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La colère noire des cheminots du Technicentre

Le 7 novembre, des agents chargés de la maintenance des TER au Technicentre SNCF de Vénissieux ont allumé un « brasier de la colère » pour protester contre des conditions de travail « qui menacent la sécurité des usagers ». Reportage.

Ce jeudi 7 novembre en fin de matinée, une épaisse fumée noire et grasse s’élève dans le ciel de Vénissieux. Elle provient du « bûcher » de pneus et de traverses de bois allumé par des salariés grévistes du Technicentre SNCF. Situé le long de l’avenue Pierre-Sémard, il est chargé de la maintenance des TER.

Sur le piquet de grève, une trentaine d’hommes en colère alimentent le brasier, sans bloquer l’entrée du site. L’action s’appuie sur un préavis de grève reconductible déposé par Sud-Rail, mais elle mêle aussi des cheminots CGT et des non-syndiqués. Ils dénoncent « des conditions de travail qui se dégradent » et revendiquent un meilleur salaire, à l’image de leurs collègues de plusieurs technicentres en région parisienne ou lyonnaise, ces derniers jours.

Les grévistes évoquent « une accumulation de ras-le-bol ». Ils mettent en cause à la fois leur management (« dictatorial », « irrespectueux », « vexatoire »), la faiblesse de leurs salaires, leurs conditions de travail, mais aussi la réduction à 20 minutes de leur temps de pause-repas.

« Tout d’abord, il y a une grave perte de la culture de la sécurité, dans cette boîte », estime Olivier*, agent expérimenté. « On a une pression toujours plus forte pour faire rouler du matériel parfois vieillissant et surtout en nombre insuffisant, qu’il faut faire « sortir » coûte que coûte ». Il y a quelques années, chaque train avait droit à sa « grande visite » : il était immobilisé le temps d’une inspection intégrale et repartait après un entretien complet. Désormais, l’inspection et la maintenance sont fractionnées sur plusieurs années, pour réduire le temps d’immobilisation des trains.

Les ouvriers pointent une « conséquence grave » de cette méthode : « il y a une déperdition d’informations entre chaque visite, ce qui multiplie les risques de passer à côté d’un point faible ». Pour Cédric, « c’est comme si vous veniez faire la révision annuelle de votre bagnole, et qu’au lieu de vous la prendre le matin et de vous la rendre le soir, on vous disait que les phares avaient été vérifiés mais qu’il faut repasser la semaine suivante pour les plaquettes de freins, un mois plus tard pour les amortisseurs, dans un an pour la vidange… »

« La consigne de remettre les trains sur les rails le plus vite possible revient à jouer avec la sécurité », s’inquiète Olivier. Qui donne un exemple tout récent : « Sur une pièce chargée de lubrifier une partie de la roue lors des frottements dans les virages, j’ai constaté que le flexible était HS : il projetait de l’huile non plus sur la partie qui assure le guidage sur le rail, mais sur la table de roulement, ce qui entraînait un risque d’incendie. Je l’ai signalé sur le logiciel interne qui recense les interventions à réaliser. Le temps d’avoir la pièce et de la remplacer, il fallait garder la rame deux jours. Mon signalement a été effacé du logiciel par un cadre, pour libérer le train ».

Autour de Lucas, presque tous les ouvriers ont une anecdote similaire. « La SCNF joue à la roulette russe avec les voyageurs, lâche Jacques, agent de maintenance depuis 2003. Un de ces jours, ils vont nous faire un Brétigny ». Une référence à l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge de juillet 2013 (7 morts, 70 blessés) où la maintenance du matériel a été mise en cause.

La défiance vis a vis de la hiérarchie semble immense. « Lorsque que je remplis le formulaire de signalement de défaut, je le prends en photo avant de le transmettre, confie Hadou. S’il a été modifié par un chef dans mon dos et qu’il y a eu un pépin, j’aurais une preuve ». « Il y a des choix qui sont fait, estime quand à lui Lucas. Quand on demande du matériel pour réparer, on nous dit qu’il n’y a pas de sous. Mais on vient de dépenser 70.000 euros pour installer des caméras de surveillance dans les ateliers… »

Les grévistes revendiquent aussi des revalorisations salariales. Éric, agent de maîtrise, gagne 1.986,83 euros net mensuels au bout de 26 ans d’ancienneté. Pour Nicolas, c’est 1.900 euros net, en comptant les primes d’astreinte et de nuit. « En sachant qu’une semaine de cinq nuits, c’est seulement 150 euros de prime », précise le jeune homme, qui décrit son activité quotidienne (la maintenance des systèmes de roulement et de freinage, dans une fosse) de « travail dans la merde, mais qu’il faut faire ». « Pas étonnant que les intérimaires restent aussi peu de temps, lance-t-il. Sans compter les démissions, 4 en trois mois ».

Un autre grief à mis le feu aux poudres, et aux pneus. Depuis le 1er octobre, les agents de maintenance n’ont plus que 20 minutes de pause-repas (le minimum légal) dans leur journée de 8h02, au lieu de 45 minutes jusque là. « On n’a plus le temps de se changer pour aller manger et retourner au travail, déplore Nicolas, alors que c’est une mesure d’hygiène indispensable qui a été rappelée par le médecin du travail ».
« Nos syndicats ont demandé à la direction de l’unité opérationnelle de nous laisser 20 minutes de plus. Le directeur a répondu « il n’y aura pas de retour en arrière ». On en a marre de ce mépris. Ils ne respectent ni notre travail ni la vie des usagers et ils en arrivent même à nous voler du temps pour manger ».

 

* Tous les prénoms ont été changés, à la demande des personnes interrogées, qui craignent des mesures de rétorsion à leur encontre.

1 Commentaire

  1. Vénissian

    12 novembre 2019 à 6 h 11 min

    Défendre les cheminots c’est défendre le service public du transport, bientôt avec l’ouverture à la concurrence des sociétés de chemin de fer étrangères pourront rouler sur les ligne notamment de TER dans note pays. La sécurité des usagers sera-t-elle toujours assurée? Les tarifs seront-ils les mêmes? Les cheminots en lutte l’an dernier n’ont pas été assez soutenus, ils seront à nouveau en grève à partir du 5 décembre (journée de lutte pour les retraites). Ne laissons pas casser la SNCF comme ce fut le cas pour la Poste, on voit le résultat aujourd’hui ou des centaines de bureaux ont fermés, ou le courrier est mal distribué pour favoriser une poste bancaire au service du capital! Défendons les Technicentres en grève te les cheminots.

  2. Sibilat

    7 novembre 2019 à 20 h 04 min

    Continuer
    Ne lâcher rien.. Ils veulent nous tué

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