Sourire, se tenir droite, une main sur la hanche, l’autre qui salue le public, c’est souvent comme ça que nous visualisons une miss. Les stéréotypes autour des concours de beauté sont nombreux. On imagine des femmes avec des corps prétendument « parfaits » défiler en maillot de bain pour espérer obtenir la note qui leur permettra de décrocher le fameux diadème.
Pourtant, depuis quelques années, de nouvelles formes de compétition voient le jour. Comme avec Miss Curvy, une compétition qui milite en faveur « de la valorisation des femmes avec leurs courbes » pour faire « comprendre aux femmes qui portent des courbes et des rondeurs qu’elles n’ont pas à avoir honte de leur corps ».
Ne plus avoir honte de son corps, c’est précisément ce qui a poussé Mélina Lanfray à participer à ce concours. Vénissianne depuis maintenant deux ans, la jeune femme de 21 ans est actuellement en CAP Esthétique et effectue son alternance à Yves-Rocher dans la galerie marchande d’Auchan à Saint-Priest.
Et depuis son plus jeune âge, on lui fait des remarques sur son corps. « Quand j’étais petite, j’habitais dans le sud de la France, j’avais déjà des formes et je me sentais à part. Les remarques venaient de la part d’enfants, et on le sait, ils peuvent être cruels, mais c’est comme ça parfois, ils ne s’en rendent pas compte. »
Une fois entrée dans le monde professionnel, la jeune femme pensait que ces réflexions se dissiperaient, qu’elle n’aurait plus à entendre des moqueries sur son physique. Pourtant, la réalité a été tout autre. « Dans mon ancien travail, j’ai eu droit de la part de mes collègues à des réflexions sur mon physique comme ‘tu as pris du poids’ ou ‘tu devrais faire un régime’. Ils considéraient que c’était des blagues, mais ça me mettait très mal à l’aise. » Une période difficile dans la vie de Mélina : « On est face à des adultes, ce n’est pas normal qu’ils se permettent ce genre de réflexions ».
Alors quand une de ses collègues lui parle du concours, elle décide de se lancer. « Elle m’avait dit que ça l’avait aidé à changer l’image qu’elle avait d’elle-même, et je me suis dit ‘pourquoi pas’ et j’ai décidé de postuler. »
Une thérapie de groupe
Après de longues semaines, Mélina reçoit enfin le coup de fil tant espéré : elle fait partie des finalistes pour devenir Miss Curvy Rhône-Alpes. Une joie pour la jeune femme qui avait commencé « à un peu laisser tomber ».
Depuis, tout s’enchaîne. Avec les huit autres finalistes, elles se préparent pour le grand jour. Au programme : entretiens individuels, tests de culture générale et surtout, des séances photos. Rien d’exceptionnel pour un concours de beauté, mais un obstacle insurmontable pour certaines.
Mélina se souvient encore de son premier shooting. « J’ai beaucoup pleuré, je me disais ‘qu’est-ce que je fais là ?’, mais l’équipe et les autres candidates m’ont rassurée et épaulée. » Aujourd’hui, elle arrive à se lâcher devant l’objectif, à s’apprécier sur les photos, des choses qui lui paraissaient inconcevables il y a encore quelques mois. « Cette expérience m’apporte beaucoup, elle me grandit et me pousse dans mes retranchements, j’arrive à repousser mes limites. »
Elle en vient même à décrire cette compétition comme une « thérapie de groupe ». « J’ai pu discuter avec les autres candidates, sur le concours, leurs objectifs, leurs motivations. On a toutes des parcours très différents donc c’est intéressant d’échanger entre nous. Par contre, on se rejoint sur certains points comme le sentiment de se sentir mal dans sa peau, nous sommes passées par les mêmes expériences, on peut se parler sans peur d’être jugées. C’est une aventure humaine plus qu’autre chose. »
« Le monde évolue pour toutes les femmes »
Ces dernières années, on entend beaucoup parler de la notion de « Body positive », un mouvement qui a pour but de montrer qu’il n’y a pas de « corps parfait », et que beauté peut être synonyme de diversité.
Cette tendance a d’abord pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux et vient peu à peu s’implanter dans notre vie quotidienne. Dans les défilés ou les pubs, on trouve davantage de personnes avec un physique ou un âge qui ne correspond pas aux anciens standards de beauté. « Avant, il y avait les standards Miss France, maintenant ça change, ça prouve que le monde évolue pour toutes les femmes », estime Mélina. Elle qui avait peur de la réaction de sa famille par rapport au concours Miss Curvy, a vite été rassurée. « Je parle souvent de la compétition avec ma maman, elle est très fière ! Et surtout, cela lui fait du bien à elle aussi de voir des femmes qui s’acceptent. Elle aussi a des formes et de voir des femmes rondes sur des pubs et des panneaux publicitaires, ça l’aide à s’accepter. »
Pour Mélina, cette compétition est donc beaucoup plus qu’un simple concours de beauté, c’est également un outil d’émancipation. « On espère toutes gagner, mais si ce n’est pas le cas pour moi, je sais que je n’aurais rien perdu. Maintenant, j’ai remarqué que j’arrive à m’ouvrir aux autres et je n’ai plus peur de porter les habits que je veux. » Sur le plan professionnel, la jeune femme continue son alternance. Et une fois ses études terminées, elle prévoit d’ouvrir sa propre entreprise d’esthétique. « J’ai décidé de m’écouter et de poursuivre mes propres choix », conclut Mélina.
Note : la finale du concours Miss Curvy Rhône-Alpes a lieu le 14 mai 2022 à Condrieu.