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Un agriculteur face au changement climatique

Mises à mal par la chaleur et le manque de pluie, les cultures céréalières du plateau des Grandes Terres ont beaucoup souffert durant l’été. Les récoltes seront mauvaises. Les agriculteurs, à l’image de Gilles Barioz, n’ont d’autre choix que de s’adapter.

Installé dans les Grandes Terres depuis 1991, Gilles Barioz constate au fil des ans la progression du réchauffement climatique. – Photo Emmanuel FOUDROT

Aux Grandes Terres, le changement climatique signe la fin de l’abondance. Marquées par la chaleur et la sécheresse persistantes de 2022, mais aussi par les violents orages de grêle, les grandes cultures du plateau agricole de Vénissieux, Feyzin et Corbas souffrent.

Cette année, les 340 hectares de la SARL du Fort, cultivés en bio, ne produiront pas des quantités astronomiques de céréales. « Nos rendements sont en forte baisse, déplore Gilles Barioz. De l’ordre de 20 % sur les blés, entre 40 et 50 % pour le soja et 60 % sur le maïs. »

Les épis de maïs ont particulièrement souffert des conditions météo.
– Photo Emmanuel FOUDROT

Sans le réseau d’irrigation des Grandes Terres, le bilan aurait été désastreux. Le système, connecté à la station de pompage de Ternay, prélève l’eau de la nappe alluviale du Rhône. Malgré les restrictions préfectorales réduisant les prélèvements de moitié, l’exploitation a reçu suffisamment d’eau pour éviter le pire sur ses 40 hectares de parcelles irriguées.

« Les temps changent »

« Cette saison, nos deux enrouleurs n’ont arrosé que les blés. On fait une rotation de parcelles chaque année pour casser le cycle des maladies et des mauvaises herbes. On espère sauver du soja. La pluie peut aider, même à deux semaines de la récolte. Pour le maïs, c’est trop tard. »

Ce réchauffement, le paysan installé depuis 1991 le constate au fil des ans : « Les temps changent. C’est le cycle de la Terre, sans doute accentué par la pollution. Avant, on avait des étés difficiles. Mon père a connu la sécheresse de 1976. Mais ça arrivait moins souvent. »

Moins de maïs, plus de sorgo

Cette évolution invite les paysans à faire des choix. Que planter dans ces conditions ? Et pour quels bénéfices ? « Avant, on faisait beaucoup de maïs, se souvient Gilles Barioz. C’était le plus rentable. On a tendance à le remplacer par du sorgo qui a moins besoin d’eau. On se concentre de plus en plus sur des cultures d’automne. Malheureusement, pour l’orge, le triticale, l’épeautre, le seigle, le sarrasin et l’avoine, la demande est faible. Les silos sont pleins. Et pour la moutarde, on ne peut pas concurrencer le Canada. »

Pour l’exploitation du Fort, l’enjeu est de valoriser sa production : « Cette année, on travaille avec un meunier qui fournit les cantines scolaires. On doit trouver des créneaux pour vendre en direct. Parfois, les petites productions peuvent rapporter. »

Des ballons contre les grêlons

L’agriculteur peut suivre en direct l’évolution des orages sur son smartphone.
– Photo Emmanuel FOUDROT

Condamnés à la double peine de la chaleur et de la sécheresse, les agriculteurs font face à un autre fléau : la grêle. Cet été, les granules de glace se sont abattus sur les Grandes Terres à deux reprises, le 30 juin et le 17 août.

« On a eu de grosses pertes, regrette Gilles Barioz. Ça a haché les feuilles de maïs, ce qui bloque la photosynthèse. Par conséquent, les épis ne sont pas bien remplis et produisent de petits grains. Les grêlons cassent les tiges de soja. On aura deux fois moins de gousses. »

Depuis quelques années, les agriculteurs ont les moyens de faire la guerre à la grêle. Aux Grandes Terres, certains sont équipés d’un ingénieux dispositif. Les tireurs envoient des ballons gonflés à l’hélium sous la cellule orageuse. Chaque embarcation ensemence le nuage de sels hygroscopiques qui favorisent la pluie au détriment de la grêle. Une application mobile permet de suivre l’évolution de l’orage en temps réel.

« On positionne un tireur tous les 3 km, précise Gilles Barioz. On envoie les ballons à 600 mètres d’altitude. Le financement est supporté par la Chambre d’agriculture du Rhône et ses partenaires. En grandes cultures, on n’a que ça pour se protéger. »

Été 2022 : moins chaud mais plus long qu’en 2003

Photo Emmanuel FOUDROT

En termes de chaleur et de sécheresse, l’été de 2022 est historique. C’est ce qu’indique le bilan de Météo France du 30 août. Ces trois derniers mois, la température moyenne a atteint 22,7 °C dans l’Hexagone. Soit 2,3 °C au-dessus des standards des années 1991-2020. Cela reste inférieur au redoutable été 2003. Seulement, au gré des trois vagues successives, la chaleur de 2022 aura été plus durable. En deux mois, l’institut météorologique et climatique a recensé 33 jours de vagues de chaleur, contre 22 en 2003. Entre le 18 juin et le 12 août, à la station météo de Lyon-Bron, le mercure a dépassé 35 °C à 14 reprises, contre 4,4 en moyenne entre 1991 et 2020, et 2,7 entre 1981 et 2010.

« Il va falloir s’habituer à ces chaleurs, prévient Guilhem Mollard, météorologiste conseil au centre régional Centre-Est de Météo France. Si cet été 2022 reste une exception dans le climat actuel, il pourrait être représentatif d’un été normal à l’horizon 2041-2070, d’après le scénario RCP4.5 (scénario établi par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ndlr). La tendance est encore plus inquiétante pour les nuits tropicales, ces nuits où la température minimale ne descend pas sous les 20 °C. Cette année, nous avons enregistré 13 nuits tropicales à Lyon. À l’horizon 2041-2070 et toujours selon ce scénario, on pourrait connaître 30 à 50 nuits tropicales par an en moyenne. »

Pour couronner le tout, la sécheresse a atteint des niveaux records. Dans son rapport du 22 août 2022, le Centre commun de recherche de la Commission européenne estime que le Vieux Continent vit sa pire sécheresse depuis 500 ans. En France, cet été entre dans le top 10 des plus secs. Depuis les premières mesures de 1959, jamais un mois de juillet n’avait été aussi sec. À Lyon-Bron, seules quelques gouttes sont tombées : 0,6 mm, soit un écart à la normale de -99 %.

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