Un projet colossal comme la création d’une ligne de tramway est de nature à inquiéter les habitants des quartiers concernés par le tracé. Le Sytral l’a bien compris et s’attache depuis quelques mois, dans le cadre de la phase de concertation, à échanger avec les riverains de Vénissieux, Saint-Fons et Lyon, qui vivent à proximité du futur passage du T10. « Les nombreux rendez-vous participatifs ont confirmé la motivation et l’intérêt des habitants pour cette nouvelle ligne de tramway qui reliera le pôle d’échanges multimodal de Gare de Vénissieux au secteur Gerland, soulignait Michèle Picard, lors de la réunion publique du 20 septembre, organisée salle Joliot-Curie. Les Vénissians ont été nombreux à donner leur avis dès le 31 août 2021 lors de la réunion d’ouverture de la consultation préalable, puis lors des différentes réunions publiques. (…) De nombreux avis et interrogations ont été postés en ligne ou sur les cahiers de concertation. Les conseils de quartier ont également alimenté les discussions, notamment le quartier du Centre. »
« C’est un projet qui prend le temps de la construction avec la population et qui devra répondre aux enjeux de notre territoire. Je voudrais également saluer la qualité du travail de proximité réalisé auprès du public, dans une approche accessible à tous. »
Des priorités déjà identifiées
Alors, qu’a apporté, jusque-là et concrètement, la concertation continue ? Elle a tout d’abord permis d’affirmer certains principes d’aménagement le long du parcours du T10. Par exemple, au carrefour Zola/Jaurès à Vénissieux, où l’on a identifié un fort besoin de végétalisation (avec des espèces et essences non-allergènes), d’aménagements alternatifs à la voirie pour les utilisateurs de vélo, de cheminements piétons plus agréables, confortables et sécurisés. Idem, près de la future station Jean-Jaurès, avec des plantes basses le long des trottoirs et façades, la création d’une liaison vers le Centre, et un éclairage public amélioré,pour renforcer la sécurité. Ou encore, le long de l’avenue de la République, de « vraies » pistes cyclables, avec du mobilier adapté et sécurisé. « La concertation continue, c’est du concret, souligne Muriel Roche, cheffe de projet T10. Ce sont des habitants qui nous alertent sur les accès riverains, sur ce qu’ils veulent voir comme aménagements et comme mobilier urbain. C’est une vraie solution pour avoir un impact sur le futur visage de la ligne T10. »
La dernière réunion publique du 20 septembre en a donné une bonne illustration, avec des équipes du Sytral occupées à rassurer les habitants. Lesquels avaient de nombreuses questions à poser.
En premier lieu, s’agissant de l’organisation des futurs travaux. « Combien de temps en avance sera-t-on informé ? », demandait ainsi un habitant de la rue Émile-Zola. « Quels sont les impacts à prévoir sur la circulation ? », ajoutait une voisine. « Quels seront les moyens de communication choisis ? », s’interrogeait un autre Vénissian.
« Tous les détails sur les travaux seront donnés sur le site du Sytral et sur celui de la Ville de Vénissieux, a répondu Ronald Jacob, directeur de projet maîtrise d’œuvre. Si vous le souhaitez, nous pouvons aussi nous appuyer sur des flyers distribués en boîtes aux lettres. Dans tous les cas, vous serez avertis plusieurs semaines en avance, puisque nous avons de notre côté une visibilité supérieure à deux mois sur les travaux. Ce délai vous permettra de vous organiser, notamment lorsque des travaux impacteront la circulation ou le fonctionnement des réseaux. »
Le visage du Centre en question
Les habitants ont aussi échangé sur le futur visage du Centre de Vénissieux, ou du moins sur celui des rues où circulera le tramway. On le sait depuis quelques mois maintenant, une partie de la rue Émile-Zola sera réservée au passage des rames et aux piétons ; seules les voitures des riverains pourront y circuler. D’importants travaux de déviations des réseaux (eau, électricité, télécommunications) sont par ailleurs prévus. De quoi générer quelques inquiétudes, que ce soit pour l’accès des véhicules d’urgence, les déménagements, les personnes à mobilité réduite, ou tout simplement… pour déposer ses courses.
« En faisant ce tramway, a répondu le Sytral, notre objectif premier est de favoriser la circulation du T10, ainsi que les modes doux. Mais nous ferons en sorte que l’impact pour les habitants soit acceptable : des plateformes seront aménagées rue Émile-Zola, par exemple pour les camions de déménagement. Les véhicules de secours pourront toujours passer. Les riverains également, et sans risque, grâce à des feux de circulation dédiés. Un nouveau plan de circulation va voir le jour, et il a un objectif qui devrait plaire aux habitants, c’est de réduire la circulation de transit. Ce sont des nuisances en moins, et un cadre de vie plus agréable. »
Concernant le nouveau plan de circulation, quelques tendances sont d’ores et déjà connues. Le boulevard Laurent-Gerin devrait rester à double sens devant l’école du Centre. Tout comme la rue Victor-Hugo, entre la rue Émile Zola et la résidence Les Cigognes. « Le plan de circulation fera l’objet d’une présentation complète, ont précisé les équipes du Sytral. Nous ferons en sorte de laisser aux habitants le temps de s’y habituer, et de bien comprendre son fonctionnement. Nous n’allons pas tout changer du jour au lendemain, sans prévenir personne. » C’est, pour les travaux du T10 comme pour le plan de circulation, ce que demandent les habitants.
Des lignes de bus vont être modifiées
L’arrivée du T10 ne va pas simplement impacter la circulation des voitures, des cyclistes et des piétons. Certaines lignes de bus vont aussi être modifiées, au sein d’un périmètre qui dépasse assez largement Vénissieux, Lyon et Saint-Fons.
La desserte de villes comme Feyzin, Corbas, Solaize, Saint-Priest, et celles de la Communauté de communes du Pays de l’Ozon (telles que Saint-Symphorien-d’Ozon, Chaponnay ou encore Communay) devrait changer. Le long du « corridor T10 », les lignes C12 (Bellecour/Hôpital Feyzin Vénissieux, 16 700 voyageurs par jour), 65 (Perrache/Feyzin, 6 800 voyageurs par jour), 83 (Parc technologique/Hôpital Feyzin Vénissieux, 7 000 voyageurs par jour) et 64 (Jean-Macé/Belle-Étoile, 660 voyageurs par jour) feront l’objet d’une profonde réorganisation, leurs trajets actuels « concurrençant » le futur tramway.
« L’arrivée d’une nouvelle ligne de tramway sur un territoire impose de repenser le tracé des lignes de bus, explique Muriel Roche, cheffe de projet pour le Sytral. Il s’agira notamment de répondre à de nouveaux besoins, de viser la complémentarité avec le T10, de favoriser l’intermodalité et de diminuer la vulnérabilité des usagers vis-à-vis des risques technologiques. Ce travail est en cours, et les nouveaux tracés, après concertation, seront présentés aux habitants. »
Ainsi, durant le premier trimestre 2023, le scénario de réorganisation du réseau bus devrait être affiné par le Sytral. Après échange avec les élus et les habitants, il sera mis à jour puis, à nouveau, présenté. Le tout, pour une application sur la période 2024/2025. « Les usagers des bus peuvent se rassurer, complète Muriel Roche. Il s’agira principalement de renforcer la fréquence des bus et d’augmenter l’amplitude, avec une desserte améliorée, par exemple, vers la gare de Saint-Fons. Enfin, cette réorganisation doit nous permettre de résoudre le problème de surfréquentation de la ligne 60 aux horaires de sortie d’école. »
Michèle Picard, maire de Vénissieux : « Les habitants savent ce qu’un tramway peut apporter »
« La ligne T10 est un réel changement dans l’organisation des transports en commun de l’agglomération. En reliant des communes de première couronne sans passer par le centre-ville, il s’agit de mailler ces territoires entre eux. L’objectif étant de réduire les fractures territoriales et de désenclaver des quartiers qui ont besoin de cette circulation transversale, notamment concernant l’accès à l’emploi : le T10 traversera les zones d’activités de l’Arsenal, Carnot, République, la Vallée de la chimie nord, le Biodistrict de Gerland et notamment le secteur Techsud.
« Développer les transports en commun, c’est aussi un objectif de réduction de la pollution et de lutte contre le réchauffement climatique. C’est une transition indispensable que nous devons accompagner socialement. (…) Le T10 entre également en cohérence avec nos projets de renouvellement urbain, le pôle multimodal avec le métro D, le tramway T4.
« Les Vénissians ont une longue expérience du tramway, avec la réalisation du T4 principalement, mais aussi du T6. Malgré les désagréments et travaux, ils savent ce qu’un tramway peut apporter à un quartier, en termes de valorisation, d’amélioration du cadre de vie et de mobilité. La commune s’associe au Sytral et à la Métropole de Lyon pour poursuivre la consultation, travailler autour du plan de circulation et améliorer le cadre de vie global des Vénissians, faciliter et minimiser les nuisances du futur chantier.
« Les travaux menés par le Sytral et les concessionnaires (électricité, eau, gaz, télécoms), auront inévitablement un impact. La Ville a décidé de recruter un technicien de terrain qui sera l’interlocuteur privilégié des Vénissians pour tous les problèmes et sujets du quotidien. Il sera le relais vers le Sytral, la Métropole ou les entreprises intervenant sur le chantier. »
Jean-Charles Kohlhaas : « Nous avons travaillé dans une ambiance constructive »
Premier vice-président du Sytral, Jean-Charles Kohlhaas estime que la concertation continue a confirmé que les orientations données au projet T10 répondaient aux souhaits des habitants.
– La concertation continue se termine bientôt. Qu’en retenez-vous ? La participation a-t-elle été à la hauteur des enjeux du T10 ?
Je suis toujours très modeste sur la question de la participation citoyenne. Je sais qu’on ne peut pas mobiliser tout le monde sur tous les sujets. Par contre, on peut mobiliser des gens intéressés, concernés, avec ce que j’appelle une expertise citoyenne, quelle qu’elle soit (des parents d’élèves, des personnes âgées, des cyclistes, des artisans…). Quand dans les tables rondes et les réunions publiques, on a des habitants qui ont des choses à dire, je suis très content. Je préfère vingt personnes avec cette expertise que 200 qui n’ont rien à dire. C’est globalement ce qu’il s’est passé avec le T10, nous ne pouvons donc qu’être satisfaits. Les échanges ont été très enrichissants.
– La concertation continue vous a-t-elle conforté dans les orientations données au projet T10 ?
S’il y a eu des ajustements sur certains points, j’ai le sentiment que le projet T10 était, pour les populations de Vénissieux et de Saint-Fons, souhaité et attendu. Premier élément appréciable : il n’y a pas eu d’opposition majeure. Les habitants avaient des demandes (plus de végétalisation, de l’apaisement, des espaces piéton sécurisés…) qui correspondaient à nos souhaits, nos orientations ont donc été confortées. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de mécontentements, mais nous avons travaillé dans une ambiance constructive, et nous avons pu trouver des espaces de discussion et de compromis.
– Dans les réunions, il a régulièrement été question du choix du tracé et de l’impact sur le stationnement. Le comprenez-vous ?
Sur le choix du tracé, les débats ont été réglés assez vite. Souvent, ceux qui imaginaient un tracé très différent avaient des idées reçues sur la mobilité, estimant par exemple que l’on vient en voiture pour prendre un tramway. Or, les statistiques montrent que 98% des utilisateurs viennent à pied. Quand on explique cela, on comprend vite qu’il est important que le T10 passe près des logements.
S’agissant du stationnement, selon nos estimations, le tramway devrait supprimer environ 20 000 voitures par jour sur une partie du tracé. Moins de voitures, ce sont des besoins en stationnement en moins et donc plus de places pour les riverains. Pour le commerce de proximité, il faut des poches de stationnement, c’est vrai, mais le mouvement que lance le tramway — la réduction de la place de la voiture — est bénéfique. Toutes les études, réalisées par différentes CCI en France, le montrent : plus on supprime de stationnement automobile dans le centre des villes, y compris celles de taille moyenne, plus les commerces ont de client. D’abord, parce que le commerce de proximité, ceux qui habitent à côté n’y vont pas en voiture, donc ils ont surtout besoin d’espaces agréables à vivre et de ne pas se sentir en danger s’ils y vont avec des enfants. Ensuite, parce que lorsque l’on déporte le stationnement à 200 mètres, les automobilistes consomment plus, puisqu’ils terminent le trajet à pied et passent devant plus de commerces.