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Tournée Covid des infirmiers libéraux : « On bricole, mais on s’en sort »

Une quinzaine d’infirmiers vénissians réalisent en ce moment une « tournée Covid » pour prodiguer des soins à des personnes touchées par la maladie, mais dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation. Rencontre avec Lætitia Bouillod, présidente de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS).

Illustration fournie par Meriem, infirmière dans un centre de dialyse à Lyon 8e, dont nous avons récemment publié le témoignage.

Une quinzaine d’infirmiers libéraux de Vénissieux réalisent en ce moment une « tournée Covid » pour prodiguer des soins à des personnes touchées par la maladie, mais dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation. Entretien avec Lætitia Bouillod, présidente de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS).

Mme Bouillod, en quoi consiste cette « tournée Covid » ?
Elle consiste à mobiliser des infirmiers qui s’occupent de patients qui pourraient être soignés à l’hôpital mais reviennent chez eux pour libérer des places, ou qui sont en rémission. Ils sont traités en dehors des tournées classiques, ce qui permet à la fois de prendre plus de temps pour s’occuper d’eux et de renforcer l’hygiène et l’asepsie. Une quinzaine d’infirmiers se sont portés volontaires, bénévolement et pendant leurs jours de repos, dans le cadre de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Nous effectuons des rotations pour traiter cinq ou six patients par jour, à raison de deux visites quotidiennes le matin et le soir, réalisées par un seul infirmier.

En quoi cette tournée diffère-t-elle des autres ?
L’habillage de protection est très long, il faut compter environ dix minutes en début de visite. Contrairement à nos collègues qui travaillent en milieu hospitalier, nous n’avons pas de zone dédiée, c’est parfois compliqué. À la fin de la visite, il faut retirer nos équipements et les conditionner dans des sacs pour déchets infectieux, désinfecter nos outils (saturomètre, tensiomètre, etc.). Il faut bien compter dix minutes de plus, soit vingt en tout.

Psychologiquement, comment se sentent les patients ?
Ils sont très angoissés, se sentent très seuls et ont l’impression d’être des pestiférés. Il nous faut prendre du temps pour essayer de les rassurer. Clairement, ils ont peur de la mort. Ils craignent que leur situation s’aggrave et qu’ils ne s’en sortent pas, ou simplement qu’on ne leur donne pas leur chance en réanimation. Leur hantise, c’est de ne pas faire partie des gens pour qui on va se battre. Or, ils sont très seuls, privés de leurs enfants, de leur femme de ménage… Nous sommes les seules personnes qu’ils voient dans une journée, mais ils aperçoivent à peine nos yeux ! Mais nous pouvons prendre le temps de mettre en place des visioconférences avec leurs familles, en utilisant nos téléphones portables.

Les familles parviennent donc à garder le contact ?
Oui. J’ai vu des proches qui, d’un seul coup, se décident à resserrer les liens avec leur parent malade. Parce qu’ils ont plus de temps, et parce que la situation l’exige plus que d’habitude. Il se crée de véritables solidarités. Lorsque nous en discutons entre infirmiers, nous en venons à la conclusion que, malgré le drame, il se crée du lien.

Vous tenez le coup ?
Oui. Pourtant on ne dort pas bien, à cause de ces pointes de tension permanentes que nous subissons du matin au soir. Les cas de ces patients nous touchent beaucoup. C’est une grosse responsabilité : nous sommes leurs seules visites. Pour moi, physiquement aussi, c’est difficile, d’autant que je travaille aussi toute la semaine. Nous tenons pour eux, grâce aussi au soutien de la population qui a pris le relais de l’État. L’appel aux dons lancé il y a quelques semaines nous a aussi beaucoup aidés. Les gens ont vraiment fait preuve d’un bel enthousiasme. Alors on bricole, mais on s’en sort.

 

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