Le Secours populaire a publié son nouveau baromètre sur la pauvreté le 30 septembre. La crise sanitaire a fait basculer de nombreux Français dans la précarité. Témoignages de Fany, jeune maman et d’Enzo, étudiant, tous deux Vénissians.
Fany, trentenaire vénissiane, élève seule sa fille de 5 ans. Après un licenciement économique, elle s’inscrit dans des boîtes d’intérim. « J’ai eu des missions allant de quelques jours à plusieurs semaines, explique-t-elle. Les fins de mois étaient difficiles, mais je gagnais tant bien que mal ma vie, je pouvais payer mon loyer, mes factures. Je ne faisais jamais d’extras mais j’essayais une fois par mois d’emmener ma fille au cinéma ou de lui payer une activité. Le confinement a mis fin à tout cela : plus de mission d’intérim. Et pourtant je les relance sans arrêt. »
Aujourd’hui, la jeune femme se retrouve au RSA et perçoit environ 800 euros avec les APL. « Comment voulez-vous vivre ainsi, c’est impossible. D’autant qu’il faut payer les factures et surtout le loyer, environ 400 euros. J’ai beau tourner dans tous les sens je n’y arrive pas. Je me demande comment je pourrais vivre avec ma fille sans l’aide apportée par le comité local du Secours populaire de Vénissieux et les Restos du cœur. Les bénévoles sont tous bienveillants, mais vous croyez que c’est une vie à 34 ans ! Ma famille est d’un précieux soutien. Elle m’aide beaucoup moralement. »
Un français sur sept saute un repas
Comme Fany, plus de 9 millions de personnes en France gagnent moins de 1 063 euros par mois, le seuil officiel de la pauvreté calculé par l’Insee. Un million de plus qu’il y a dix ans. Et ce chiffre risque bien d’augmenter, à en juger par le dernier rapport annuel (*) sur la pauvreté que présentait le Secours populaire le 30 septembre dernier, avec un focus « sur l’impact de la crise sanitaire sur les personnes en situation de pauvreté ».
Un Français sur trois a subi une perte de revenus depuis le confinement, même si les dispositifs d’activité partielle et d’arrêts de travail pour garde d’enfants ont servi d’amortisseurs. « Les actifs sont les plus exposés y compris les étudiants contraints de travailler, souligne le SPF. Plusieurs mois après le confinement, 43 % disent avoir perdu une partie de leurs revenus. »
Si près de la moitié de la population (plutôt des hommes cadres et franciliens) a mis de l’argent de côté, notamment grâce à une réduction de la consommation, un tiers des Français n’arrive chaque mois qu’à boucler péniblement son budget, tandis que 18 % des personnes interrogées se déclarent systématiquement à découvert.
L’aide alimentaire a permis aux personnes aidées de reporter l’essentiel de leurs efforts sur le paiement de leurs loyers, afin de repousser le cauchemar de l’expulsion. Cependant les privations alimentaires augmentent chez nos concitoyens : 29 % se limitent tous les jours sur les fruits et les légumes, et pour 23 % les prix des aliments sains sont tels qu’ils ne peuvent pas en consommer à chaque repas. Toujours au niveau alimentaire, un français sur quatre réduit les quantités dans son assiette et un sur sept saute un repas. Les femmes et les jeunes sont les groupes qui se restreignent le plus tant qualitativement que quantitativement.
Enfin la fermeture des écoles, collèges et lycées a particulièrement inquiété les parents : ils sont 44 % à penser que leurs enfants scolarisés ont pris un retard jugé irrattrapable pour 15 % d’entre eux.
Seule lueur d’espoir : la crise sanitaire a ravivé un élan de solidarité. Près de 70 % des Français se disent prêts à venir en aide aux personnes les plus en difficultés.
(*) : Enquête réalisée par l’IPSOS et le SPF auprès d’un échantillon de 1002 personnes.
ENZO, ÉTUDIANT DE CONDITION MODESTE ET « DÉMORALISÉ »
Jeune Vénissian de 21 ans, Enzo, fils d’un ouvrier et d’une mère au foyer, est en 3e année de licence mathématiques à Saint-Étienne. La crise sanitaire a coupé son élan. Témoignage.
« En seconde et première au lycée j’ai gardé des enfants, en terminale j’ai ramassé des fruits, fait les vendanges une semaine. Depuis ma première année de licence, j’avais trouvé une place dix heures par semaine dans une enseigne de restauration rapide. Je ne vivais pas sur l’or mais je payais ma chambre universitaire. Avec le confinement, tout a fermé. Plus de restauration, plus rien… Je me suis vraiment retrouvé en grande difficulté. Depuis la rentrée, j’ai préféré prendre un abonnement au train Lyon/Saint-Étienne que de reprendre une chambre. C’est beaucoup plus fatigant mais c’est moins cher. Je n’ai pas encore retrouvé de place pour bosser. Par moments, je suis démoralisé : moi qui rêvais de master et pourquoi pas d’un doctorat, je vais peut-être devoir m’arrêter en fin de licence. C’est décourageant. Et je ne suis pas le seul étudiant dans cette situation. »