Jusqu’au 12 février 2022, la salle d’exposition de la Maison du peuple présente le travail de Céline Cléron, une artiste poitevine aujourd’hui installée à Paris.
Ce n’est pas un hasard si Céline Cléron, une artiste qui a fait les Beaux-Arts à Poitiers et Angers et qui expose jusqu’au 12 février son travail au centre d’art Madeleine-Lambert, a baptisé son exposition Climax. Dans la littérature et dans le cinéma, ce mot désigne le point culminant d’une action. En écologie, il s’agit de l’état final et le plus stable d’une succession de végétations dans le temps.
Le temps est un paramètre omniprésent chez Céline Cléron. Ses squelettes de serpents sous verre renvoient autant au muséum d’histoire naturelle qu’aux montagnes russes des parcs d’attraction. Et sa vidéo sur le cimetière d’animaux d’Asnières pourrait très bien illustrer, d’une façon ironique puisqu’il s’agit des sépultures de chiens ou de chats, la fameuse citation latine : Sic transit gloria mundi, ainsi passe la gloire du monde.
Une autre dimension gagne ici du terrain, celle de l’humour. Il démarque ainsi ses fossiles serpentiformes et ses échelles symboliques.
« Céline aime travailler sur des séries, remarque Xavier Jullien, le directeur du centre d’art. Nous présentons trois échelles, deux serpents, trois vases. Les échelles ont une histoire particulière. Céline adore collectionner des objets anciens, souvent liés à des métiers plus ou moins disparus. Comme elle a été invitée à exposer dans une ancienne petite gare, elle a pensé qu’une échelle rappelait les rails manquants. Chez nous, elle en montre une qui ressemble à un aiguillage, une autre qui bifurque et qui pourrait être une allégorie de la vie, où il faut faire des choix. Celle qui est cassée renvoie aux sabotages des trains pendant la guerre. »
Dans la grande salle d’exposition, la pyramide de 268 coupes brisées attire l’attention. « Elle fait écho aux événements qu’on a traversés, avec cette idée de fête gâchée, qui n’a pu avoir lieu. » Cette pseudo fontaine à champagne renvoie aussi à une métaphore de la société, qui semble solide mais dont les structures sont fragilisées, ébréchées, voire laissées à l’abandon.
« Quand Céline est venue à Vénissieux, reprend Xavier Jullien, je lui ai parlé des fouilles qui avaient été faites à Parilly. Les archéologues avaient découvert un fossé défensif devenu un dépotoir et remblayé au XIXe siècle par du verre et de la céramique. Il y avait là beaucoup de verre ouraline, aujourd’hui très rare parce qu’il contenait de l’uranium. La radioactivité était perçue comme moderne, à l’époque. Céline voulait faire fondre de l’ouraline par un verrier mais l’INRAP, qui avait fouillé à Parilly, n’en avait pas suffisamment. Elle s’est donc mise à chercher de l’ouraline en Allemagne et aux États-Unis pour ses propriétés lumineuses et phosphorescentes. En faible quantité, ce n’est pas dangereux. »
Dans une salle obscure du centre d’art, sertie d’un néon qui prend une couleur verte du fait de l’ouraline, le verre sombre nous donne l’impression d’assister à une éclipse. Le maître verrier Vincent Breed a aidé Céline Cléron à réaliser cette œuvre, comme il avait déjà assisté Sarah Sandler dans une précédente expo du centre d’art.
C’est encore avec du verre soufflé que sont fabriqués trois vases emplis de sables colorés et qui présentent une main, un visage et des insectes. Là encore, Xavier Jullien fait le lien avec l’intérêt que montre l’artiste pour l’histoire de l’art. Le visage pourrait être un de ces portraits égyptiens du Fayoum et la main un exemple de l’art pariétal. Sauf que de loin, on peut aussi avoir l’impression que les vases contiennent non pas des représentations mais une véritable main momifiée ou de véritables abeilles.