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Énergies : une note de plus en plus salée

Depuis la fin des confinements, les prix des carburants, de l’électricité et du gaz naturel sont repartis à la hausse. À Vénissieux comme ailleurs, les foyers sont inquiets, tant l’impact sur les budgets mensuels des familles populaires est important. Décryptage.

C’est un type de vidéo qui cartonne en ce moment sur Instagram ou TikTok, que les jeunes s’amusent à reproduire : un homme dit à sa compagne « Viens, je t’emmène dans un endroit cher » — comprenez dans un grand restaurant —, puis, sous le regard interloqué de cette dernière, la dépose… à la station-service. « Ben quoi, c’est cher l’essence », assène-t-il à celle qui partage sa vie.

Si les utilisateurs des réseaux sociaux sont nombreux à se mettre en scène, c’est parce que cette petite blague traduit bien une réalité du moment : le carburant, comme d’autres énergies, coûte extrêmement cher. « C’est devenu un vrai budget, témoigne Hakim, artisan dans le bois. Quand je fais le plein de mon camion le matin, il m’arrive de me dire que le travail de toute ma journée ne servira qu’à rembourser mon essence. Pendant la crise sanitaire, c’était bien moins cher, mais ça n’a pas duré. »

De fait, depuis plusieurs semaines, les prix des carburants s’envolent. Mais sur un an, la hausse est encore plus frappante. Aujourd’hui, en moyenne, le litre de gazole coûte selon les données du ministère de la Transition écologique 1,5583 euro, contre 1,2019 euro en octobre 2020. Soit une augmentation de presque 30 % en un an. Les prix des autres carburants, principalement le SP 95 et le SP 95-E10, ont eux aussi flambé. Ce dernier a aussi atteint son record : 1,6287 euro le litre.

Toutes les énergies flambent

Cette hausse des prix des carburants correspond à la reprise économique mondiale : avec la fin des restrictions de déplacement, le prix du baril de pétrole s’est envolé. Et la hausse du pétrole brut a entraîné dans son sillage celle du prix de l’essence.

Le problème, c’est que ce surcoût entraîné par le simple fait de prendre sa voiture (pour aller travailler, rendre visite à sa famille…) n’est pas le seul auquel font face les particuliers. En France, pour l’utilisation du gaz domestique,près de 3 millions de foyers ont souscrit à un contrat aux tarifs réglementés. Au 1er septembre, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a annoncé une hausse de +8,7 % des prix. Une troisième hausse en quelques mois, puisque deux augmentations avaient déjà été enregistrées : +10 % en juillet et +5 % en août. Résultat ? Selon les données de la CRE, depuis le début de l’année 2021, le montant mensuel payé par les clients du tarif réglementé a augmenté de +50,8 % !

Du côté de l’électricité, les tarifs réglementés sont révisés deux fois par an, avec des hausses en 2021 de +1,6 % en février et de +0,48 % en août. Sauf qu’une hausse « importante, de l’ordre de 10 %, se profile dès février 2022 », selon la CRE.

Enfin, le fioul domestique ne s’en sort pas mieux. Le prix du litre s’est envolé, au point de passer la barre symbolique d’un euro le litre. Fin 2020, il s’affichait pourtant encore à 70 centimes !

« C’est dur en ce moment, confie Sonia, maman de trois enfants qui vit au Moulin-à-Vent. Je n’ai pas encore mis le chauffage en route, j’ai mis une couette en plus sur les lits des enfants et, comme je travaille à la maison, j’ai mon plaid sur les épaules toute la journée. Nous sommes chauffés au gaz de ville et nous n’avons pas les moyens de payer une trop grosse facture de régularisation au printemps prochain. »

Des craintes pour l’avenir

L’inquiétude des Vénissians n’est, bien sûr, pas une exception. Selon un sondage réalisé pour Les Échos et Radio classique, publié le 18 octobre, si plus des trois quarts des Français s’attendent à une hausse des prix des produits alimentaires et du logement, ils sont encore plus nombreux (85 %) à craindre une augmentation des prix de l’énergie.

Sur les énergies, 69 % des personnes interrogées s’attendent à ce que les prix du gaz naturel ou de l’essence et du diesel augmentent « beaucoup ». Conséquence : plus de la moitié des sondés affirment d’ores et déjà moins utiliser leur voiture. Ils sont presque autant à débrancher les appareils électriques qu’ils n’utilisent pas ou à baisser le chauffage (dont un tiers qui le coupe même s’ils ont froid, une proportion qui monte à 58 % dans les foyers gagnant moins de 1 000 euros par mois !).

Pour lutter contre les hausses successives des tarifs de l’énergie, le gouvernement a fait voter par l’Assemblée nationale, le 19 octobre, un « bouclier tarifaire », qui doit au moins permettre de contenir la hausse des prix de l’électricité et du gaz jusqu’au printemps prochain. Il a aussi présenté son dispositif « simple, juste et efficace » (un chèque essence de… 100 euros), selon son porte-parole Gabriel Attal, supposé aider les Français face à la hausse des prix des carburants.

Le sujet est hautement inflammable. Le gouvernement veut sans doute s’éviter, à quelques mois de l’élection présidentielle, un mouvement social comme celui des Gilets jaunes, né justement… d’une exaspération populaire contre les prix du carburant.


TÉMOIGNAGE

« J’ai dû emprunter de l’argent à ma fille pour payer mon fioul »
Gisèle (le prénom a été modifié), retraitée, habite dans le quartier du Charréard avec son mari, dans une petite maison. Pour elle, les augmentations des tarifs des énergies sont « une difficulté de plus dans une vie qui n’est déjà pas facile tous les jours ».

Dans la petite maison de Gisèle, au Charréard, l’accueil est chaleureux. Mais paradoxalement, il y fait… assez froid. « Et encore, cette semaine, les températures sont remontées, constate la retraitée. Il y a quelques jours, je portais deux pulls pour éviter de mettre en route mon chauffage. »

Si Gisèle et son mari se refusent pour le moment à démarrer leur chaudière, c’est parce qu’ils souhaitent économiser au maximum le fioul qui s’y trouve. « Comme tous les ans, nous avons été livrés en octobre, raconte-t-elle. Nous sommes à 1 euro le litre, c’est 30 % plus cher qu’en 2020. Notre cuve est assez grande, donc la facture a été difficile à payer puisque nous n’avons que de petites retraites. Ma fille nous a aidés en nous faisant un virement, sinon c’était soit se chauffer pendant l’hiver, soit avoir de quoi acheter à manger. Mais je vais la rembourser, petit à petit. »

Si elle n’utilise plus la voiture familiale (« j’ai peur de prendre la route, mes réflexes ne sont plus vraiment ce qu’ils étaient », reconnaît-elle), son mari, lui, la sort régulièrement de leur petite allée pour aller faire les courses, voir les enfants et les amis… « À chaque fois qu’il doit faire le plein, la note augmente. Lui qui ne voulait pas en entendre parler, surtout avec le Covid-19, s’est mis à prendre régulièrement le bus pour les petits trajets. Moi, ça me rassure, mais lui trouve que cette solution lui fait perdre beaucoup de temps. Mais il en a conscience, cela permet de faire de vraies économies… »

Et pour réduire, aussi, leur budget électricité, Gisèle a fait confiance à son plus jeune fils, « un peu bricoleur ». « Il nous a installé des multiprises avec interrupteur. Tous les soirs, je les coupe pour éviter que nos appareils ne restent en veille toute la nuit. Quand il a fallu changer le lave-linge et la télévision, il nous a sélectionné des modèles moins énergivores. Et nous sommes passés aux LED pour l’éclairage. Bon, pour l’instant, je trouve l’impact sur nos factures plutôt minimes, mais déjà, nous n’avons pas eu de grosses factures de régularisation. C’est toujours ça de pris. »


Réseau de chaleur : une sécurité pour 12 864 logements

Certes, tout n’est pas parfait, et il arrive que des habitants subissent des coupures, aient « trop froid », voire… « trop chaud ». Il n’empêche : force est de constater qu’aujourd’hui, le réseau de chaleur de Vénissieux — auquel sont raccordés, grâce à 166 sous-stations, 12 864 logements et 53 autres sites — contribue à protéger les habitants des hausses des prix des énergies dédiées au chauffage.

Ainsi, selon les dernières données communiquées par Vénissieux Énergies, société de Dalkia, le coût global (chauffage et eau chaude sanitaire) du réseau de chaleur vénissian s’élève, pour un logement type, à 987 euros par an, contre 1 050 euros pour une chaudière gaz à condensation collective, 1 205 euros pour une chaudière fioul collective, 1 404 euros pour une chaudière gaz à condensation individuelle, 1 443 euros pour un chauffage électrique individuel et 1 737 euros pour une pompe à chaleur individuelle.

Rappelons, en effet, que le réseau de chaleur utilise comme source énergétique le bois, moins sujet que les autres aux variations tarifaires. « Le bois énergie a été choisi car il s’agit de la seule énergie renouvelable* et locale qui s’est avérée également compétitive, c’est-à-dire moins chère globalement que les autres énergies, dont le gaz, explique-t-on chez Vénissieux Énergies. Le bois est une énergie renouvelable dans la mesure où la forêt se reconstitue au moins aussi vite qu’on ne s’en sert pour différents usages. Ainsi, en région AURA, on prélève 1 % de la forêt annuellement, alors qu’elle se reconstitue de 3 % de son volume chaque année. »

*Vénissieux Énergies estime ainsi que ce sont 16 698 tonnes de C02 qui sont évitées par rapport à une solution 100% gaz, grâce à la chaufferie biomasse et au biogaz


Questions à Pierre-Alain Millet, adjoint au maire en charge du développement durable
« La privatisation est un échec complet »
Pierre-Alain Millet, adjoint au maire de Vénissieux en charge du Logement, du Développement durable et des Énergies, analyse pour Expressions les causes des augmentations des tarifs énergétiques et les solutions proposées par le gouvernement.

– Que ce soit avec le gaz naturel, l’électricité ou le fioul, il devient difficile de se fournir en énergie en France…

Posons-nous la question : pourquoi les prix des énergies explosent ? Parce que la privatisation a eu des effets désastreux sur le pouvoir d’achat des ménages, parce que tout dépend du marché du pétrole, qui est instable et dépend de questions géopolitiques très éloignées de la notion de service public. Par exemple, en France, il n’y a aucune raison pour que les tarifs de l’électricité augmentent. Elle est en effet produite principalement par le nucléaire et par l’hydraulique. Mais si elle devient plus chère, c’est parce qu’elle se trouve sur un marché européen, plus dépendant du gaz naturel — notamment en Allemagne.

– Que pensez-vous de la réponse du gouvernement ?

Le gouvernement invente un bouclier tarifaire à quelques mois de l’élection présidentielle qui n’est autre qu’un outil de communication. Il doit d’ailleurs s’arrêter en avril… juste après le scrutin national ! Cette mesure repose sur un pari, celui que les tarifs baisseront au printemps prochain. Or, c’est un pari risqué, sans garantie. Et comme d’habitude, ce sont les ménages qui paient — et qui payeront — la facture.

Nous, notre objectif politique, c’est de faire baisser les prix, de réintroduire le principe selon lequel l’énergie est un bien public devant, à ce titre, être géré par un service public. Parce qu’on entend parfois que des tarifs qui augmentent, ça pousse aux comportements plus vertueux. Mais ce n’est pas vrai pour la plupart des foyers modestes et de la classe moyenne. L’immense majorité des déplacements en zone périurbaine, par exemple, ce sont des déplacements contraints (pour aller travailler, faire garder les enfants…). Ce n’est pas de l’agrément ou une volonté, il n’y a tout simplement pas d’autre choix !

– Cette hausse des prix des énergies concerne les tarifs réglementés, mais elle n’est pas sans conséquence pour les acteurs privés, présents sur le marché depuis l’ouverture à la concurrence…

C’est bien la preuve que la privatisation est un échec complet. Rendons-nous compte de la situation : des acteurs privés, gavés d’aides publiques lors de l’ouverture à la concurrence, disent, maintenant que les tarifs augmentent pour eux, qu’ils n’en peuvent plus. Ils virent des clients, ne veulent plus en prendre de nouveaux. C’est une terrible leçon, mais ce n’est pas faute d’avoir prévenu : les groupes privés ne sont là pour remplir un service public que s’il est rentable, et se retirent à la première des difficultés.

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