Avocate en devenir, Lydia Houmer peut être fière de son parcours. Elle revient sur ses expériences et ses rencontres, qui ont forgé son caractère et sa “rigueur cartésienne”. Et veut à son tour créer le déclic chez les jeunes de Vénissieux,
leur prouver “qu’eux aussi peuvent y arriver”.
“J’ai prévenu ma sœur, elle a encore six mois avant de devoir m’appeler Maître”, s’amuse Lydia Houmer. À 26 ans, la jeune femme aspire à un avenir brillant. Dans quelques mois, elle sera enfin diplômée, après un double master en droit public des affaires. Elle va être avocate, son plus grand rêve. “Quand j’ai eu le concours d’entrée de l’École des avocats, c’était le plus beau jour de ma vie, vraiment, j’en ai encore les larmes aux yeux quand j’y repense, se souvient-elle. J’étais devant les affichages avec ma mère, j’ai vu mon nom et j’ai fondu en larmes.” Depuis elle attend avec impatience de prêter serment : “C’est une fois dans notre vie, ça marque notre carrière”.
Et quand Lydia Houmer parle de ses études, elle le fait avec passion. “Je m’y retrouve, j’ai l’impression de voir une partie de ma personnalité dans ce que je fais.” Après être passée par le lycée Jacques-Brel, Lydia Houmer a choisi de suivre des études de droit, un choix qu’elle ne regrette pas. “Le droit colle à ma personnalité, explique-t-elle. Il y a l’aspect littéraire, il faut bien écrire, avoir une belle plume, aimer lire. Au-delà de ça, il y a beaucoup de rigueur, c’est très cartésien et je me reconnais beaucoup là-dedans. Il n’y a pas d’approximation, c’est ce que j’aime dans le droit.”
Pour en arriver là, Lydia Houmer, comme beaucoup d’étudiants, a longtemps jonglé entre les cours et les petits boulots : elle a été caissière dans un supermarché, employée dans une patinoire ou encore à l’usine. “De base, le droit et la fac c’est compliqué, et devoir composer avec un job étudiant, cela rend l’expérience moins agréable.”
“Si je me lance, il faut que je réussisse”
Sa vie est alors programmée pour optimiser son énergie et son temps de travail. “Ça m’a poussée à être plus performante ! Je n’avais pas le temps de faire de soirées, de me reposer le week-end, je savais que chaque minute était comptée.”
Mais pour la jeune femme, pas question de se plaindre. “Quand on est motivé, qu’on sait ce qu’on veut, on peut y arriver. Je me suis toujours dit, à partir du moment où j’ai commencé mes études : ‘si je me lance, il faut que je réussisse, je n’ai pas de filet de sécurité, Lydia tu y vas, mais tu y vas pour quelque chose’.” Il y a quatre ans, l’École de Management de Lyon a choisi de lui décerner le prix Jeunes femmes méritantes. Une récompense remise en main propre par la ministre des Droits des femmes de l’époque, Najat Vallaud-Belkacem. “J’étais honorée, j’avais 20 ans, j’étais en deuxième année de droit, pour moi je n’avais rien accompli, je n’avais même pas encore ma licence.”
Lydia Houmer a longtemps douté d’elle et de ses capacités à réussir. Ses parents n’ont pas fait d’études supérieures et son origine vénissiane a souvent été pointée du doigt. “Il y a eu des gens pas forcément bienveillants, se souvient-elle, des étudiants peuvent prendre les autres de haut. Quand je dis que je viens de Vénissieux et que j’ai eu mon bac avec mention Bien, on me regarde comme si quelque chose n’allait pas dans ce que je viens de dire.” Elle se remémore un échange en particulier, avec une étudiante de sa filière : “Je discutais avec elle et elle m’a dit, ‘j’étais persuadée que tu avais fait STG’. Pourquoi ? Parce que je viens de Vénissieux donc forcément je dois faire une filière technologique ?” Mais ces clichés ne l’atteignent pas et ne l’ont “jamais démotivée”, confie-t-elle.
Susciter l’envie chez les plus jeunes
Aujourd’hui elle veut inciter les jeunes de Vénissieux à oser se lancer. “Pour plein de jeunes ici, avoir son bac est une finalité, ils pensent que ça s’arrête là. Mais ils peuvent faire plus, ils en ont le pouvoir ! Il faut rappeler aux jeunes Vénissians qu’ils ne sont pas seuls, il ne faut pas se laisser impressionner. Peu importe que ça prenne plus de temps que d’autres, pour certains le parcours est moins linéaire, semé d’embûches, mais l’important c’est d’y arriver.” Attachée à Vénissieux et tout particulièrement au Lycée Jacques-Brel, il était tout à fait naturel, pour elle, de revenir dans l’établissement. “J’ai gardé contact avec mes professeurs, tous les ans je leur écris un e-mail pour dire où j’en suis, quand j’ai eu l’examen du barreau aussi. Ils ont toujours été très encourageants. Je suis nostalgique, rien que d’en parler, ça me fait quelque chose.”
Ainsi, elle intervient régulièrement dans l’école pour partager son expérience auprès des plus jeunes. Un échange qu’elle considère essentiel. “Ça leur permet de se projeter en nous. Ça change du discours de professeur à élèves, qu’ils interprètent plus comme une morale. Il faut continuer de parler des études supérieures dans les quartiers pour susciter l’envie ou créer le déclic. Certains jeunes ont envie mais ils vont s’autocensurer, se dire que ce n’est pas fait pour eux, je veux leur prouver le contraire !” Mais pour Lydia Houmer, il n’est pas question de leur présenter une vision biaisée des études supérieures. “Je suis tout à fait transparente, je ne suis pas là pour leur vendre du rêve, leur dire que c’est facile ! On est en totale autonomie, personne n’est derrière nous pour nous pousser, c’est dur mais ce n’est pas inaccessible. Je ne suis pas mieux qu’eux, si j’y suis arrivée, ils peuvent le faire aussi.”