Après La Rome d’Ettore Scola, un livre paru l’an dernier au Clos Jouve, le Vénissian Michel Sportisse récidive chez le même éditeur avec Mauro Bolognini, une histoire italienne, premier ouvrage édité en français sur le cinéaste.
Les connaisseurs le savent, on peut accorder toute sa confiance au critique Jean A. Gili lorsqu’il s’agit du cinéma italien. Et Jean A. Gili écrit, dans sa préface à Mauro Bolognini, une histoire italienne que vient de publier le Vénissian Michel Sportisse aux éditions Le Clos Jouve : « Mauro Bolognini ne jouit pas — aussi bien en Italie qu’en France — de la réputation qu’il devrait avoir. Le livre de Michel Sportisse arrive à point nommé pour mettre en relief la carrière d’un cinéaste d’exception. »
Il est vrai qu’en France, Bolognini a acquis moins de gages de célébrité que ses confrères Visconti, Fellini, De Sica, Scola, Risi, Comencini ou Moretti. Pourtant, en jetant un rapide coup d’œil à sa filmographie, on compte plusieurs collaborations avec Pier Paolo Pasolini et des films tels que Les Garçons (1959) avec Mylène Demongeot et Laurent Terzieff, Le Bel Antonio (1960) avec Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale et Pierre Brasseur, La Viaccia (1961) avec Jean-Paul Belmondo et Claudia Cardinale, Ce merveilleux automne (1968) avec Gina Lollobrigida, La Grande Bourgeoise (1974) avec Catherine Deneuve et Giancarlo Giannini, Vertiges (1975) avec Marcello Mastroianni et Françoise Fabian, L’Héritage (1976) avec Anthony Quinn, Dominique Sanda et Fabio Testi, etc.
Ce qui lui tient par-dessus tout à cœur, Michel Sportisse le résume en une phrase : « Bolognini fait œuvre d’auteur. » Quand il nous reçoit chez lui, dans le quartier du Laquay, ce grand amateur de culture italienne est capable de rebondir d’un auteur pas traduit en français à un film des années quarante, de mêler dans la conversation les noms illustres de Visconti, Fellini et Moravia mais aussi ceux, moins connus du grand public, de Vasco Pratolini ou Florestano Vancini.
Un regard tendre et sans pitié
« Ce projet existait avant le livre sur Ettore Scola, qui est pourtant sorti avant. Je voulais relier la personnalité de Mauro Bolognini, un cinéaste que j’apprécie beaucoup, à l’histoire de l’Italie. Pendant longtemps, on a parlé de lui avec les seuls mots d’esthétisme et de préciosité, comme s’il n’était qu’un sous-Visconti. On était à côté de la plaque. Ce Toscan natif de Pistoia s’inscrit d’emblée à mi-chemin de la ruralité et de la citadinité. Il a fait l’école d’architecture de Florence et il filme les villes en architecte. Il aime la littérature, se glissant avec les romans qu’il adapte dans des interstices, récupérant des détails avec lesquels il est le plus en affinité. Je suis un admirateur de Visconti mais je suis forcé d’aimer Bolognini qui m’est plus proche, plus accessible. Son regard tendre et à la fois sans pitié intéresse le marxiste que je suis. »
Outre l’étude minutieuse d’une dizaine de films, l’ouvrage nous replonge avec beaucoup de détails dans l’Italie des années cinquante à quatre-vingt-dix et décrit la construction d’une œuvre, des premières collaborations avec Pasolini aux adaptations littéraires. Ajoutons que le livre contient en annexes la filmo du réalisateur mais aussi la liste de ses actrices. « Bolognini est un cinéaste féminin, reprend Michel Sportisse. Les personnages féminins ne sont jamais escamotés et l’éducation sentimentale traverse son œuvre. »
L’aspect politique du travail de Bolognini le passionne également. « Son père était antifasciste. Lui-même n’était pas encarté mais se disait indépendant d’esprit, avec un idéal libertaire. Il était hardi et n’avait pas peur de traiter ses sujets avec art, détachement, sans chercher le scandale mais plutôt les soubassements profonds de l’histoire qu’il raconte. Il observait les autres avec amour. »
En préambule, Michel Sportisse n’écrit-il pas « le cinéma de Bolognini n’a rien perdu de son actualité » ? Raison de plus pour que, amateurs de cinéma ou d’Italie, on se rue sur ce livre passionnant.
Mauro Bolognini, une histoire italienne, de Michel Sportisse, éditions Le Clos Jouve, 24 euros.
Disponibles à la médiathèque Lucie-Aubrac, en DVD : Le Bel Antonio ; La Corruption.
Aux éditions du Clos-Jouve
Fondée en 2019 à la Croix-Rousse par Philippe Bouvier, qui travailla à la médiathèque Lucie-Aubrac, et l’écrivain Frédérick Houdaer, cette toute jeune maison d’éditions lyonnaise a déjà publié sept ouvrages. Parmi les derniers, outre le Mauro Bolognini de Michel Sportisse, signalons un recueil de proses courtes de Judith Wiart au titre alléchant : Le Jour où la dernière Clodette est morte. Également, J’essaie de tuer personne de Sammy Sapin sur le métier d’infirmier et ses déconvenues, et Face contre terre de Gilles Farcet, recueil introspectif poétique « de recentrage et désencombrementé ».
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