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Ehpad La Maison du tulipier : fais pas ci, fais pas ça !

L’Ehpad poursuit ses ateliers culturels avec le rappeur Justin Follenfant, venu faire travailler les résidants sur les injonctions et les souvenirs.

Ils sont treize résidants de l’Ehpad La Maison du tulipier à avoir suivi, ce 21 mars, l’atelier mené par Justin Follenfant. Sont aussi présentes, outre deux stagiaires de la résidence, Mathilde (21 ans), Daphné et Angela (toutes deux 19 ans), qui sont en service civique à Unis Cité. « Nous sommes trois à Vénissieux, sur les thématiques de l’égalité, la solidarité et l’environnement. Notre mission va durer huit mois. »

Avec Muriel Piève, coordinatrice de vie sociale à l’Ehpad, Justin a choisi de réfléchir sur le thème des injonctions. « Vous m’avez parlé de l’école, la dernière fois, rappelle-t-il aux résidants. Les injonctions peuvent se passer là, mais aussi à la gendarmerie, à la maison, etc. »

Feuilletant son cahier, Muriel relit les phrases prononcées à cette occasion : « Attention à l’alcool, t’es encore bourré ; Fais tes devoirs ; Pas de télé pendant les repas ; Pas le droit de parler à table ; Fais ton lit avant de partir ; Les filles à la maison et les garçons au jardin… » Elle sourit : « Voilà des tâches qui sont genrées ! »

Justin propose alors de se plonger dans les souvenirs et de raconter des micro-histoires qui débuteront par « Je me souviens ». Plus tard, après la séance, il commentera : « Inspiré de Pérec, l’exercice est assez classique mais il fonctionne bien ! » Et Muriel ajoutera : « Le plus important, c’est la transmission et la valorisation. »

Bons et mauvais souvenirs

Au cours de l’atelier, plusieurs groupes se forment et, après un petit silence, les souvenirs jaillissent. Ici, on parle essentiellement cuisine. Les dames donnent des recettes et se souviennent : « Pour ma première communion, raconte celle-ci, mon père avait cuisiné des pâtes fraîches et du civet de lapin. Maman était morte en 1932, d’une maladie qui ne se soignait pas encore, et mon père a élevé tout seul ses sept enfants. J’aimais pas l’école, alors au boulot à 15 ans. Et j’y suis restée jusqu’à 72 ans. J’ai fait mon taf ! Et élevé mes deux gosses toute seule, vu que mon mari est décédé il y a 36 ans. J’ai 90 ans et j’ai encore un frère et une sœur qui m’appellent « gamine ». Ça fait plaisir ! »

Il est soudain question de la lessiveuse, que ni Justin ni les jeunes filles présentes ne connaissent. Les dames expliquent alors comment on lavait le linge à l’époque, comment aussi l’ustensile pouvait servir à cuisiner la choucroute. Mais de la vraie choucroute avec toute la charcuterie et plein de patates, pas comme celle qu’on trouve aujourd’hui. Une autre se souvient qu’elle mitonnait 200 escargots à Noël, pour une vingtaine de personnes et que, quand elle pouvait enfin s’asseoir à table, il n’en restait plus pour elle. « Alors que j’avais été aux fourneaux pendant deux jours ! »

Dans un autre groupe, on parle du martinet et des petits coups sur les jambes que l’on prenait si l’on ne faisait pas bien ses compositions. L’argent de poche, c’était pour la quête à la messe, le dimanche, « pas pour acheter des pétards ou des bonbons ». Une autre ne risquait pas de dire qu’elle allait au cinéma avec des garçons. Il y avait encore les œufs en chocolat que l’on recherchait à Pâques dans le jardin, quand le chien ne les mangeait pas, ou des poissons du 1er avril que les enfants accrochaient dans le dos des adultes.

Une anecdote en amène une autre et, parfois, tout bascule. « Enfant, avec mon frère, je suis allée voler des topinambours dans le champ du voisin, qui était radin et ne voulait rien nous donner. On avait faim, à l’époque. Papa m’a donné une correction ! Plus tard, mon frère a eu la tête rasée par les Allemands parce qu’il avait trouvé un quignon de pain sur une poubelle et qu’il l’avait mangé. »

Mais les sourires renaissent quand une autre dame raconte qu’elle s’est retrouvée coincée dans un ascenseur « avec une femme enceinte et un très jeune et très beau pompier ».

Justin et Muriel sont ravis de tout ce qu’ils ont récolté. « Le philosophe Heidegger, annonce Justin, emploie le mot « sprung ». C’est comme un plongeon quand on se met à créer. On trouve des repères et on accepte de plonger. Vous jouez bien le jeu et on va avancer. »

Dans un deuxième temps, quand les ateliers avec Justin s’achèveront, commenceront ceux avec Christophe Roche, de la compagnie Clinquaille, qui utilise des marionnettes et du théâtre d’objets.

Ce projet, Culture et santé, inclut également les enfants de l’école primaire du Centre, qui sont venus rencontrer les résidants du Tulipier. « Beaucoup d’entre eux ont fréquenté l’école et ont raconté comment c’était pendant la guerre. Les petits étaient impressionnés. Eux aussi, dans le cadre de ce projet, écrivent des dialogues sur les injonctions. À la fin, il y aura un échange entre les deux et une restitution. »

Justin Follenfant

Rappeur à la base, Justin Follenfant est un membre du groupe Deux Lyricists, programmé à « Bizarre ! » le 18 mars dernier.

« On a déjà sorti six albums et on tourne pas mal. Comme j’ai fait des études en sciences sociales à Lyon 2, c’est naturel pour moi d’animer des ateliers d’écriture. J’ai aussi suivi une formation en fac de lettres. Au début, c’était des ateliers de rap mais j’en suis sorti car je voulais aussi travailler autour de la poésie et du théâtre. C’est d’ailleurs grâce au rap que j’ai eu envie de lire. J’ai donc collaboré avec »Bizarre ! » et le Théâtre de Vénissieux, mais aussi en milieu scolaire (Jacques-Brel, Anatole-France, Louis-Pergaud, IME Jean-Jacques-Rousseau…) et je me suis mis à écrire de la poésie et de petites nouvelles.
« J’ai déjà animé des ateliers avec des adultes mais c’est la première fois en Ehpad. Il y a longtemps que j’avais envie de le faire. Une partie de ma famille vient du milieu infirmier et du social. »

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