[ Assassinées parce que femmes — Vénissieux s’engage contre les féminicides — Féminicides : ils témoignent — Une jeunesse féministe ]
Debout !
Elles sont jeunes, exaltées, avec le féminisme chevillé au corps. Ces dernières semaines, elles ont multiplié les actions dans les rues de Lyon et sur les réseaux sociaux pour faire entendre leurs voix. Nous sommes allés à leur rencontre.
« Elles s’appelaient Berthe, Fadela, Delphine, Marie, Safia, assassinées en 2019 parce que femmes. » Les mots résonnent dans le silence de la place Louis-Pradel en cette soirée pluvieuse de novembre. Un lundi sur deux, entre le 23 septembre et le 4 novembre, le collectif Droits des femmes (1) appelait à un rassemblement contre les féminicides. En ce 4 novembre, environ 150 personnes sont regroupées au pied d’une large banderole violette — couleur du féminisme — « Stop les féminicides ». Au sol, un long rouleau de papier blanc liste froidement, par ordre chronologique, le prénom et l’âge de chacune des 127 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint depuis le début de l’année.
#MeToo
Parmi les organisatrices, on retrouve Laura Olivieri, référente événements et communication du collectif MeToo Lyon, rencontrée quelques jours plus tôt. À 25 ans, cette diplômée en design textile est tombée dans le féminisme « en lisant Mona Chollet, Judith Butler, puis beaucoup d’autres autrices féministes » il y a 4 ou 5 ans « après avoir été soumise aux injonctions de la société et aux diktats de la beauté ». Depuis la création du collectif MeToo Lyon il y a deux ans, dans le sillage de l’affaire Harvey Weinstein, elle s’investit au quotidien dans cette association qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. « Notre objectif est de sensibiliser le grand public et d’apporter aux femmes le plus d’informations possible. » La petite dizaine de militantes qui constitue le collectif organise chaque trimestre des conférences gratuites autour du féminisme avec l’intervention d’avocates, historiennes, psychologues, humoristes, anime des permanences d’écoute et des groupes de parole le mercredi ouverts « à toutes les femmes qui souhaitent échanger sur leur vécu », ainsi que des ateliers danse, « qui aident à se sentir mieux dans son corps ». Et la jeune femme invite bien évidemment à participer à la marche du 23 novembre à Lyon . Elle battra elle-même le rythme du cortège au sein de la battucada féministe Les Femmes battantes dont elle fait également partie.
#NousToutes
Anahi Miranda, c’est à Paris qu’elle invite à marcher le 23 novembre à l’appel du collectif Nous Toutes dont elle gère les réseaux sociaux au niveau national. « Je reste solidaire de la marche lyonnaise mais avec Nous Toutes, on a fait le choix d’appeler à un défilé de toutes les régions à Paris pour créer un rapport de force avec les pouvoirs publics et obtenir des solutions concrètes de la part du gouvernement. On ne veut pas un Grenelle, on veut un milliard ! » Depuis son portrait paru dans Expressions en décembre 2018, Anahi, militante vénissiane de 23 ans, est toujours plus mobilisée pour la cause féministe. Très investie, la jeune femme a relancé le mouvement Nous Toutes Lyon en septembre et participé à toutes les actions menées depuis, dont un quiz de rue pour interpeller les passants et un die-in en hommage aux victimes de féminicides au cours duquel les 60 participantes ont simulé la mort. « Après la marche, j’ai envie de me focaliser davantage sur la mobilisation des jeunes, notamment au niveau local. Il existe déjà des comités Nous Toutes dans des établissements scolaires où des jeunes mènent des actions de sensibilisation, mais pas à Vénissieux. Si des lycéennes et lycéens vénissians ont envie de nous rejoindre, qu’ils n’hésitent pas. C’est important que les jeunes femmes intègrent qu’elles peuvent dire stop au harcèlement et que les jeunes hommes apprennent à changer certains comportements. »
Et les colleuses
Changer les comportements mais surtout interpeller l’opinion publique, c’est la mission que se sont donnée les colleuses anti-féminicides dont les slogans volontairement provocateurs fleurissent dans les rues de Lyon depuis début septembre. « Papa a tué maman », « Elle le quitte, il la tue », « Féminicides : arme de destruction machiste » : « coller dans la rue nous permet de toucher tout le monde, explique Camille Roux, 21 ans, qui a choisi de se mobiliser « par solidarité et par intérêt pour la cause ». On interpelle les gens dans leur quotidien, on se réapproprie l’espace public et on rend hommage aux victimes. » Noyau de quatre jeunes militantes décidées à suivre le mouvement parisien, elles sont aujourd’hui plus de 200 à arpenter les rues de la ville, la nuit, armées de leur seau de colle et de leurs pinceaux. « On se retrouve chez l’une ou chez l’autre pour peindre et à partir de 23 heures, on descend coller par groupe de cinq maximum dans des rues très passantes ou d’autres plus tranquilles. » Si le mouvement attire autant les jeunes femmes, c’est qu’il ne demande pas un grand engagement : « Il suffit juste d’être un peu motivée, donner une ou deux heures de son temps par semaine, ce n’est pas grand-chose. » Mais il ne reste pas sans risque. Début novembre, quatre d’entre elles dont Camille ont été arrêtées puis convoquées au commissariat du 3e après avoir collé « Féminicides : État coupable, justice complice » sur le palais de justice de la rue Servient dans le cadre d’une action d’ampleur nationale. Elles ont écopé d’un rappel à la loi. Il semble que ce ne soit pas ça qui les arrêtera. « Tant qu’il n’y aura pas d’actions concrètes du gouvernement, on continuera », conclut Camille.
(1) Collectif à l’initiative du planning familial qui regroupe syndicats et associations féministes lyonnaises actives sur le terrain.
À NOTER
Chaque collectif est présent sur les réseaux sociaux :
– Collectif MeToo Lyon sur Facebook et Instagram
– Nous Toutes 69 sur Facebook et Instagram
– @collages_feminicides_lyon sur Instagram.
Dossier réalisé par Michèle Feuillet et Perrine Plateau
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