Une majorité de rendez-vous joyeux pour oublier l’année perdue. La nouvelle saison du Théâtre de Vénissieux en 26 spectacles dont 11 créations.
La saison 2021/22 a été officialisée en ligne ce 17 juin, en même temps que celle de Bizarre ! Fermées de longs mois pour cause de Covid, les deux structures associées au sein de La Machinerie misent sur l’avenir, la diversité et le bonheur de se retrouver tous ensemble devant un spectacle.
Directrice de La Machinerie, qui réunit le Théâtre de Vénissieux et l’équipement Bizarre !, Françoise Pouzache préfère manier l’humour en espérant le retour des beaux jours. N’a-t-elle pas écrit, dans la plaquette de présentation de sa nouvelle saison théâtrale 2021/22 : « Le Variant Théâtre, on le souhaite contagieux, sans limite, essentiel, jubilatoire et impérissable » ?
Elle fait le bilan de la saison écoulée : « 23 spectacles n’ont pu être joués. Les ateliers en milieu scolaire ont quasiment tous été maintenus et nous avons défrayé toutes les compagnies annulées. C’était une volonté de la Ville. Pour cette nouvelle programmation, nous allons reprendre une dizaine de spectacles annulés : les deux Molière (Le Malade imaginaire et L’Avare), Les (pas tant) Petits Caraoquets, À vue, Non ! Je veux pas, Le Grenier, l’Othello du Momus Group dont le titre exact est I Am Not What I Am. Et aussi quelques-uns déjà annulés la saison d’avant tels Désobéir et Sabordage. »
Avec 26 spectacles dont 11 créations, autant dire que la saison 2021/22 sera riche en événements. Ajoutons à cela deux compagnies en résidence, Pockemon Crew et Transports en commun, deux festivals qui feront étape à Vénissieux (la Biennale de la danse et Sens interdits) et une diversité alléchante. « Comme toujours, nous restons pluridisciplinaires, commente Françoise Pouzache, pour qu’il y ait du mélange, différentes portes d’entrée. Chacun pourra trouver un spectacle qui lui convienne dans sa programmation personnelle. »
Et, belle manière de conjurer le mauvais sort, elle annonce de nombreux « spectacles joyeux ».
La danse pour démarrer
Rien de tel pour remettre en haut de l’affiche une saison théâtrale qu’un spectacle qui interroge la féminité à travers sept danseuses virtuoses. Interprété par le collectif rennais FAIR-E, Queen Blood est aussi un hommage rendu à son auteur, le chorégraphe Ousmane Sy, disparu en décembre dernier d’une crise cardiaque. Il sera présenté le 1er octobre dans le cadre des Rebonds de la Biennale de la danse.
Le deuxième festival à venir poser ses valises au Théâtre de Vénissieux est lui aussi tout à la fois hôte de marque et habitué. Sens interdits, festival international de théâtre, se tiendra du 13 au 30 octobre dans toute la métropole. Le 15 octobre, la compagnie chilienne La Pieza oscura proposera Space Invaders en espagnol surtitré français. « L’autrice, Nona Fernandez, s’insurge contre l’amnésie qui frappe les nouvelles générations en ce qui concerne la dictature de Pinochet. Elle affirme qu’on peut passer à autre chose sans accepter la perte de mémoire. »
Du théâtre social et sociétal
Politique, Et le cœur fume encore (25 janvier) de la compagnie Nova l’est tout autant. « La pièce parle des relations franco-algériennes, reprend la directrice, avec des points de vue différents. Margaux Eskenazi, qui met en scène, a travaillé sur des textes de Kateb Yacine, Assia Djebar, Jérôme Lindon et Édouard Glissant. C’est très documenté, très riche, pas statique du tout. »
Trois jours plus tard, le 28 janvier, Alabama Song par la compagnie Coup de poker met sur le devant de la scène Zelda Fitzgerald, l’épouse de Scott, reléguée dans l’ombre de son mari. « Elle-même artiste, elle fait partie de ces femmes écrasées par le poids de la domination masculine. Francis Scott Fitzgerald interdisait à Zelda de peindre et d’écrire. Il lui pillait même ses textes. » Lola Naymark qui jouera Zelda — on l’a remarquée dans plusieurs films de Robert Guédiguian et dans Brodeuses, mais aussi sur scène dans la version des Liaisons dangereuses de John Malkovich — portera-t-elle, comme dans la chanson d’Yves Simon, une cape de zibeline en écoutant Kashmir de Led Zeppelin ?
Le théâtre ne sera bien sûr pas le seul art représenté cette saison sur la scène vénissiane. Danse (elle a déjà été mentionnée), théâtre d’objets, théâtre d’ombres, clowns, magie, cirque et concert (celui du rappeur Kery James) seront encore de la partie.
Quelques spectacles commentés par Françoise Pouzache
Gaïa (12 novembre) par Pockemon Crew
« Pour sa deuxième saison de résidence, la compagnie crée ce spectacle lié à la Mère, la Terre. Kévin Berriche, qui l’a écrit, mis en scène et chorégraphié, a travaillé avec des danseurs de Nouvelle-Calédonie, en s’inspirant de leurs traditions et de leur art spécifique, avec une approche de la nature fascinante et très différente de la nôtre. La création a été décalée à cause de l’épidémie car il n’était pas facile de se déplacer. »
Cataquiem (19 novembre) par la compagnie Transports en commun
« C’est notre deuxième compagnie en résidence. Elle est pilotée par Léa Menahem et est adossée à La Fédération de Philippe Delaigue. J’avais vu Le Mur, un précédent spectacle, trois ans en arrière en Avignon et j’avais trouvé magnifique leur travail sur les clowns de théâtre. Leur imaginaire poétique est magique et nous fait basculer dans un univers où tout pourrait être vrai mais est complètement décalé. Cataquiem, à nouveau d’après un texte de Philippe Delaigue, n’a été joué qu’une seule fois à Marseille. On y voit cinq clowns qui attendent des cercueils non encore triés dans lesquels ils retrouvent des vêtements, des lettres… Cela leur permet de faire l’exégèse de la vie du défunt. Si la dernière catastrophe de l’humanité survient avec de tels clowns, je veux bien la partager ! Ajoutons que la compagnie Transports en commun est très gourmande de rencontres sur le territoire vénissian. »
Une pièce de théâtre avec quatre acteurs, avec quelques cochons, vaches, chevaux, avec un premier ministre, une vache Milka, des inspecteurs locaux et internationaux (21 janvier) par le Collectif7
« Cette nouvelle compagnie lyonnaise vient d’être créée, avec plusieurs membres qui habitent Vénissieux. La pièce, avec son titre à rallonge, est un brûlot contre l’Europe écrit par un Kosovar, Jeton Neziraj. Comme, avec le Brexit, une place est à prendre au sein de l’Europe, le Kosovo va postuler. C’est une joyeuse pagaille pour montrer l’absurdité des règles poussées à leur paroxysme. »
Nuye (17 décembre) par la compagnie de cirque « eia »
« Nous devions accueillir l’an dernier In Tarsi mais le spectacle a dû être annulé. Entre temps, cette compagnie espagnole qui pratique l’acrobatie pure a monté une autre création, Nuye — qui se prononce Nouyé. »
Et puis on a sauté (4 mars) par la Cie de Louise
« C’est une création jeune public. Pendant la sieste, deux gamins décident de s’enfuir par la fenêtre et tombent sans fin dans un autre espace-temps. Tout est remis en cause, jusqu’au rapport aux parents. L’enjeu va être ensuite de retrouver son chemin avant que les parents n’entrent dans la chambre. C’est visible dès 8 ans. »
Play / Replay (15 avril) par la compagnie The Rat Pack et Jos Houben
« On avait déjà programmé Speakeasy l’an dernier. La compagnie avait envie de travailler sur les cascades dans le cinéma d’action, genre Belmondo suspendu à un hélicoptère en caleçon à pois, et de les refaire. En même temps que la projection des séquences, ils vont recréer les cascades en trichant. C’est en cours de création et c’est mis en scène par Jos Houben, dont on avait présenté ici L’Art du rire. »
Le Mélancolique Tour (23 novembre) par Kery James
« Après la forme théâtrale d’À vif, Kery revient à Vénissieux pour un tour musical poétique et intimiste. »
Sabordage (11 février) par le collectif Mensuel
« On adore ces Belges, déjà accueillis pour L’Homme qui valait 35 milliards et Blockbuster. Sabordage part du même principe de mashup — NDLR : c’est-à-dire de la combinaison de plusieurs sources d’images différentes. Ils s’emparent des images du journal télé, de pubs, etc. Là, ils racontent l’histoire d’une île qui coule à pic. Le Collectif Mensuel était programmé chez nous le 13 mars et, à deux heures de jouer, on a dû fermer le théâtre. Ils étaient là, sur la scène, à faire un filage dans des décors installés. Ils sont repartis, complètement démoralisés. Heureusement que nous avons pu les payer. La Ville, je le répète, a vraiment joué le jeu et les artistes ont apprécié. »
Deux compagnies en résidence
Seconde année de résidence pour le Pockemon Crew, encore que la première ait pas mal été perturbée par le confinement. Millésime avait pu être programmé et les danseurs et danseuses travaillent à présent sur la nouvelle création, Gaïa. Ils vont beaucoup travailler avec les structures vénissianes. On les verra ainsi auprès des collégiens d’Éluard et auprès des élèves de l’école de musique Jean-Wiener pour un projet danse/musique électro. Ils iront encore dans d’autres établissements scolaires et EPJ. Sans parler d’une répétition publique, d’ateliers de pratique artistique, de masterclass hip-hop et d’un Labo Danse.
Avec Transports en commun, le corps travaille aussi, sous des masques de clowns de théâtre. Le public vénissian les découvrira dans Cataquiem, dans de petites formes en complicité avec La Fédération de Philippe Delaigue et dans un projet intergénérationnel qui réunira des résidents de l’EHPAD du Tulipier et des jeunes du lieu ressources Les Tilleuls.
LE PROGRAMME
1er octobre, 20 heures : Queen Blood, Rebond Biennale de la danse
8 octobre, 20 heures : Les (pas tant) Petits Caraoquets, chanson participative
15 octobre, 20 heures : Space Invaders, théâtre, Festival Sens interdits
12 novembre, 20 heures : Gaïa, danse
19 novembre, 20 heures : Cataquiem, clowns de théâtre
23 novembre, 20 heures : Kery James, rap acoustique
28 novembre, 15h30 : Polar, théâtre d’objets
3 décembre, 20 heures : La Ronde des hallebardiers, clowns
8 décembre, 15 heures : Manque à l’appel, musique
10 décembre, 20 heures : Désobéir, théâtre
17 décembre, 20 heures : Nuye, cirque
14 janvier, 20 heures : Le Grenier, cirque
21 janvier, 20 heures : Une pièce de théâtre…, théâtre
25 janvier, 20 heures : Et le cœur fume encore, théâtre
28 janvier, 20 heures : Alabama Song, théâtre musical
6 février, 15h30 : Almataha, danse-théâtre d’objets
11 février, 20 heures : Sabordage, théâtre
4 mars, 20 heures : Et puis on a sauté !, théâtre
11 mars, 20 heures : À vue (magie nouvelle)
20 mars, 15h30 : La méthode du Dr Spongiak, théâtre d’ombres
27 mars, 11 heures : Le Malade imaginaire, théâtre
27 mars, 14h30 : L’Avare, théâtre
3 avril, 15h30 : Non ! Je veux pas, théâtre, chant lyrique, beatbox
8 avril, 20 heures : I Am Not What I Am (Othello), théâtre
15 avril, 20 heures : Play / Replay, cirque
6 mai, 18h30 : Shake It, soirée La Machinerie