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Accidents domestiques, l’ennemi intérieur

Chaque année, 20 000 personnes décèdent dans des accidents domestiques. À eux seuls, ces derniers représentent la première cause de mortalité chez les jeunes enfants, et concernent près de 14 000 personnes âgées. Radiographie d’un phénomène qui ne touche pas que les autres, mais surtout les plus fragiles d’entre nous.

Chaque année, 20 000 personnes décèdent dans des accidents domestiques. À eux seuls, ces derniers représentent la première cause de mortalité chez les jeunes enfants, et concernent près de 14 000 personnes âgées. Radiographie d’un phénomène qui ne touche pas que les autres, mais surtout les plus fragiles d’entre nous.
L’éveil de l’enfant et les risques d’accidents
Chaque étape du développement de l’enfant comporte des risques spécifiques.
Dès sa naissance, votre enfant doit constamment être sous la surveillance d’un adulte. Dans son lit, veillez à le coucher sur le dos, si possible dans une « gigoteuse ».
À partir de 3 mois, l’enfant commence à attraper les objets. Il est capable de se retourner et de rouler sur le côté. Attention aux chutes de la table à langer, du lit ou du canapé.
Entre 4 et 6 mois, il commence à se tenir assis mais il n’est pas toujours capable de garder son équilibre.
Entre 6 et 9 mois, il apprend à se déplacer en rampant puis en marchant à quatre pattes. Curieux, il touche tous les objets à sa portée et cherche à les mettre dans la bouche. Attention à l’étouffement !
Entre 9 et 18 mois, il commence à tenir debout puis à marcher. Il comprend progressivement la signification du mot « Non ». Attention aux chutes dans les escaliers, aux brûlures dans la cuisine et aux ingestions de produits ménagers.
À partir de 18 mois, il commence à comprendre comment éviter les dangers mais veut imiter ses parents en grimpant partout. Attention aux fenêtres ouvertes…
À partir de 2 ans, l’enfant monte et descend seul les escaliers. Il sait ouvrir les portes mais n’a pas encore conscience de la plupart des dangers.
À partir de 3 ans, il prend de l’assurance et se dépense beaucoup. Il parle et comprend de mieux en mieux. Il comprend la notion d’interdit mais n’est pas capable de mesurer les risques.

C’est la première cause de mortalité chez les jeunes enfants. Selon le ministère de l’Économie, les accidents de la vie courante — AcVC ou accidents domestiques — sont à l’origine chaque année de 20 000 morts par an. Dans le même temps, ils provoquent cinq millions de recours aux urgences et plusieurs centaines de milliers d’hospitalisations. En comparaison, les accidents de la route n’ont tué en 2018 « que » par 3 244 personnes, et les accidents du travail « seulement » 551 salariés du secteur privé*.
Avec la crise sanitaire et la montée en puissance du télétravail, ces chiffres ont naturellement évolué. Selon une étude publiée par Santé Publique France, on a par exemple constaté entre le 16 mars et le 10 mai 2020 une « baisse importante du nombre de passages aux urgences pour AcVC » par rapport à la même période en 2019. Cette chute concerne toutes les classes d’âge et tous les sexes. En revanche, l’étude souligne que « la part des accidents graves parmi l’ensemble des AcVC enregistrés aux urgences pendant la période de confinement était ainsi plus importante qu’en 2019 », notamment chez les enfants et les personnes âgées.

Prévenir plutôt que guérir
Ce sont d’ailleurs les personnes âgées qui paient le plus lourd tribut aux AcVC. Les deux tiers des 20 000 décès concernent en effet des personnes plus de 75 ans, pour la plupart victimes de chutes. Dès lors, on ne s’étonnera pas de constater que chaque année, plus de 75 000 personnes sont hospitalisées pour fracture du col du fémur. Une blessure potentiellement dangereuse par ses conséquences indirectes : une personne sur quatre en décède dans l’année qui suit l’accident.
Ces accidents pourraient souvent être évités — ou leurs conséquences diminuées — par quelques précautions. Citons pêle-mêle la suppression des tapis chez les personnes âgées, la mise à l’écart des produits dangereux, l’éloignement des enfants des liquides en ébullition, la vérification régulière des appareils de chauffage ou encore une surveillance accrue des plus jeunes. La liste n’est pas exhaustive.
Du côté des pompiers, qui sont les premiers sur place en cas d’accident (lire ci-contre), on souligne l’importance d’être formé aux gestes de premiers secours. « Il faut que les gens s’initient, rappelle l’adjudant-chef Guiot. Toutes les catégories de population sont concernées. Rien n’est compliqué, avec quelques heures de formation on peut vraiment sauver des vies. » Et de conclure : « être formé, c’est important, encore faut-il rester calme, ce qui n’est jamais facile ».

(*) Ce chiffre ne prend pas en compte les décès survenus chez les fonctionnaires, les auto-entrepreneurs et les travailleurs sans papiers ou non déclarés.


Les pompiers en première ligne

Photo Service Départemental-Métropolitain d’Incendie de Secours de Lyon et du Rhône

Nous avons rencontré des pompiers de Saint-Priest, dont la zone d’intervention comprend une partie de Vénissieux.
Âmes sensibles s’abstenir.
Se former aux gestes de premier secours
Moins d’un français sur 10 maîtrise les gestes de premiers secours. Or, il est assez rapide de les apprendre.
> Pour se former avec les pompiers : www.casc-formation.fr
> Protection civile du Rhône : 158, avenue Francis-de-Pressensé à Vénissieux – 06 35 28 90 93 – formations.protection-civile.org/
> Union nationale des sauveteurs secouristes (UNASS) : 100, route de Vienne, 69008 Lyon – rhone[at]secouristes.com, 04 72 76 69 69
> Participer à la chaîne de secours : permisdesauver.info
> Une mine d’informations sur le secourisme : www.secourisme.net

Du côté des sapeurs-pompiers de Saint-Priest, qui interviennent sur la moitié du territoire vénissian*, on met en avant une proportion importante d’accidents domestiques chez les plus jeunes. « En milieu urbain, les enfants sont souvent les premières victimes des accidents domestiques, constate le sergent-chef Guillard. Je pense aux incendies déclenchés par des jeux d’allumettes ou de briquets, mais aussi à des cas d’ingestion de corps étrangers, de brûlures ou d’intoxication. »

Cuisine, attention danger !
« Je me souviens d’une intervention un jour de printemps à Vénissieux, enchaîne l’adjudant-chef Guiot. Dans sa cuisine, une maman sort un bol de lait du micro-ondes, alors qu’un enfant de trois ans lui passe entre les jambes et la déséquilibre. L’enfant reçoit la totalité du lait sur le crâne, le visage et son torse nu. Résultat, brûlure au second degré sur une surface importante du corps. » Puis d’évoquer un cas similaire, celui d’un enfant encore plus jeune, mais avec de l’huile bouillante à la place du lait. « L’huile étant plus visqueuse, elle coule moins, donc brûle plus longtemps », assène-t-il.
De telles blessures conduisent inéluctablement les victimes dans un service hospitalier dédié aux brûlures, avec plusieurs mois de traitement. « Une brûlure, c’est toujours grave, souligne le Lieutenant Ouandika. Au-delà des dommages causés à la peau, il faut prendre en compte le risque infectieux qui nécessite un important traitement médicamenteux. » A Vénissieux, les pompiers san-priods sont intervenus une dizaine de fois pour des brûlures au cours des douze derniers mois. La moitié concernait des enfants.

La salle de bains aussi
Si nos interlocuteurs désignent sans hésitation la cuisine comme le lieu de tous les dangers — 50 % des accidents, indiquent-ils — la salle de bains reste l’une des pièces les plus accidentogènes. Premier risque, la noyade, jamais anodine, toujours en embuscade. « Les premières minutes sont déterminantes », rappelle l’adjudant-chef Guillard.
« Nous avons été appelés un jour pour une brûlure sur un enfant de trois ans, reprend l’adjudant-Chef Guiot. Il prenait son bain avec son frère de dix ans, qui a voulu rajouter de l’eau dans la baignoire. Sans le vouloir, il a fait couler de l’eau chaude sur son petit frère, qui était assis sous le robinet. Le temps que son frère crie suffisamment fort et que l’aîné comprenne ce qui se passait, le mal était fait, une grosse brûlure au second degré. »

Savoir dire non
Restent aussi les problèmes liés aux ingestions d’objets ou même de nourriture : « la petite pièce du jeu qui s’est détachée, la pile bouton, tout ce qui traîne, détaille le sergent-chef Guillard. Ou encore les produits ménagers stockés dans des bouteilles aux couleurs attrayantes, les pastilles de lave-vaisselle qui ressemblent à de bonbons. Il y a aussi le risque des jouets conçus pour des grands qui circulent dans des fratries… et atterrissent dans les mains des plus petits. » L’ingestion d’un corps étranger peut d’ailleurs être fatale. « Je me souviens de ce qu’on appelle une « fausse route », reprend le sergent-chef Guiot. C’était un jeune garçon qui avait mal avalé un champignon de Paris, lequel était allé se loger dans ses voies respiratoires. Cette fois-ci, nous sommes arrivés trop tard. »
Tous les accidents ne sont pas aussi graves, mais ils doivent pousser à la réflexion. Les soldats du feu ne comptent plus les enfants qui tombent de la fenêtre parce qu’ils ont poussé une chaise pour regarder dehors, ceux qui chutent d’un lit à étage. Ils se souviennent de l’inquiétude des parents après qu’une porte s’est fermée toute seule, laissant seuls des enfants à l’intérieur.
Que faire alors face à cet inquiétant inventaire ? Se former aux gestes de premiers secours, assurent de concert les trois pompiers. Mais il faut aussi prévenir. « On peut déjà mettre les produits dangereux hors de portée, dans des endroits en hauteur, fermer les placards et avoir le contrat d’entretien de sa chaudière à jour, note le lieutenant Ouandika. Mais il faut aussi initier les enfants aux dangers, les responsabiliser. Prendre le temps de leur expliquer pourquoi certaines choses sont dangereuses, ce qu’ils risquent. Et dans un autre registre, accepter la frustration de l’enfant. Apprendre à dire non. Éduquer avec bienveillance ne signifie pas tout laisser faire. »

(*) L’autre moitié est prise en charge par la caserne de Feyzin


Deux tiers des accidents domestiques concernent les plus de 75 ans

Éviter les chutes
Les facteurs comportementaux qui peuvent entraîner des chutes chez les seniors sont la consommation d’alcool, même à faible dose, la sédentarité et la malnutrition. Une attention particulière doit être portée aux soins des pieds et aux chaussures. Il est nécessaire de bien choisir leurs tailles, de privilégier matière souple, de proscrire les talons de plus de 3 cm et de les chausser correctement.
Concernant l’habitat, la Carsat recommande de positionner des interrupteurs vers les portes d’accès, à côté du lit, d’enlever les tapis, d’installer des sièges de douche et des revêtements antidérapants dans les salles de bains, ainsi que sur les bordures de marches. Elle préconise aussi de ranger à bonne hauteur les ustensiles les plus utilisés dans la cuisine, de fixer les fils électriques et d’éviter tous les obstacles qui encombrent les trajets dans l’habitation.

« On définit les accidents domestiques chez les personnes âgées comme des traumatismes non intentionnels, qu’ils aient lieu dans le jardin, la maison ou encore dans les magasins, «  explique Marie-Ange Lacoste Labrit, responsable adjointe du pôle prévention seniors, à la direction de l’action sociale de la Carsat Rhône-Alpes. Chaque année, sur les 20 000 décès liés aux accidents domestiques, plus des 2/3 concernent les plus de 75 ans.
Les conséquences des chutes chez la personne âgée sont d’abord physiques. « En tête se placent les fractures du col du fémur (pronostic vital engagé à partir de 85 ans), mais aussi des chevilles ou des poignets, précise-t-elle. S’ajoutent les plaies et les contusions, qui entraînent parfois des cicatrisations difficiles. Ou encore les hématomes intracrâniens qui évoluent très doucement et sont détectables uniquement lorsque les signes apparaissent. » Les causes des chutes ? Elles sont multiples : « l’âge, la dépression, l’incontinence urinaire (déplacements rapides), les troubles locomoteurs, la diminution des réflexes et de l’acuité visuelle… « .

Aux problèmes physiques s’ajoutent les conséquences psychologiques. « Si la personne est restée longtemps au sol sans pouvoir demander de l’aide, les suites vont être difficiles : elle va s’isoler, ne voudra plus sortir. » Le rôle de l’entourage prend alors toute son importance. « Il faut accompagner les victimes, qui ne doivent pas hésiter à demander de l’aide, mais ne pas les surprotéger. » Avec l’âge, d’autres situations peuvent entraîner un accident. « À partir de quatre prises de médicaments différents, le risque de chute augmente », souligne Marie-Ange Lacoste Labrit.
« Dès la retraite il faut revisiter son habitat, ajoute Nathalie Voge, responsable du département projets et partenariats à la Carsat. Plus on vieillit, plus il est difficile d’engager des travaux. Nous pouvons proposer différentes aides avec des partenaires, que ce soit pour l’aménagement des salles de bains ou l’installation de revêtements de sols. »
L’habitat social peut être également concerné par ces mesures. « Un tiers des retraités y vivent. Nous avons mis en place un pack social habitat, en partenariat avec l’Apicil et la Caisse des dépôts et consignations, qui aide à l’installation d’ascenseurs chez les bailleurs. »
Toute une série de dispositifs sont proposés, insistent les deux responsables, notamment un bilan sur les chutes (voir https://www.carsat-ra.fr) et des ateliers d’équilibre. La CARSAT travaille par ailleurs sur la prévention des pertes de mobilité des personnes de plus de 70 ans avec l’hôpital Lyon sud, qui organise des consultations spécifiques.
Michèle Feuillet

 

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