Longtemps décriée et limitée aux grands industriels, la bière retrouve de sa superbe depuis quelques années. En 2020, la France était le premier pays européen en nombre de brasseries, d’après le Syndicat national des brasseurs indépendants et on pouvait en compter plus de 2 000.
Pourtant, à Lyon, l’histoire brassicole est ancrée à la ville depuis près de cent ans, comme l’explique Julien Chauve, dirigeant de La Fabrique du Faubourg, qui produit les Bières Georges. « Lyon a toujours eu une place importante dans l’univers brassicole, il y avait une grande consommation et une tradition installée. »
Et le parfait exemple est la Brasserie Georges, dans le 2e arrondissement de Lyon. Bâtie en 1836 par l’Alsacien et brasseur Georges Hoffherr, elle fait de la bière sa marque de fabrique et l’établissement devient très vite une institution parmi les grands noms de la gastronomie lyonnaise.
Encore aujourd’hui le restaurant a pour devise « Bonne bière et bonne chère ». « La Bière Georges a eu une production en pointillé qui a fluctué avec les différentes guerres qui ont touché la France, détaille Julien Chauve. Les outils de productions ont été anéantis ce qui a mis à mal l’industrie. »
En 2019, la production s’est installée à Vénissieux. « Ce local d’activité était intéressant pour nous, car nous sommes près de Lyon et des axes circulants ainsi que de nos clients, estime le dirigeant de La Fabrique du Faubourg. C’est un très bon outil industriel près de la ville. »
« Un emballement frénétique »
En 2016, Pierre Guilloux, passionné de bière, et « brasseur amateur », comme il se décrit, change complètement de parcours professionnel pour créer Bières des Régions, une société coopérative d’intérêt collectif installée à Vénissieux, qui regroupe des producteurs de bières locaux. « J’étais responsable administratif dans une boîte, j’en avais marre. Je me suis toujours intéressé à la bière artisanale, j’avais du mal à en trouver », précise le passionné.
Très vite rejoint par Rolland Berne, son associé, ils sont aujourd’hui plus de 70 professionnels. « La région Auvergne-Rhône-Alpes est celle où il y a le plus de brasseurs en France, estime Pierre Guilloux, il y a en plus de 300. » Avec sa vaste carte de boissons, Bières des Régions approvisionne désormais les bars, caves et restaurants en Auvergne-Rhône-Alpes, depuis son local vénissian.
L’engouement pour la bière s’est accentué depuis quelques années et les microbrasseries se multiplient. « Il y a un emballement frénétique autour de la bière, observe Pierre Guilloux. Il y a une richesse de goût incroyable avec une énorme diversité et originalité dans les produits, c’est assez exaltant comme période. »
Pourtant, quand on regarde les ventes, la bière industrielle reste majoritaire. Pour Julien Chauve, directeur des Bières Georges, il y a du chemin à faire puisque la France, où la culture du vin est très ancrée, reste le dernier pays consommateur de bière en Europe, même si les nouvelles générations apprécient de plus en plus cette boisson. « Ça se développe, mais nous sommes qu’au début de l’aventure, estime-t-il. Le changement est difficile, mais c’est intéressant, il y a tout un travail pédagogique à faire. »
Faire connaître le monde de la bière. Un sacré défi. Avec une capacité annuelle de production à 10 000 hectolitres, Bières Georges propose huit bières différentes, et toutes produites à 100 % grâce à l’agriculture biologique. « Il faut donner envie aux clients de boire autre chose que des bières industrielles. Il faut laisser le savoir-faire des brasseurs s’exprimer, c’est un métier artisanal. On cherche à donner à la bière une dimension emblématique, un style, on fait le produit dans les règles de l’art. On ne parle pas de bières brunes, blanche ou blonde, mais de Pale-Ale, d’IPA, de Fruit beer… Nous accompagnons le client dans cette découverte. » Toute une technique de production que Pierre Guilloux compare à une recette : « la bière n’est pas une question de terroir comme le vin, c’est une question de cuisine » analyse-t-il.
Le Covid, « un sacré coup de frein »
Alors que la production et la vente battaient leur plein, brasseurs et vendeurs ont été touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Pour Bières Georges comme Bières des Régions, il a fallu se renouveler pour se maintenir à flot. « Avec les confinements, il y a eu un report de la consommation à domicile, rapporte Pierre Guilloux. On vend la grande majorité de nos produits à des bars et leur fermeture nous a donné un sacré coup de frein, on a commencé à vendre dans des épiceries ou dans des caves. »
De son côté, Bières Georges a aussi été très touchée. « On a essayé de trouver de nouveaux canaux comme la vente directe aux consommateurs, dans la grande distribution ou faire de la distillation pour créer des spiritueux, mais on a perdu beaucoup », déplore Julien Chauve. Mais il reste tout de même optimiste et avec ses équipes, ils ont décidé d’innover. « On fait appel à des influenceurs lyonnais et de craft-beer, ils font des dégustations et ensuite, ils font un retour en vidéo ou sur les réseaux sociaux, explique-t-il. On tente aussi des partenariats avec des dégustations de bières avec du fromage par exemple, ou on met un pied dans la gastronomie en s’associant avec des traiteurs pour créer des pâtés en croûte réalisés avec de la bière brune. »
Des concepts originaux et qui donnent une autre dimension à la bière. « Trouver l’accord de la bière et de différents plats est très intéressant. Même si on reste convalescent, on est toujours vivant et on a toujours cette envie de démocratiser la bière. »
HATT Jean-Philippe
4 mars 2022 à 16 h 13 min
Bravo et merci de cet article