A-t-on, dans l’histoire récente, connu un hiver qui s’annonçait sous de pires auspices s’agissant des énergies ? Il est permis, alors que l’automne n’a même pas encore commencé, d’en douter. La saison froide 2022-2023 est en effet présentée depuis quelques semaines comme celle de tous les dangers : hausse des prix du gaz naturel et de l’électricité, risques de coupures pour les particuliers comme pour les professionnels, craintes de ruptures de l’approvisionnement… À tel point que la crise énergétique a désormais — comme le Covid-19 — son propre Conseil de défense !
De fait, les prix des énergies s’affichent à la hausse, une constante depuis quelques années. Du côté de l’électricité, l’annonce de prix records sur le marché de gros (plus de 1 000 euros par mégawattheure (MWh), contre 85 euros un an plus tôt) a fait monter l’inquiétude, confirmant au passage que le problème va durer — sur ce marché, c’est l’électricité achetée à l’avance, pour 2023, qui est échangée. En cause, l’indisponibilité depuis plusieurs mois de 32 des 56 réacteurs nucléaires français, lesquels fournissent habituellement 70% de la production nationale d’électricité en France. Des arrêts qui imposent à la France de trouver de l’électricité autrement, via des options plus coûteuses que l’électricité nucléaire.
L’impact de la guerre en Ukraine
Sans oublier l’offensive de la Russie en Ukraine, qui chamboule le marché du gaz naturel et, par extension, celui de l’électricité. D’une part parce que l’Europe est historiquement dépendante du gaz russe, et voit donc le prix de cette énergie grimper en flèche. D’autre part parce que pour combler les carences, créées par les arrêts de ses réacteurs nucléaires, la France doit recourir de façon plus importante au gaz naturel sur son sol, et importer plus d’électricité depuis des pays voisins… qui la produisent en partie avec du gaz.
Aujourd’hui, des dispositifs existent pour amortir les hausses des factures pour les particuliers. Ainsi, les consommateurs français bénéficient, pour les plus précaires, de chèques énergie, et pour tous, d’un « bouclier tarifaire », qui a plafonné jusqu’à fin 2022 à 4% l’augmentation des tarifs réglementés. Sans cela, l’Insee estime que la hausse moyenne de la facture aurait été près de huit fois plus importante. Problème : ce bouclier ne peut être éternel, même s’il a été prolongé sur 2023, avec une hausse des prix du gaz et de l’électricité limitée à 15 %.
De fait, nombreux sont les consommateurs inquiets. Notamment à la vue de courriers envoyés par certains opérateurs alternatifs, recommandant un retour chez l’opérateur historique en raison de l’envolée des prix. Et les coupures ? Le risque est réel, mais encore relativement limité. Alors que le gouvernement incite à la sobriété énergétique, la rudesse, ou non, de l’hiver devrait être la clé. Mais avant d’en arriver aux coupures de courant — ce qui constituerait une première depuis au moins quarante ans — RTE, le gestionnaire national du réseau, dispose d’autres moyens : appels aux écogestes citoyens, interruption de la fourniture à des sites industriels contre rémunération, baisse de la tension sur le réseau, etc.
La lutte contre les passoires énergétiques, une priorité
Pour lutter contre les effets des hausses des tarifs énergétiques, le président de la République a souhaité, début septembre, « accélérer la rénovation énergétique des bâtiments ». Les Français y sont favorables… sauf que pour près des trois quarts d’entre eux, c’est le coût des travaux qui constitue le plus gros frein à l’amélioration de la performance énergétique. Car se lancer dans un tel projet n’est pas à la portée de toutes les bourses : d’après Opéra Énergie, entreprise spécialisée dans le courtage en énergie, il faudrait compter entre 200 et 450 euros le mètre carré, selon l’état du bâtiment, le type de prestations (isolation et chauffage) et la qualité du matériel. Impossible pour de nombreux foyers, même si certains dispositifs, comme MaPrimeRénov’, les primes CEE ou encore l’éco-prêt à taux zéro, existent et permettent de réduire la note finale.
Reste une certitude : les tensions sur le marché des énergies devraient durer. D’abord, parce que les rénovations énergétiques, si elles sont vertueuses, s’inscrivent sur un temps long. Ensuite, parce que le pic de visites décennales dans les centrales nucléaires françaises ne sera passé que dans deux ans. Enfin, parce que s’agissant de la guerre en Ukraine, bien malin qui pourrait en prédire la fin.
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