La restauratrice vénissiane Muriel Ferrari s’associe au critique gastronomique Michel Godet pour publier « Les plats canailles de Muriel », qui nous dit tout sur la cuisine des bouchons lyonnais.
« J’ai pris goût à l’écriture », nous accueille en souriant Muriel Ferrari. Cette Vénissiane a ouvert depuis plusieurs années un bouchon au 116 bis, rue du Dauphiné (Lyon 3e), Le Café des Artisans. Elle a déjà publié deux récits à La Passe du vent, une maison d’édition rattachée depuis à La Rumeur libre (Je voulais vous dire et Ces silences qui ont plombé nos vies) et un livre de recettes aujourd’hui épuisé.
Muriel a aujourd’hui plusieurs projets sur le feu, « dont un où je reprends ma vie et où je parlerai au Bon Dieu ». Le plus abouti est Les Plats canailles de Muriel Ferrari, l’une des dernières Mères Lyonnaises, mijoté avec l’auteur, journaliste et critique gastronomique Michel Godet. Lequel a, pour le coup, créé sa propre maison d’édition, Michel & Godet.
« Nous sommes partis du premier bouquin qui n’est plus disponible et nous avons tout refait, avec aussi une nouvelle mise en page, explique Michel. Dans la première partie, je parle de la gastronomie lyonnaise et des mères. La deuxième partie est consacrée aux recettes — il y en a plus de 80 —, avec un bon tiers de renouveau par rapport au précédent bouquin. Les trois quarts des recettes sont de Muriel et, pour le dernier quart, ce sont les miennes. Nous avons aussi mis une petite création de notre part, le Fanfaron, à base de vin de noix et d’eau de Vals. Muriel a bien inventé le Gnafron. »
Mais ces plats canailles, que sont-ils ? « Des plats de bistrot, de grand-mère », indique Muriel.
Le critique gastronomique se veut plus précis. « On a toujours parlé de cuisine canaille dans les estancots lyonnais. C’est une cuisine pas très sophistiquée, faite par les mères aux deux sens du terme : les mères lyonnaises, et Muriel est l’une des dernières, et les mamans. Les plats canailles ne sont pas forcément cuisinés avec des produits nobles, dans l’esprit lyonnais des bouchons. »
Michel ajoute à sa démonstration la notion de « s’encanailler », quand les bourgeois allaient dans ces bouchons fréquentés par les milieux populaires. Ce chantre de la cuisine lyonnaise place celle-ci « à la croisée de plein de choses de qualité qui sont la richesse de la ville ». Il évoque aussi la naissance des mères lyonnaises.
« Au départ, les grands chefs d’entreprise comme Schneider ou Gillet vivaient dans de belles demeures et avaient des cuisinières à leur service. Avec la récession de la guerre, ces dernières ont été mises à la porte. Elles ont pris alors de petits bouclards où elles ont cuisiné avec des produits peu chers composés souvent de bas morceaux, les tripes, la cochonnaille. C’était une cuisine roborative, simple, goûteuse, faite pour nourrir les ouvriers. C’est ainsi qu’elles ont développé cet esprit de bouchon. »
Et le mot, justement, d’où vient-il ? Michel Godet, qui connaît son sujet sur le bout des doigts, donne deux versions de l’origine : « Les gens se déplaçaient à cheval et il fallait pour eux non seulement se restaurer et dormir mais aussi soigner leurs chevaux. Ceux qui rendaient tous ces services devaient se faire repérer et plaçaient sur leur devanture une enseigne avec un fétu de paille. Pour les uns, cela indiquait une possibilité pour les chevaux de se restaurer. Une autre version avance que la paille permettait de bouchonner les chevaux. Aujourd’hui, en termes de marketing, le terme est porteur et beaucoup d’établissements adoptent le nom de bouchons alors que leurs cartes n’ont rien de lyonnais. »
Muriel apporte la définition définitive des mères : « Les vraies ne te demandaient pas ce que tu voulais manger parce qu’elles n’avaient pas de carte. Et puis, d’abord, elles t’engueulaient. »
Atmosphère, atmosphère
Michel évoque deux structures créées autour des mères : la première, dont il fait partie et qui a été initiée par Pierre Grison dans les années quatre-vingt, est l’association des authentiques bouchons lyonnais. La seconde, née il y a cinq ans, est l’association des bouchons lyonnais. « Dans un vrai bouchon, on retrouve une ambiance, une atmosphère, et, à la carte, 90% de plats lyonnais : tripes, tabliers de sapeur, gâteaux de foie de volaille, gratins, quenelles — ndlr : qu’il prononce à la lyonnaise, q’nelles. L’ADN du bouchon, c’est une convivialité gourmande. Pour revenir à nos recettes canailles, c’est vrai qu’il n’existe pas 2000 façons de faire un tablier de sapeur ou une tête de veau roulée, qu’elle soit grise ou blanche. » Muriel intervient pour assurer qu’il ne faut que de la grise. Et elle conclut, façon Tontons flingueurs décrivant une boisson : « Ce n’est pas une cuisine de régime, c’est plus une cuisine d’hommes, qui est généreuse. »
Le livre Les Plats canailles de Muriel sortira pendant la première semaine d’avril. Et Michel Godet achève un roman policier dont le héros, flic, a établi son QG dans le Café des Artisans de Muriel Ferrari. L’eau nous vient à la bouche.
Le Café des Artisans : 116 bis, rue du Dauphiné (Lyon 3e) – 04 78 53 20 12 (plats à emporter).
Les Plats canailles de Muriel de Muriel Ferrari et Michel Godet, éditions Michel & Godet, 84 pages, 19,50 euros.
Une édition caritative
Gignac
24 mars 2021 à 11 h 40 min
On y mange super bien , l accueil est très chaleureux.
Venez y nombreux
GODET
23 mars 2021 à 14 h 35 min
Merci Gilles et au plaisir
michel godet
Gilles Jaillot
21 mars 2021 à 8 h 48 min
Bonne chance au livre et bonne continuation pour vos projets respectifs.