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Rompre l’isolement des personnes âgées

Les confinements successifs ont creusé l’isolement de certaines personnes âgées, avec des conséquences avérées en termes de dépression, de stress et de perte d’estime de soi. À Vénissieux, les services de la Ville et de la Métropole travaillent en lien avec des associations, tels que les Petits Frères des Pauvres et Emmaüs, pour rompre cet isolement.

Les confinements successifs ont creusé l’isolement de certaines personnes âgées, avec des conséquences avérées en termes de dépression, de stress et de perte d’estime de soi. À Vénissieux, les services de la Ville et de la Métropole travaillent en lien avec des associations, tels que les Petits Frères des Pauvres et Emmaüs, pour rompre cet isolement.
Dossier réalisé par Michèle Feuillet, Poutchie Gonzales et Alain Seveyrat.
Les confinements ont creusé l’isolement
Dans un rapport publié en mars 2021, intitulé « Isolement des personnes âgées : les impacts de la crise sanitaire », l’association les Petits Frères des Pauvres dresse un constat sur l’impact du premier confinement. Si 87 % des personnes âgées ont eu quelqu’un à se confier, 650 000 personnes n’ont eu aucun confident. 15 % des 60 ans et plus ne sont jamais sortis, soit 2,5 millions de personnes. 80 % ont continué à limiter leurs sorties et leurs contacts après le premier confinement.
Les confinements successifs ont généré un impact négatif sur la santé morale pour 41 % des personnes âgées et pour 31 % sur leur santé physique. 69 % ont constaté un élan de solidarité, mais 31 % pensent que les Français ne seront plus solidaires après la crise. Les seniors internautes se sont emparés des outils de visioconférence, mais il y a toujours une forte exclusion numérique : 4,1 millions de 60 ans et plus n’utilisent jamais Internet, surtout les plus âgés et les plus modestes.

À 78 ans, Henriette vit seule chez elle, avenue Jean-Cagne. Elle a vécu le premier confinement comme une véritable épreuve : « D’une part la maladie me faisait peur. Et, pour la première fois de ma vie, j’ai dû faire face à la solitude, ce que je n’aurais jamais pu imaginer. D’habitude, je vais au cinéma, au centre social où je retrouve une amie. Mais là, tout s’est arrêté. » Heureusement, souligne Henriette, les services de la Ville étaient présents et ont poursuivi leurs actions. « Je recevais un coup de fil de la cellule de veille régulièrement. J’attendais cet appel avec impatience. Je descendais une fois par semaine pour aller à Casino. Mais petit à petit je n’avais plus envie de rien. » Jusqu’à ce jour d’avril, alors qu’elle relève son courrier, où elle rencontre pour la première fois ses voisins du 5e étage : « Le papa m’a demandé si tout allait bien, je lui ai dit que c’était extrêmement difficile. Une heure plus tard, sa femme m’apportait des gâteaux en respectant scrupuleusement les gestes barrière. J’en ai pleuré. Le lendemain, il a de nouveau frappé à ma porte, juste pour me saluer « . Une relation amicale s’est tissée : « Nous nous voyons régulièrement. Leur fils aîné vient de temps en temps en sortant de l’école ! C’est magnifique. Depuis que je suis vaccinée, ils viennent prendre le café, le goûter, tout en respectant les gestes barrières. Je revois également mon amie : on va marcher au parc des Minguettes. » Et puis les services de la Ville veillent. « Je sais que si j’ai un souci je peux en parler à la personne qui me contacte toujours. »

Un peu plus loin, rue des Martyrs-de-la-Résistance, Pascale nous accueille dans son appartement. À 62 ans, elle vit au même endroit depuis 41 ans. Tout comme Henriette, pendant le confinement elle a été contactée par les fonctionnaires de la cellule de veille de la Ville. « Ça m’a rassurée que la Ville s’occupe de nous », insiste-t-elle. Mais Pascale est surtout en lien depuis une dizaine d’années avec l’association des Petits Frères des Pauvres. « Ils m’ont sauvée. » Une fois par semaine, elle reçoit une bénévole avec qui elle peut discuter, elle participe également à la permanence d’accueil au centre Eugénie-Cotton, « à l’époque où c’était possible ». Pascale est aussi partie en vacances dans un centre géré par l’association. « On m’a mis en contact avec une assistante sociale, qui s’occupe de mon dossier de retraite, mais aussi des aides du quotidien », ajoute-t-elle. Ainsi une auxiliaire de vie l’aide plusieurs fois par semaine le matin, tout comme l’infirmière qui la suit.

11 966 appels effectués par la cellule de veille
À Vénissieux, 20 % de la population a plus de 60 ans. Et pour cette partie de la population, depuis le premier confinement, « le sentiment de solitude a fortement augmenté », observe Saliha Prudhomme-Latour, adjointe aux politiques sociales, à la lutte contre la grande pauvreté et aux personnes âgées. Alors pour faire face à cette situation inédite, la Ville de Vénissieux a tout fait pour garder le lien avec ses habitants, et notamment les seniors. « Nous avons maintenu tous nos services d’aide à domicile, de soins, la livraison de repas, et nous avons mis en place une cellule de veille pour accompagner les personnes isolées. »

Comme Henriette et Pascale, près de 570 personnes ont été contactées par « les fonctionnaires de la ville, qui ont fait un travail remarquable sur cette plateforme », se félicite l’élue. Au total, 11 966 appels ont été passés lors du premier confinement. Pour le second, le nombre d’inscrits a fortement augmenté, ils étaient 967.

En complément de ces initiatives, le Pôle 3e âge du CCAS a recruté en janvier dernier deux jeunes en service civique, Nicoline et Rebecca, qui rendent des visites à domicile aux personnes âgées considérées comme très isolées, pendant environ une heure tous les 15 jours. « En complément des services du CCAS, on retrouve de nombreux acteurs indispensables, souligne Saliha Prudhomme-Latour. On a les centres sociaux ou encore l’Office municipal des retraités et l’accueil de jour Henri-Raynaud. Tous travaillent main dans la main pour soutenir les personnes âgées isolées. » Même si certaines structures ne sont pas en service du fait de la crise sanitaire, l’adjointe au maire réaffirme la volonté de la Ville d’amplifier sa lutte contre l’isolement. « Nous souhaitons que les personnes vieillissent bien, s’épanouissent, on ne veut laisser personne sur le bord du chemin, d’autant plus en ces temps difficiles. »


Une cellule de veille élargie

Dans son plan de mandat 2020-2026, la Ville a fait de la lutte contre l’isolement des personnes âgées une priorité. La cellule de veille mise en place à l’origine pour les épisodes caniculaires, a ainsi été pérennisée depuis le début de la crise sanitaire. Près de 12 000 appels ont été passés lors du premier confinement. Aujourd’hui, Saliha Prudhomme-Latour, adjointe en charge du dossier, annonce une évolution du dispositif pour le rendre plus efficient. Toujours avec l’objectif de recenser les personnes seules, la cellule intègre de nouveaux partenaires : les maisons de la Métropole, l’Office municipal des retraités (OMR), les centres sociaux, les adjointes au maire en charge des conseils de quartier et celle en charge de la santé, la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), La Poste, et les associations les Petits Frères des Pauvres et le Secours Populaire.

« Avec ce nouvel outil, indique l’élue, les partenaires pourront faire remonter au CCAS les problématiques dont ils ont pu prendre connaissance concernant des personnes en difficultés. Notre but est ensuite d’accompagner ces personnes, de les orienter vers le dispositif qui leur correspond le mieux. »

Ce signalement peut également être émis par d’autres acteurs de la ville, comme les Vénissians eux-mêmes. « Tout habitant peut contacter la cellule de veille pour un voisin, un proche… S’il y a une situation qui nécessite un signalement, il peut nous faire remonter l’information », explique la directrice du CCAS, Laurence Berton.

Une fois par trimestre, tous les partenaires vont se réunir afin d’échanger sur les différentes problématiques rencontrées. La cellule de veille va ensuite contacter la personne concernée, réaliser un diagnostic, essayer de comprendre ce qu’il en est de sa situation, identifier ses besoins pour l’orienter vers la structure adéquate et apporter une réponse à sa souffrance. « Cependant, les agents n’interviendront que si la personne le souhaite, précise Laurence Berton. On tient compte de ses envies, et surtout, on respecte sa position. »

Pour effectuer un signalement, contactez le 04 72 21 43 02


Vivre en coloc après 60 ans

Avec l’association le Pari solidaire, des jeunes entre 18 et 30 ans sont mis en relation avec des personnes de plus de 60 ans pour créer une colocation. Une solution originale pour lutter contre l’isolement des personnes âgées, mais aussi des jeunes.

Lutter contre l’isolement en cohabitant, c’est le but de Pari solidaire. Depuis 2004, l’association propose une solution innovante contre la solitude des jeunes et des seniors : la colocation intergénérationnelle. À destination des personnes de plus de 60 ans et celles entre 18 et 30 ans, l’association offre la possibilité de créer une colocation dans le logement du senior. « On est dans une idée de vivre ensemble selon les envies et les besoins. On partage des espaces communs comme la cuisine, le salon, la salle de bains. Et chaque colocataire a également son intimité dans un espace comme la chambre », explique Marie Gourion, en charge des candidatures au Pari solidaire. En fonction des envies, des besoins et du degré d’autonomie de la personne accueillante, Marie fait passer des entretiens et organise les rencontres entre les candidats pour choisir le meilleur duo.

Brigitte Perroncel et Lisa Messier ont tenté l’expérience, et c’est un succès. Une vraie complicité s’est installée entre les deux colocataires. « On échange des conseils, des idées sur tout, on débat aussi », commente Brigitte. Les deux femmes habitent l’appartement de Brigitte, d’une surface de 64 m2. « Au début, c’était pour des raisons financières », précise l’aînée, dont la pension de retraite ne suffisait pas à combler ses frais. Pour Lisa Messier, aussi, la question pécuniaire était centrale. Ses revenus ne lui permettaient pas de s’offrir un appartement convenable. « En un mois et demi, j’ai fait beaucoup de visites, mais les prix étaient très élevés, ça pouvait aller jusqu’à 600 euros pour un logement étudiant qui ne les valait clairement pas. » Avec cette colocation, la jeune femme débourse 340 euros, toutes charges comprises, et dispose d’une chambre privée meublée et d’un accès aux parties communes comme le salon, la cuisine et la salle de bains.

« Une ouverture sur le monde »

Depuis que les deux femmes cohabitent, le bilan est très positif. Elles s’apportent énormément l’une à l’autre. Brigitte n’a pas d’enfant et en vivant avec Lisa, elle peut désormais découvrir un nouveau monde. « Ça me permet d’être en contact avec des jeunes, de connaître un univers, des langages, des expériences différentes, c’est une ouverture », assure la senior. De son côté, Lisa apprécie « la sagesse de Brigitte ». « Elle est plus posée que moi, elle est très bienveillante, elle m’aide à prendre du recul parfois. »

Depuis le début de la crise sanitaire, l’association observe un nombre grandissant de seniors volontaires à une colocation avec un jeune. « Il y a une prise de conscience sur les dangers de l’isolement, le besoin de vivre-ensemble, d’être en contact avec d’autres personnes », affirme Marie Gourion. Et c’est aussi ce qui a motivé les deux colocs. « Ça me fait de la compagnie, je ne suis plus toute seule, déclare Brigitte. Ça fait du bien d’entendre du bruit, ajoute Lisa, de vivre avec quelqu’un, d’autant plus qu’avec le Covid, on ne sort pas, donc vivre seule, c’est compliqué. »

P.G. et A.S.


L’action des Petits Frères des Pauvres à Vénissieux

Pascale Forestier (c) RB

Une cinquantaine de personnes âgées isolées sont suivies à Vénissieux par l’association les Petits Frères des Pauvres. 90 % d’entre elles sont en état dit de « mort sociale ». « Cela signifie qu’en dehors des aides des professionnels de l’action sanitaire ou sociale, elles n’ont aucun lien, ni avec leurs familles, ni avec leurs amis », précise Loïc Rigaud, responsable du secteur Vénissieux.
Les personnes suivies vivent toutes dans une grande précarité, en majorité aux Minguettes. Certaines sont en perte d’autonomie. Les Petits Frères des Pauvres les accompagnent individuellement – une fois par semaine un bénévole intervient à domicile pour deux heures de visite – et collectivement – tous les mardis après-midi entre 14 heures et 16 heures, une quinzaine de personnes se retrouvent au centre social Eugénie-Cotton.
À la rentrée de septembre, si les conditions sanitaires le permettent, un deuxième accueil sera organisé dans un autre centre social de Vénissieux. Pendant les vacances scolaires, l’association organise également des sorties ainsi que des séjours hors Vénissieux.
L’association travaille en lien avec les services de la Ville, de la Métropole, les centres sociaux et diverses autres structures.

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