« Angoissante », « anxiogène », « stressante »… Les adjectifs pour définir la période de crise sanitaire que nous venons de vivre sont multiples. « La pandémie a révélé l’importance du sujet de la santé mentale », soulignait Emmanuel Macron lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, en septembre dernier.
C’est pour venir en aide aux personnes souffrant de difficultés psychologiques que le dispositif « MonPsy » a été lancé début avril. Il permet à tous les patients, dès l’âge de trois ans, d’obtenir un remboursement complet par l’Assurance maladie (60 %) et la complémentaire santé (40 %) de huit séances avec psychologue par an.
Quand on y regarde de plus près, ce dispositif n’est cependant pas ouvert à tous. En effet, seuls les patients atteints de troubles « légers à modérés » peuvent bénéficier du remboursement de ces huit séances. Des critères qui incluent, d’après le guide du ministère de la Santé à l’attention des thérapeutes, « un trouble anxieux d’intensité légère à modérée, un trouble dépressif d’intensité légère à modérée, un mésusage de tabac, d’alcool et/ou de cannabis (hors dépendance), un trouble du comportement alimentaire sans critère de gravité ».
Pour la psychologue Janina Hami-Carlson, « ces huit sessions remboursées avec un psychologue sont mieux que rien ». Cette Vénissianne, qui fait elle-même partie du dispositif, estime qu’il y a « une classe médiane qui ne peut pas se permettre de payer des rendez-vous chez le psychologue » face à certains prix exercés mais qu’elle juge tout de même « plutôt juste face à la qualification des professionnels« .
La thérapeute, Espagnole d’origine chilienne, s’est spécialisée dans l’accompagnement des femmes, notamment celles touchées par un stress post-traumatique ou en proie à des crises d’angoisse ou d’anxiété. Depuis quelques semaines, elle a vu le nombre de ses consultations augmenter drastiquement : « Beaucoup de personnes sont venues, tous mes créneaux sont complets », souligne-t-elle.
Des psychologues mis sous-tutelle ?
Cependant, elle n’est pas complètement convaincue par « MonPsy ». « Je fais mon métier par vocation, l’argent n’est pas mon objectif, explique-t-elle. Je suis rentrée dans le dispositif pour aider mes patientes. C’est une idée géniale, mais c’est mal géré. »
Elle estime que sur le long terme, « le psychologue va payer de sa poche ». En effet, ce n’est pas le professionnel qui décide du prix de la consultation, chaque session est à un prix fixe de 30 euros. Une tarification qui n’est « pas viable, qui précarise le métier de psychologue et le cadre de soin », estime Blandine Riamon, psychologue et secrétaire régionale du Syndicat national des psychologues.
Son syndicat regrette que la profession n’ait pas été associée aux discussions pour la création de « MonPsy ». Et comme elle, plus de 2 000 thérapeutes appellent à boycotter le dispositif. « ‘Monpsy’ n’est respectueux ni envers les patients, ni envers la profession », s’exaspère la syndicaliste.
Mais le point qui agace particulièrement les professionnels, c’est le passage obligatoire chez un médecin généraliste afin de pouvoir obtenir ces huit séances. « Nous devenons des psychologues sous-tutelle, nous perdons notre autonomie, affirme Blandine Riamon. Les patients vont avoir besoin d’une prescription pour venir. Le généraliste va évaluer, grâce à un questionnaire, s’ils ont des troubles ‘légers à modérés’ alors qu’ils ne sont pas habilités à le faire. »
Elle reprend : « Cela peut être très dur pour le patient, il devra raconter son histoire, partager sa souffrance psychique auprès de deux personnes, le psychologue et le médecin. Alors que l’on sait à quel point cela peut être difficile de faire la démarche de se confier.»
Afin de bénéficier des huit séances remboursées par l’Assurance maladie chez un psychologue, le patient doit d’abord se rendre chez un médecin généraliste. Celui-ci évalue les troubles du patient et décidera s’il peut avoir recours au dispositif.
Le patient peut ensuite prendre rendez-vous chez un thérapeute (liste des psychologues partenaires sur www.monpsy.sante.gouv.fr). La personne suivie doit faire l’avance des soins (sauf bénéficiaire de complémentaire santé solidaire, aide médicale de l’État, soins en lien avec une affection longue durée, une maternité à partir du 6e mois de grossesse, un accident du travail ou une maladie professionnelle). L’Assurance maladie prend en charge 60 % du prix des huit séances et le reste est complété par la complémentaire santé du patient à hauteur de 40 %.