Certains coins du parc du centre-ville étaient fréquentés par des personnes venues s’alcooliser. Comment la Ville a-t-elle mis fin à ces nuisances ?
Dans les assemblées générales des conseils de quartiers, les habitants pointent souvent le verre à moitié vide. Mais pas toujours. « Il y a un an, j’avais poussé un coup de gueule contre l’état du parc Dupic, intervient un riverain de la rue Paul-Bert, le 8 octobre dernier. Eh bien, ça s’est sacrément amélioré : moins de scooters, moins d’alcoolos et de drogués et plus de propreté. Je continue à critiquer ce qui ne va pas, mais là, je dis bravo. »
Un petit tour dans les allées, le mercredi après-midi, confirme le constat. « Les SDF qui venaient pour boire ne s’installaient pas à côté des jeux, mais c’était désagréable de les voir faire », confie une mère de famille. « Parfois, la police venait, on avait peur que ça dégénère, ajoute sa voisine de banc. On n’a pas envie que les enfants voient ça, ça ne fait pas ambiance de jardin public. C’est vrai, depuis la rentrée, c’est plus tranquille. »
Le parc Louis-Dupic s’étend sur 2,5 hectares boisés au cœur du centre-ville, avec ses vieux arbres, ses troncs-totems, ses jeux pour enfants et son brumisateur. C’est aussi un lieu de passage reliant l’hôtel de ville ou la médiathèque à la poste et à la place Sublet. Depuis quelques années, il était devenu aussi le refuge d’une bonne dizaine de personnes quasi clochardisées, un rendez-vous pour boire et se livrer à des transactions louches. Une présence peu discrète, c’est le moins qu’on puisse dire, qui dissuadait nombre d’habitants de se promener dans le parc en soirée.
Alcool, fumette et le reste
Aux beaux jours, les squatteurs passaient là une bonne partie de la nuit. Alcool et fumette aidant, ils troublaient sérieusement la tranquillité des riverains. Chaque matin, les jardiniers de la Ville, avant même de s’occuper des massifs de fleurs, devaient commencer leur journée en enlevant bouteilles, canettes, restes alimentaires et même déjections laissées par les occupants nocturnes. Béatrice, venue de Saint-Fons il y a un an, constate le changement. « Ça va, c’est tranquille, ici. Les squatteurs sont partis. Ce qu’il va falloir régler maintenant, c’est l’incivilité des gens qui laissent les emballages de biscuits ou de chips sur les bancs. »
Comment est-on parvenu à ce résultat, en quelques mois ? Lors de l’AG du 8 octobre, Michèle Picard avait commencé à répondre à la question. « Ça a été un travail d’addition de solutions entre différents acteurs : riverains, police municipale, police nationale, jardiniers, avait expliqué le maire. Tout le monde déplorait le problème mais on était confronté à un écueil. Il faut constater une infraction pour sanctionner. Ce qui est interdit, ce n’est pas de boire sur la voie publique mais d’être en état d’ivresse manifeste. Le constat de cet état peut permettre d’emmener les personnes au poste, où leur degré d’alcoolémie est évalué. C’était fait, plus souvent que les gens ne le pensent, mais ces procédures prennent beaucoup de temps à des équipages qui ont parfois des choses plus graves à régler, c’était sans fin. On s’est mis autour d’une table et on a cherché à être plus efficaces. »
« Nous avons constaté que la configuration du parc permettait une discrétion propice à un détournement d’usage de l’espace public, explique Chantal Second, responsable de la direction Cadre de vie à la Ville de Vénissieux. En clair, il était facile de se cacher ! Notamment sur la partie arrière du parc, vers la rue Jules-Ferry. » Ses services ont donc procédé à une opération quasi invisible pour les usagers. Ils ont supprimé la végétation qui faisait « rideau » entre l’allée principale traversant le parc et la rue Ferry, des buissons de charmilles en fin de vie. Gain de visibilité : 100 %.
Des bancs déplacés
Dans le même temps, les agents ont enlevé deux bancs un peu planqués qui se trouvaient vers le local des jardiniers, et en ont déplacé deux autres à des endroits plus à portée des regards. « Ces aménagements, intervenus fin avril, ont été efficaces quasi immédiatement, analyse Mme Second. L’été a été beaucoup plus calme. On s’en est aperçu à la diminution spectaculaire de plaintes de riverains, et aussi à la diminution des saletés ramassées. »
Autre mesure mise œuvre, l’extinction des feux ! La partie boisée du parc est désormais éteinte à 23 heures. Pourtant, l’obscurité n’est-elle pas un atout pour ceux qui recherchent la discrétion ? « Même pour se livrer à des activités illicites, on a besoin de se voir, répond Chantal Second. Et utiliser une lampe de poche ou celle de son portable vous rend très repérable. » Des aménagements ont également été réalisés pour contrarier une autre nuisance, celle des passages en trombe des deux-roues : des petits trottoirs aux entrées des mails piétons, préférés aux tourniquets, qui gênent les poussettes.
Ces actions combinées portent leurs fruits aujourd’hui. « Même s’il faut continuer à être vigilant, c’est la démonstration que la lutte pour la tranquillité ne doit pas être abordée seulement en termes de répression policière, conclut Michèle Picard. On ne règle pas tout avec des uniformes, même si les actions de sanction doivent être poursuivies. »
Sur l’emplacement des anciens buissons, le service des espaces verts a replanté des plantes basses, telles que du lierre ou du millepertuis. Histoire de concilier l’utile et l’agréable.