Artiste autodidacte, ce Vénissian féru de westerns a toujours dessiné. Après avoir exposé quelques peintures à La Solidage en décembre, il était jusqu’au 23 janvier l’un des invités de L’Hivernal de Lyon, 66e salon d’hiver de peintures et sculptures.
À L’Hivernal de Lyon, quai de Bondy, Gilbert Duchesne présentait trois peintures : La Guerre, Oiseaux d’Amazonie et Nostalgie. Ce Vénissian depuis près de 40 ans a, de son propre aveu, toujours dessiné. « À l’école, c’était toujours « Duchesne, au tableau ! » Je faisais des dessins sur la poésie qu’on devait apprendre. »
Lui qui se revendique comme autodidacte a toujours aimé fréquenter les musées et lire des ouvrages sur les peintres. « J’aime bien l’abstraction mais, pour moi, il faut un trait, une présence. La peinture est le premier art de tous les arts, déjà là dans les cavernes. Je pense que tout le monde sait dessiner. On sait écrire et l’écriture est un dessin. Si les gens prenaient le temps de regarder et de dessiner ce qu’ils voient, ils pourraient le faire. C’est à la portée de tous. Picasso disait qu’il essayait de dessiner comme un enfant, pour retrouver la fraîcheur du geste. Le dessin demande aussi de la sincérité. »
C’est une évidence, Gilbert Duchesne est un passionné. Un passionné de la vie. Il faut voir l’enthousiasme avec lequel il raconte la peinture mais aussi son autre passion, les westerns et les chevaux. Une anecdote en amène une autre, il s’excuse de raconter un peu sa vie dans le désordre et on le rassure qu’on tâchera de tout remettre dans l’ordre. Qu’il nous excuse si la chronologie n’est pas toujours respectée.
Le petit Carter
Gilbert est ce qu’on appelait dans le temps « un enfant de la balle ». « Mon père était un artiste de complément, qui avait pris le nom d’Albert Carter. Il était acteur dans des films pour les centres d’apprentissage. Il a aussi joué dans Golgotha, c’est lui qui flagellait le Christ. On le voit aussi dans Maigret tend un piège, dans une scène avec Annie Girardot. Et dans Le Pays d’où je viens, avec Gilbert Bécaud et Françoise Arnoul. Pour gagner un peu plus d’argent, mon père me faisait faire de la figuration. C’est ainsi que je joue aux billes dans un caniveau dans Porte des Lilas, avec Georges Brassens. La caméra est placée dans un bar et filme des gamins qui sautent derrière la vitre. J’en faisais partie. Mon père habitait au 117, rue Lamarck, dans le 18e, vers Montmartre. Tout le monde le connaissait dans le quartier. Et tout le monde m’appelait « le petit Carter ». Plus tard, alors que j’étais adulte, je suis retourné dans le quartier et quelqu’un s’est approché de moi en me demandant si je n’étais pas le petit Carter. J’étais ému ! »
Malheureusement, le grand Carter meurt accidentellement et Gilbert se retrouve à l’Assistance, à Denfert-Rochereau avec le futur chanteur Hervé Vilard ou dans un foyer à Vincennes. Il précise qu’il n’était « pas adoptable ». On l’envoie dans différentes maisons de la DDASS, d’où il s’évade. « Je me suis barré du château de Sceaux, du premier étage. J’avais attaché des draps mouillés à un radiateur. Après, sur la route, je me balançais dans un fossé quand une voiture arrivait. Je n’avais pas de parents, je ne faisais de la peine à personne et, si c’était à refaire, je le referai ! »
Il fallait donc, raconte-t-il, « lui trouver un travail et un foyer. »
« Vincennes était une maison pilote, la première maison de la culture. » C’est aussi à cette époque qu’il prend ses premiers cours de croquis. « Les modèles venaient poser, à poil. Moi, je me mettais sous la table et je faisais mes croquis. Et j’étais meilleur que les mecs qui regardaient. J’avais 15-16 ans. Le prof, François Lauvin, expliquait merveilleusement bien. C’est là que j’ai tout appris et ça m’a plu : que les coudes entrent dans les hanches, que les mains sont au-dessus du genou et qu’elles ont leurs proportions par rapport au corps. D’ailleurs, quand je regarde ce que je fais, je vois mes erreurs après coup. »
Si Gilbert Duchesne aime dessiner et peindre — « C’est pratiquement mon crayon qui parle, c’est lui qui me guide » —, il sait parfaitement que ce ne sera jamais suffisant pour en faire un métier. « Avec une femme et deux gamins, il me fallait toujours un boulot. »
C’est ainsi que, passionné par les westerns — au point que ses amis le surnomment « le cowboy » et qu’ils lui offrent par exemple une selle à Noël —, Gilbert rejoint son beau-frère à Trets, à une vingtaine de kilomètres d’Aix-en-Provence, pour animer un ranch, Casa Grande. « On organisait des balades à cheval, de grandes chevauchées dans le Luberon ou le Rallye latin qui réunissait 800 cavaliers sur le Ventoux. »
Mais sa passion des chevaux, pas plus que la peinture, ne suffisent à faire vivre sa famille. Il faut dire que le beau-frère s’est mis à élever des chèvres dans son ranch et que Gilbert distribue les fromages à Marseille, Aix, Salon et sur la côte. « C’était une belle époque, on vivait heureux ! Puis, j’ai été fonctionnaire à la Ville de Lyon, je m’occupais de la régie des biens communaux. J’ai ainsi été régisseur d’accueil des salles de spectacles, à la Bourse du travail ou à la salle Molière. J’ai aussi été monteur d’expositions à la bibliothèque de la Part-Dieu. »
Des expos et des prix
Pendant tout ce temps, Gilbert ne délaisse jamais ni le dessin ni la peinture. Ainsi, parce qu’il a des amis dans le Midi, il emplit un jour sa 4L de tableaux. Le propriétaire de la galerie L’Absinthe, à Monaco, lui achète tout. « Il m’a poussé à peindre. Je ne peignais plus pour moi, il existait un regard sur ma peinture. »
Gilbert publie « de petits dessins » dans les journaux (style Elle). Une de ses toiles, La Gorgone, est répertoriée au musée Saint-Pierre, à Lyon. Il expose à la bibliothèque de la Part-Dieu, à la mairie centrale lyonnaise et dans des mairies d’arrondissements, au théâtre des Ateliers, à la MJC de Ménival, dans plusieurs Salons d’automne et d’hiver, au lycée Jacques-Brel à Vénissieux et aussi au salon des artistes du Moulin-à-Vent… Il obtient plusieurs prix.
« Une marchande de tableaux s’est occupée de moi et m’a exposé à Baden-Baden et Munich, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse… Mais, quand elle vendait mes toiles, elle revenait avec de l’argent étranger et, au final, je n’avais pas grand-chose. »
Gilbert anime aussi des ateliers de dessins, entre autres à Don Bosco, et il aimerait bien continuer à enseigner à Vénissieux.
« Pour le Covid, j’ai offert aux soignants des urgences un grand tableau où je les représentais tous. Sur des Post-it, ils ont inscrit le nom des personnes représentées. »
Puisque l’on vit dans une époque de fous, dit-il encore, autant être un fou joyeux et s’amuser de tout. Préférant le rire aux larmes, Gilbert tente de tout prendre du bon côté. Qui pourrait le lui reprocher ?
Hayette
1 février 2022 à 17 h 24 min
Superbe article sur un personnage d’exception .