75 résidents de la tour 6 de la rue Vladimir Komarov ont signé une pétition dans laquelle ils demandent à leur bailleur de résoudre des problèmes d’humidité, de nuisibles et d’inconfort thermique. Il est vrai que certains logements sont à la limite de l’insalubre.
Il ne décolère pas. Mohammed Hadjarab, qui vit au premier étage de la tour 6 de la rue Vladimir Komarov, a engagé depuis plusieurs années un véritable bras de fer avec le bailleur Alliade qui gère la résidence. Lorsqu’il nous reçoit, il exhibe une pétition, signée par 75 locataires sur 84, puis sort d’une pile de courriers soigneusement rangés une lettre envoyée au ministre du logement. La teneur de ces deux textes est claire : les locataires se plaignent de l’humidité extrême de certains logements, de la présence de cafards et de punaises de lit, déplorent un confort thermique relatif (mise en route tardive du chauffage, mauvaise isolation) et s’agacent de petites pannes à répétition (stores, ascenseurs, interphones). Les contacts avec le bailleur ? « Un dialogue de sourds » selon M. Hadjarab. « On demande juste à vivre décemment, mais on n’y arrive toujours pas », lâche-t-il. Le représentant des locataires est pugnace : il ne lâche rien et conserve tout. Même ce grand sac en plastique qui contient les dizaines de pièges à cafard — bien remplis — qu’il a posés depuis le début de l’année. « On voit des tas d’opérations de rénovation thermique dans d’autres résidences, pourquoi pas nous ? »
Eaux usées en liberté
M. Hadjarab nous emmène chez sa voisine au-dessus, Mme Lopez, une dame âgée à la santé fragile. « Les cafards sont rentrés dans mon lave-linge, ça a tout cassé à l’intérieur et il a fallu le changer, témoigne-t-elle d’une voix fluette. Il y a beaucoup d’humidité dans la loggia, et quand il pleut c’est trempé. L’eau rentre par de petits trous que je n’arrive pas toujours à boucher. » Quelques étages plus haut, Olivier Altuner, qui vit avec sa maman, s’en prend aux canalisations, mal entretenues selon lui. « Depuis qu’ils ont changé les tuyaux d’évacuation, les eaux usées ressortent tous les ans en été par les toilettes du premier et par les nôtres. C’est immonde. » Sur le plafond au-dessus de l’évier de la cuisine, des cloques de moisissure dues à l’humidité apparaissent et la tapisserie se décolle à côté de la baignoire. Sa maman intervient. Elle nous montre la porte de la cuisine, qui ferme mal et semble prête à se dégonder : « J’ai peur qu’elle tombe sur mes petits-enfants de deux et sept ans dont un handicapé ».
Humidité quand tu nous tiens
Dans un appartement au 12e étage, un couple tient à nous montrer des traces d’humidité dans sa chambre. Dans l’angle de la pièce, des cloques de moisissure affleurent sur la peinture du plafond. Tandis que dans les toilettes, on trouve de l’eau sous le revêtement de sol. « C’est comme ça depuis six mois », constatent les locataires. Mais la situation n’est pas plus tenable chez leurs voisins. Dans l’angle de la chambre de M. et Mme Tisserand, la tapisserie est à moitié décollée, laissant apparaître une véritable forêt de champignons noirs, large de 50 centimètres à sa base. Au niveau des plinthes — décollées —, on peut passer sa main dans l’un des trous créés par l’humidité. « La nuit, on dort à quatre avec les enfants, à même le sol, dans la pièce d’à côté. Et quand c’est vraiment trop, je dors chez ma sœur, se désole Mme Tisserand. En comparaison, l’eau qui coule dans les toilettes de leur logement les jours de pluie serait presque de l’ordre du détail… La famille, qui vit ici depuis 2011, assure avoir demandé au bailleur de la reloger, sans réponse à ce jour.
Bouillon de culture
Ce qui surprend lorsque l’on entre dans l’appartement de Stefan, au dernier étage, c’est l’apparente propreté des lieux. Aucune trace d’humidité ou de poussière à première vue, des murs aux couleurs vives, comme neufs. Mais la famille de cet ouvrier du bâtiment est pourtant aux prises avec les mêmes problèmes que ses voisins. Seulement, chaque mois, Stefan repeint entièrement l’appartement à ses frais pour lutter contre l’humidité, les cafards et les punaises de lit. « Ma femme est suivie pour des problèmes cardiaques et mes enfants sont piqués la nuit par les punaises de lit, je ne peux vraiment pas faire autrement, justifie-t-il. Alors tous les mois depuis six mois, je rachète des pots de peinture et je passe deux jours à tout refaire, j’en ai pour 150 euros à chaque fois. Mais il y a quelques semaines, on a dû jeter et racheter la totalité de notre mobilier à cause des punaises. Cet argent, on préférerait l’utiliser pour manger, pour acheter des habits aux enfants… »
La réponse d’Alliade
Chez Alliade Habitat, on assure que les relations avec les locataires sont satisfaisantes. « Nous avons d’excellentes relations avec la Ville et notamment le conseil de quartier, et nous sommes présents dans toutes les assemblées générales de quartier pour répondre aux questions », assure Mélanie Berlioz, chargée de communication. Concernant les nuisibles, le bailleur indique que « seulement 18 demandes de traitement lui ont été faites par les locataires, qui ne vont pas toujours au bout du protocole », et que 32 % des locataires refusent aux entreprises l’accès à leur logement. Alliade reconnaît en revanche que les problèmes de chauffage sont « liés à l’isolation », mais rappelle que « les températures dans les logements sont conformes aux normes en vigueur » et que « le chauffage a été lancé à la date habituelle ». Quant aux deux ascenseurs, quasi neufs, ils ont fait l’objet de 70 interventions en 2019, principalement suite à des incivilités. Les problèmes d’évacuation d’eau sont eux aussi dus à des problèmes d’utilisation, « lorsque des gens jettent des objets divers dans les toilettes par exemple ». En outre, 28 curages ont été réalisés en 2019. Restent les problèmes d’humidité : « On travaille sur l’isolation des combles, et vu l’âge de la résidence on prend ce sujet très au sérieux. Que ces personnes nous contactent ».
Au second semestre 2021, la résidence doit faire l’objet d’une rénovation en collaboration avec l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Des informations sont disponibles à ce sujet à la Maison du projet de Vénissieux, 20 avenue Jean-Cagne.
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