bureaux, désertés. Dès la livraison de l’immeuble « nouveau Casino » en 2014, l’image a été, peu à peu, reléguée aux archives.
Plus de 15 ans de travaux
En 2005, un ambitieux projet, mené dans le cadre du Programme national de rénovation urbaine (PNRU), prévoyait de tout raser pour rebâtir. L’idée était d’offrir aux habitants des Minguettes un cœur de quartier digne de ce nom. Dès 2008, le Groupe Serl (Société d’équipement et d’aménagement du Rhône et de Lyon), mandaté par le Grand Lyon, s’est chargé d’aménager le « poumon du Plateau ». Entre les premiers coups de pelle, concomitants de l’arrivée de la ligne de tramway T4 (2009), et la livraison des derniers lots (2024), plus de 15 ans se seront écoulés.
En 2022, sur plus de 4 hectares, 18 commerces et services, dont une moyenne surface, et 282 foyers occupent la Zac de Vénissy. Une vie de quartier s’est développée. Et ce n’est pas fini. 76 logements doivent être encore livrés. Cinq locaux commerciaux ouvriront début 2023 (voir par ailleurs). Très vite, avec un total de 368 logements, le nombre de riverains pourrait avoisiner 1 200 personnes, soit environ 5 % de la population des Minguettes.
« Vénissy était le point noir du Plateau »
« Les procédures administratives prennent du temps, explique Nicolas Rochette, agent de développement au Grand projet de Ville. Il faut libérer les espaces, créer des lots, aménager les espaces publics et lancer les consultations. Vient ensuite la phase permis de construire. Le temps de construction, mené en parallèle avec la commercialisation, ne dure généralement que 18 mois. »
« 15 ans, c’est long mais les gens comprennent qu’une telle opération ne peut pas se faire en deux ans, observe Pierre-Alain Millet, adjoint au Grand projet de Ville. Chacun se souvient du caractère indigne de l’ancien centre commercial. Vénissy était le point noir du Plateau. Toutes les difficultés s’y concentraient, avec des incivilités et du vandalisme. »
Le centre commercial, très vite obsolète, était déjà la cible de critiques 20 ans après son inauguration. « Dans les années 70, le besoin de construire des logements s’est heurté à la crise économique et sociale que tout le monde voyait venir, analyse Pierre-Alain Millet. L’État a voulu construire des immeubles sans bâtir de vraies villes et s’est désengagé. »
Le nouveau Vénissy a été conçu pour durer dans le temps. L’aménageur et les responsables du Grand projet de Ville ont tenu à créer un équilibre entre commerces, services, espaces publics et un habitat composé de logements sociaux et privés. « Aujourd’hui, on a des commerces de qualité et on a répondu à un besoin de logements diversifiés, résume l’élu. Des gens sont venus acheter leur appartement, d’autres ont intégré un logement social. C’est bien pour la mixité. »
Un trait d’union entre Armstrong et Léo-Lagrange
Aux Minguettes, comme dans d’autres quartiers prioritaires, l’enjeu est de décloisonner les différents secteurs et les relier entre eux. Pour le Groupe Serl, cette requalification consistait à « tisser des liens physiques entre le quartier Léo-Lagrange au nord et le nouveau quartier Armstrong au sud. Le cadre bâti est pensé dans le sens d’une transition entre les différentes morphologies urbaines, entre les barres typiques du début des années 1970 et les îlots fermés. »
Ce décloisonnement est rendu possible grâce à la création de quatre nouvelles voies qui permettent d’irriguer les cinq îlots de la Zac. La rue Albert-Camus dessert le quartier dans le sens de la longueur ; les rues Michel-Germaneau et Lounès-Matoub, de part et d’autre du parking central, servent de pénétrantes. Enfin, la rue Général-Pâris-de-Bollardière prolonge l’avenue du 8-Mai-1945 jusqu’au château d’eau et la place du marché.
Même si la place de la voiture a été réduite, la zone est très accessible. L’arrêt « Vénissy » du tram T4 dépose les visiteurs devant la place centrale, avenue Jean-Cagne. En surface, entre le parking et les voiries, plus de 150 places de stationnement sont créées. Sans compter les 90 réservées à la clientèle du Casino et celles des résidents en sous-sols. Au total, 247 places sont matérialisées sur l’espace public.
«Éviter une gentrification des Minguettes »
« Le Plateau a changé de visage mais n’a pas changé d’âme, souligne le maire, Michèle Picard, à l’heure de l’inauguration de l’îlot C, rue Albert-Camus. L’autre objectif était que les Vénissians profitent de cette rénovation urbaine, qu’ils puissent rester dans le quartier et ne soient pas repoussés en 3e couronne. Il fallait que cette vaste opération ne débouche pas sur une gentrification des Minguettes. Nous y sommes parvenus. »
14 ans après le début de l’opération, quatre des cinq lots sont donc opérationnels. Reste à mettre le point final. L’îlot D2, à l’angle des rues Albert-Camus et Lounès-Matoub, accueillera 30 appartements. Le programme immobilier réservera ses baux à des salariés du secteur. « Le maître d’ouvrage est Foncière Logement, précise Julien Le Glou, directeur de la Mission Grand projet de Ville. On en est à la phase permis de construire. Les travaux devraient commencer mi-2023. » Sur la base d’un chantier de 18 mois, le nouveau Vénissy prendra donc sa forme définitive fin 2024.
Des années 90 à aujourd’hui : la métamorphose de la place centrale
Plus de 20 commerces et services en 2023
Magasins alimentaires : un supermarché Casino, une boulangerie-pâtisserie, un boucher-traiteur, un restaurant (actuellement fermé mais dont le bail est en vigueur).
Services : la Maison des services publics (la mairie annexe, la Mission locale et une antenne de la Maison de la Métropole), une agence de voyages, une auto-école, une Banque postale, un coiffeur, un local dédié aux créateurs d’entreprise et au cotravail, un service carte grise, un salon de beauté.
Établissements de santé : un pôle médical, un laboratoire d’analyses médicales, un cabinet dentaire.
Autres commerces : un tabac-presse, une boutique spécialisée dans les nouvelles technologies.
Ils ouvriront en 2023 : la pharmacie et le bureau de Poste du centre commercial provisoire, un salon de thé, un magasin d’informatique et un audioprothésiste.
__________________________
Historique
Milieu des années 90 : réflexions sur l’avenir de la galerie marchande, jugée vétuste et peu attractive.
2005 : création de la Zone d’aménagement concertée (Zac) de Vénissy.
2008 : le Grand Lyon confie la réalisation du projet au Groupe Serl (Société d’équipement et d’aménagement du Rhône et de Lyon), une société d’économie mixte.
2010 : création du centre commercial provisoire de 1 500 m2, rue Georges-Lyvet, au pied du château d’eau. Au fil des mois, La Poste, une pharmacie, un point chaud-boulangerie, un bar-PMU, une agence Caisse d’Épargne et un laboratoire d’analyses médicales intègrent les bungalows.
2012 : lancement des travaux de l’îlot A (côté Casino). Début de la démolition de l’ancienne galerie marchande. 2013 : aménagements de la place centrale et de la rue Albert-Camus. 2014 : livraison de l’îlot A.
2015 : lancement des travaux de l’îlot B (côté ED).
2017 : livraison de l’îlot B (Les Sucres).
2019 : achèvement des travaux d’espaces publics.
2020 : livraison de l’îlot D1, rue Albert-Camus (22 logements). Construction de l’îlot C (résidence Nouvel Horizon).
2022-2023 : livraison de l’îlot C (120 logements et 5 commerces).
2024 : livraison de l’îlot D2, rue Albert-Camus (30 logements locatifs).
__________________________
La Zac de Vénissy en chiffres
Budget : 54,6 millions d’euros hors taxes. Subventions : Métropole de Lyon (19 M€), Agence nationale pour la rénovation urbaine (10 M€), Ville de Vénissieux (5 M€), Région Auvergne Rhône-Alpes et Caisse des Dépôts et Consignations (2 M€).
23 600 m2 de logements (50 % de logements sociaux, 50 % de logements privés) pour un total de 368 logements livrés (182 logements sociaux, 116 en accession libre, abordable ou sécurisée et 70 logements locatifs libres).
2 500 m2 de bureaux et services. 8 200 m2 de commerces.
La résidence Nouvel Horizon offre ses perspectives
120 logements et cinq commerces, dont La Poste et une pharmacie, formeront très prochainement la résidence Nouvel Horizon. Cet îlot, inauguré le 9 novembre, est l’avant-dernière étape du projet Vénissy.
Mercredi 9 novembre, les ouvriers s’activent sur le chantier de la rue Albert-Camus. Les travaux de finition sont toujours en cours à la résidence Nouvel Horizon. Si, pour l’heure, les lieux ne sont investis que par la moitié des occupants, les élus sont déjà sur place pour couper le ruban tricolore d’inauguration. Cet ambitieux programme immobilier est situé à l’arrière du parking de Vénissy. Depuis l’avenue Jean-Cagne et le tramway, les formes géométriques de la construction et la présence d’un jardin suspendu à l’étage attirent l’œil. L’alignement des quatre immeubles complète l’aménagement.
Au rez-de-chaussée, le linéaire commercial, défini par la Sem patrimoniale (Société d’économie mixte de la Métropole), sera bien fourni. Sur une surface de 1 200 m², les locaux accueilleront notamment la pharmacie et le bureau de Poste, actuellement basés dans le centre commercial provisoire, rue Georges-Lyvet.
L’avant-dernière livraison de l’opération Vénissy
Au-dessus, sur six étages, les 120 logements collectifs ont vite trouvé preneurs. 56 des appartements sont des logements sociaux, dont 16 estampillés « Charte Rhône + », destinés aux personnes âgées. Les 64 restants sont en accession abordable ou en accession sociale sécurisée. « On a besoin de faciliter le maintien à domicile des séniors, déclare Yann Bouyssou, directeur stratégie et valorisation immobilière chez Lyon Métropole Habitat. Côté acquéreurs, tous sont des primo-accédants. Un quart des occupants connaissent Vénissieux pour y avoir travaillé ou vécu. » Selon Spirit Immobilier, opérateur du projet, « l’essentiel de la clientèle en accession abordable a vécu dans ce secteur Léo-Lagrange/Minguettes. »
Pour Michèle Picard, l’inauguration de l’îlot « marque une étape particulière, un moment singulier de Vénissy. C’est l’avant-dernière livraison de l’opération de la Zac. Cet aboutissement réside dans le développement de notre politique urbaine, dans son cheminement, depuis ses origines, il y a maintenant presque 30 ans. »
Quatre autres projets d’ici 2035
La refonte de Vénissy complète les projets Armstrong, Démocratie et Îlot du Cerisier. Mais ces réhabilitations en appellent d’autres. La mue du Plateau se poursuit. Une seconde phase s’enclenche avec le Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU). La convention, signée avec l’ANRU en mars 2020, débloque un budget global de 555 millions d’euros. Cette enveloppe permettra de remodeler le Quartier prioritaire de la politique de la Ville (QPV) Minguettes-Clochettes à l’horizon 2035.
Le programme comporte quatre volets. Le cœur de projet jouxte Vénissy. Il s’agit de la Zac Marché-Monmousseau-Balmes. « L’objectif est de relier le Plateau au centre-ville et au parc Louis-Dupic, annonce Julien Le Glou. La Métropole démarre ses opérations. On en est au même point qu’à Vénissy en 2008, avec les acquisitions foncières en vue des démolitions. » Le sort du centre commercial provisoire de Vénissy est déjà scellé.
Viendra ensuite le désenclavement du quartier Pyramide. La destruction, très discutée, d’une trentaine de logements, doit laisser le champ à la création d’une nouvelle voie d’une cinquantaine de mètres.
La Darnaise fera peau neuve. Les deux tours situés côté sud du boulevard Lénine seront démolies, à l’image de la 36, déconstruite début 2022. « Il y aura de la place pour développer de l’activité économique et du logement, poursuit Julien Le Glou. Le centre commercial sera repositionné devant le bâtiment Bioforce, à l’angle de l’avenue du 8-Mai-1945. Il y aura une nouvelle porte d’entrée vers le parc des Minguettes. »
Au nord de Vénissy, Léo-Lagrange bénéficiera d’ouvertures vers le centre-ville. Là encore, deux nouvelles voies doivent être tracées pour fluidifier les déplacements. La nouvelle configuration facilitera l’accès à l’Îlot du Cerisier et à son équipement culturel.