Dans le cadre d’un travail mené « sur le patrimoine historique, valeur cardinale de l’égalité », la classe de CM2 de Nadia Bachmar a reçu Jean Curial et Maxime Kyrszak, deux fils de résistants.
Ce 29 avril, dans le cadre d’un travail mené sur deux ans par l’enseignante Nadia Bachmar, une classe de CM2 de l’école Louis-Pergaud recevait Jean Curial et Maxime Kyrszak, tous deux fils de résistants et membres de l’ADIRP. Le premier, dont le père fut déporté à Neuengamme, est membre de la commission financière nationale de la FNDIRP et président de l’Amicale de Neuengamme.
Avec beaucoup d’attention, les enfants ont suivi les explications sur la résistance des cheminots, des employés des PTT et des usines, questionnant leurs interlocuteurs.
« Est-ce que l’armée allemande est venue chez vous ? », demande ainsi un élève. Jean Curial va alors parler de lui et tout ce qu’il a décrit jusqu’à présent soudain se colore de son expérience d’enfant. Et l’émotion devient palpable.
« Je suis né deux mois avant la déclaration de guerre. Mes parents étaient dans la Résistance et ma mère, qui était agent de liaison, m’a placé chez des agriculteurs. Je n’ai retrouvé mes parents qu’en 1945, à l’âge de 6 ans. Mon père, qui a échappé deux fois à la mort, est rentré fin juin-début juillet 1945. Il avait été libéré de Neuengamme le 30 avril. »
Il extirpe deux bouts de tissu rayé de sa poche. Quittant le camp, les Allemands avaient rhabillé les prisonniers et son père avait pu découper ces morceaux. Après maintes péripéties — Georges Curial, trop malade, est sauvé par la Croix-Rouge suédoise et n’est pas embarqué sur les bateaux allemands qui quittent Lubeck. Il échappe ainsi à leur bombardement par l’aviation anglaise —, le déporté arrive en gare de Perrache où l’attendent sa femme et son fils. « Même aujourd’hui, reprend Jean Curial, je me revois sur le quai. Ma mère regardait en tous sens et me demandait si je voyais mon père. Mais comment le reconnaître, alors que je ne l’avais pas vu depuis si longtemps ? »
Finalement, le père s’approche de sa famille et prend son fils par les épaules. Jean se souvient aussi de son premier Noël d’après-guerre où ses parents, gênés, n’avaient pu lui offrir qu’une orange et une ceinture. « J’ai sauté de joie. Les oranges étaient rares et la ceinture était synonyme de grand garçon. »
Avec cette classe, Nadia Bachmar prévoit un spectacle de fin d’année, « une comédie musicale sur le patrimoine historique, valeur cardinale de l’égalité ».
L’éventail historique travaillé par les enfants est large, qui passe par « la Grande Guerre avec les poilus et les tirailleurs africains, les luttes ouvrières et les acquis sociaux, la Deuxième Guerre et la Résistance, qui fut importante à Vénissieux, les guerres d’indépendance, dont l’Algérie, et la Marche pour l’égalité ».
L’enthousiasme de l’enseignante est communicatif et l’on comprend mieux l’attention prêtée par les enfants au récit de Jean Curial, leur curiosité et toutes ces mains levées pour lui poser des questions.
« Nous avons déjà reçu Michael Jones, le musicien, dont le père a participé au débarquement en Normandie. Maintenant M. Curial. La dernière partie parlera de la désobéissance civile, avec un travail sur Hannah Arendt. Je voudrais amener les élèves à réfléchir sur l’enjeu de la citoyenneté, sur la question « C’est quoi être Français ? » et sur toutes ces luttes. Si l’on ne sait pas d’où on vient, on ne sait pas où on va. Nous sommes condamnés à vivre ensemble, autant que ça se passe bien. »
Nadia a fait lire des lettres de poilus à sa classe, a invité également Clément Barioz, de l’association Viniciacum, et a fait participer les enfants au concours des Petits artistes de la mémoire. « Nous avons enregistré la scène des poilus à l’école de musique et nous allons l’envoyer. Nous écrivons les textes ensemble. »
Parmi les autres interventions, signalons celles d’Azdine Benyoucef de la compagnie Second souffle, de la designer Élisabeth Poncet et de la réalisatrice Nathalie Lanier.
Quant à Jean Curial et Maxime Kyrszak, qui perpétuent le travail mené en classe par quantité de résistants et de déportés, ils sont conscients de l’importance de ces actions : « Nous voulons également que la population sache, et n’oublie pas cette tragédie. Et que d’autres enseignants fassent appel à nous. »