Marqué autant par la culture syndicale de sa famille que par les injustices qu’il a côtoyées, Guillaume Dumoulina gravi les échelons du syndicalisme local et national. Porte-drapeau des anciens salariés de la SAD, il a contribué à la création d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), qui doit très prochainement reprendre la distribution des journaux dans la région.
“Le syndicalisme, j’ai toujours baigné dedans”, sourit Guillaume Dumoulin. Pour le porte-parole des anciens salariés de la SAD*, la vie pourrait se résumer à une idée simple : “On lâche rien”. Ces trois mots — et la chanson de HK & les Saltimbanks dont ils sont issus —, si souvent entonnés dans les manifestations, il pourrait presque les avoir écrits lui-même. “J’ai toujours eu la fibre pour défendre les gens et les causes auxquelles je crois, relate-t-il. Quand j’étais plus petit, je voulais être avocat. Mais je me suis aperçu au fil du temps que le côté juridique m’intéressait peu. Je me suis mieux senti dans le syndicalisme, avec cette idée de défendre le faible face au fort, de tenter d’organiser les salariés pour peser ensemble contre les injustices.”
Inacceptables injustices
En 2008, l’année de ses vingt ans, Guillaume Dumoulin entre à la SAD comme préparateur de commandes. “Ce qui m’a plu dans cette entreprise, en plus de ses conditions sociales très correctes, c’est le poids du syndicat et le pouvoir de faire changer les choses en interne, analyse-t-il. J’avais vu comment les autres étaient traités ailleurs. Je ne voulais pas que dans dix ou vingt ans, on en soit encore à ce niveau d’exploitation. Il fallait que ça change.” De fait, le jeune Guillaume avait déjà roulé sa bosse. “J’avais déjà travaillé en intérim un peu partout, à Carrefour Vénissieux, dans des entreprises de la zone industrielle de Corbas ou encore à La Poste, principalement comme manutentionnaire, détaille-t-il. J’avais côtoyé des gens dans la galère et la misère sociale, vu le reflet de ceux que la société laisse au bord de la route.” Un exemple ? “Un jour je me suis retrouvé dans une grande surface pour faire l’inventaire des stocks. C’était un travail en intérim, vraiment pénible et mal payé. Tout de suite, je me suis dit que je n’y reviendrai pas l’année suivante. Mais à côté de moi, il y avait une stagiaire en comptabilité qui faisait le même travail… sans être payée. C’est ce genre d’injustice qui m’a conforté dans mes positions.”
Il faut dire aussi que Guillaume a de qui tenir. “Je suis issu d’une famille communiste avec une véritable culture syndicale. Ma mère était engagée dans la cellule du Parti communiste de La Poste où elle travaillait, boulevard Yves-Farge. Elle était aussi trésorière du syndicat…”. Lequel ? “Pour moi il y en a qu’un, la CGT.” Et la ville ? “Être né et vivre à Vénissieux, ville ouvrière et communiste, ça marque”, répond celui qui a vécu 33 ans aux Minguettes après être né à la clinique de La Roseraie. “J’ai été scolarisé à l’école Léo-Lagrange, au groupe scolaire Louis-Pergaud, au collège Paul-Éluard et au lycée Jacques-Brel. Vénissieux est une ville qui résiste dans le paysage, avec des élus qui défendent les ouvriers, où l’on essaie de produire sur place et où l’on défend l’emploi. Quand on vit à Vénissieux, on n’est pas seul.” On remarquera ce “on” inclusif, comme s’il n’avait pas quitté la ville en 2017 pour vivre à Feyzin, où il exerce un mandat de conseiller d’opposition. “Même si le corps n’y est plus, l’esprit y est encore”, assure-t-il.
“Sacrée revanche”
Retour en 2008. Guillaume Dumoulin vient de quitter la précarité de l’intérim en signant un CDI avec la SAD. Il s’engage donc logiquement dans le syndicalisme, toujours avec la CGT. “J’ai effectué mon premier mandat en tant représentant syndical au sein du comité d’établissement. Je découvrais le monde un peu particulier du livre, où la CGT est omniprésente. J’ai beaucoup milité localement, et j’ai intégré le bureau de la section nationale en 2011.” Les années 2012 et 2013 arrivent, et avec elles un conflit important dans l’entreprise. Il se termine par un plan social, avec la fermeture des agences de Saint-Étienne et Grenoble, dont l’activité est reprise par celle de Vénissieux. Très rapidement, il devient délégué syndical central et rejoint parallèlement l’Union locale CGT de Vénissieux. Quatre ans plus tard, il en sera le secrétaire général.
Le 15 mai 2020, la justice prononce la liquidation de la SAD, au grand dam des 110 salariés qui distribuaient plus de 100 000 exemplaires de journaux et de magazines vers des centaines de points de vente. Cinq semaines sans quotidiens nationaux débutent alors. Dans la foulée, il lance avec une quarantaine d’anciens salariés le projet d’une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), dont les sociétaires peuvent être les salariés, des particuliers, des collectivités locales, des associations, des clients ou encore des éditeurs de presse. D’illusions déçues en soutiens notables — dont celui de la Ville —, le rêve devient réalité. Le 15 avril dernier, la SCIC “Oyé ! Distribution” signe un bail à Chaponost pour poursuivre la distribution de la presse dans la région. “Pour nous, le conflit ne se termine pas trop mal, même si le combat n’est jamais définitivement gagné, observe Guillaume Dumoulin. Mais la victoire garde un goût amer. Presstalis regroupait auparavant un millier de personnes sur toute la France, contre 300 aujourd’hui. Beaucoup de camarades à Nantes, au Mans, à Nancy, Toulouse, Bordeaux, n’ont pas pu retrouver d’emploi.” Puis de conclure, sourire en coin : “C’est tout de même une sacrée revanche. Les éditeurs ont voulu se débarrasser de nous, et on est toujours là !”
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