PTT : poste, télégraphe, téléphone. Pour pouvoir utiliser ces services, les Vénissians d’antan ont dû déployer des trésors de patience. Mais leur attente a fini par payer.
Monsieur le maire se ronge les sangs. En cette année 1800, ses responsabilités exigent qu’il soit tenu informé des nouvelles importantes, et qu’il puisse envoyer sans délai ses missives à Lyon, à Grenoble ou Paris. Il existe bien pour ce faire, la vieille poste aux chevaux de Saint-Fons, où l’on peut changer de monture, prendre une diligence et, à l’occasion, confier un courrier, mais ce service n’a pas toujours l’efficacité voulue et, surtout, il ne sort pas de sa route pour desservir la moindre ferme du canton. C’est un coup à n’apprendre le passage de Napoléon par notre commune, qu’une fois son carrosse arrivé !
Sitôt nommé, Monsieur le maire – Antoine Givord, pour l’appeler par son nom –, décide donc de prendre le taureau par les cornes. Le 9 fructidor an VIII, soit le 27 août 1800, l’une des premières décisions de son mandat consiste à créer pour la première fois, un poste de facteur à Vénissieux : « Il sera spécialement chargé de se rendre au bureau de poste a Lyon tant pour y porter les dépêches du maire et de l’adjoint que pour en retirer les lettres et paquets à leur adresse. L’appointement du dit commissionnaire sera de 30 francs par an ». Le progrès est notable, mais il ne bénéficie qu’au maire et à son adjoint. Pour les particuliers comme vous et moi, la débrouillardise reste de mise. Si vous souhaitez transmettre une lettre, il vous revient de trouver une personne pour la porter jusqu’au bureau de Lyon, et de la rétribuer. Ou bien, portez-la vous-même !
Ce système D a fonctionné pendant une éternité… et a eu pour conséquence de réduire la correspondance à des envois exceptionnels, ou entre personnes tenant le haut du pavé. Mais en s’avançant dans le 19e siècle, Vénissieux se peuple de nouveaux habitants, devient un gros village et s’industrialise à bride abattue : dès les années 1840, les premières usines chimiques pointent le bout de leurs cheminées dans le hameau de Saint-Fons. Aussi, en 1846 le conseil municipal réclame-t-il la création d’un bureau de poste en bonne et due forme – « Considérant que le service actuel, effectué par le bureau de Saint-Symphorien d’Ozon, ne peut être fait ni avec la régularité ni avec la célérité désirables, que souvent l’éloignement, les intempéries ou d’autres circonstances entravent d’une manière fâcheuse la distribution quotidienne », un établissement vénissian permettrait monts et merveilles en la matière. « Il est d’autant plus urgent », ajoutent les élus, que Vénissieux « voit multiplier ses relations avec le dehors ». Las, comme disaient les Grecs de l’antiquité, il y a loin de la coupe aux lèvres. Ne voyant toujours rien arriver, le conseil municipal renouvelle ses prières en 1848, 1849, 1852, 1854, 1860, 1867… Sans succès. Un facteur, deux boîtes aux lettres – une au Bourg, et l’autre à Saint-Fons –, voilà à quoi se résument les efforts de la poste.
1869 : un bureau de poste est créé à Vénissieux
Enfin, en 1869, après 23 ans d’attente, les élus obtiennent satisfaction : un bureau de poste est créé à Vénissieux. Il aura fallu pour cela que la municipalité promette de prendre à sa charge l’achat d’une partie de ses meubles ! Il était temps. Vénissieux comptait à ce moment-là plus de 4500 habitants, et « de nombreux établissements commerciaux et industriels » qui ne pouvaient souffrir que leur courrier mette des jours et des jours pour parvenir à l’autre bout de la France, ou simplement à Lyon. Dès lors, une maison du Bourg se para du beau panneau des postes. C’est là que, tous les jours, le facteur venait prendre le courrier et commençait sa tournée, effectuée à pied. Là aussi qu’officiait sa femme. C’est en effet madame qui tenait le bureau, pesait les paquets dans la balance ornant son comptoir, répartissait le courrier dans le « casier de 24 cases », recevait les mandats et les convertissait en espèces sonnantes et trébuchantes.
Dès lors, la progression du service alla crescendo. L’on accrocha en 1876 une boîte aux lettres à l’omnibus reliant Vénissieux à Lyon – et bientôt au tramway –, afin que les lettres puissent partir jusque tard dans la journée. En 1912, la poste vénissiane atteignit un âge d’or. Avec deux distributions quotidiennes du courrier – on songea même à une troisième ! Avec une levée des lettres les dimanches et jours fériés, qui virent, « en l’absence des courriers d’usine, [un afflux] de cartes postales illustrées ». Et surtout, avec un acheminement du courrier dans des délais records : une enveloppe postée à Vénissieux en fin d’après-midi, parvenait le lendemain matin à son destinataire parisien, après avoir voyagé par le train de nuit. Les employés de la poste faisaient preuve d’un tel zèle que les élus s’inquiétaient maintenant pour leur santé, et suggéraient « dans le but d’étendre le repos hebdomadaire de la receveuse de Vénissieux et du [facteur] chargé du transport des dépêches », de supprimer la levée du dimanche soir !
Resta à faire suivre le P de poste, par les T et T du télégraphe et du téléphone. Le premier T, celui du télégraphe, suivit le même chemin que celui de la poste : demandé dès 1883, ce service ne fut concrétisé par le ministère des Postes que neuf ans plus tard, en 1892, après que la municipalité se soit engagée à payer une partie du fil télégraphique, et à financer la gratuité de la distribution des dépêches, en réglant elle-même le « facteur distributeur (…) à raison de 365 francs annuels ». Résultat de ce nouveau progrès, magique pour l’époque, le bureau de Vénissieux vit défiler en 1913, 3071 télégrammes privés ou officiels, et plus de 15 000 en 1916. Quant au téléphone, il fut demandé pour la première fois en 1912… mais mit bien 60 ans avant de parvenir dans tous les foyers. Vous ne l’avez peut-être pas oublié : l’attente pour l’obtenir était interminable. De quoi devenir timbré !
Sources : Archives de Vénissieux, registres des délibérations municipales, 1794-1918.
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