C’était il y a un an. Dans la nuit du 7 au 8 août 2018, le centre commercial de la Pyramide était à moitié détruit par les flammes. L’incendie, dont les causes sont encore floues, entraînait la fermeture de quatre commerces sur neuf, dont la pharmacie du quartier. Cette dernière a finalement rouvert le 22 juillet, à quelques centaines de mètres.
Un an après l’incendie, le centre commercial fait toujours grise mine. Le bar, le tabac-presse, la boulangerie et la supérette ont pu reprendre une activité normale peu après le sinistre. Mais la boucherie et le magasin de téléphonie logent toujours dans des bâtiments modulaires, tandis que le fast-food travaille depuis un camion aménagé. En outre, certains commerçants et usagers pointent l’insalubrité des lieux, dénonçant notamment la présence de rongeurs.« Les commerçants sont un peu livrés à eux-mêmes », grince Djil Ben Mabrouk, adjoint à l’emploi et au développement économique et commercial. Qui précise avoir demandé à Foncia, le syndic du centre commercial, de nettoyer les parties accessibles au public. Sans réponse pour l’heure.« Selon la loi Alur, nous n’avons pas le droit d’intervenir, assure la directrice de Foncia Lyon, Adeline Forey. Notre rôle se limite à gérer le compte des copropriétaires. S’ils ne nous donnent pas mandat de nettoyer les lieux ou s’ils n’apportent pas les fonds, nous n’avons pas le droit d’avancer de l’argent ni d’investir à nos frais. Nous n’avons même pas le droit de mettre le compte à découvert. » Puis de rappeler que « le déblaiement et les travaux de reconstruction sont interdits tant que l’expert judiciaire n’a pas rendu son avis définitif ».
« On a retrouvé nos clients, ils sont ravis. » Le 22 juillet, un peu moins d’un an après qu’un incendie a détruit leur pharmacie, les gérants Martine et Aubert Mermet-Bouvier étaient de retour derrière le comptoir. En entrant dans l’officine — qui compte un local de vaccination, un local orthopédique et un espace de stockage robotisé dernier cri des médicaments — le client est loin d’imaginer imaginer le parcours du combattant qu’ils ont dû mener.
« Nous terminions nos vacances au Canada lorsque l’alarme du magasin nous a prévenus de l’incendie. Il était 22h30 là-bas, 4h30 à Vénissieux, se souvient Martine Mermet-Bouvier. Au téléphone, les collaborateurs nous ont appris qu’il ne restait plus rien. » Quelques jours plus tard, l’équipe de la pharmacie se retrouve. « On s’est dit qu’il ne fallait pas laisser tomber, qu’on ferait tout pour redémarrer. »
Un rôle social dans le quartier
Car même à quelques encablures d’une retraite bien méritée, et face à ce qu’ils considèrent comme « une des plus grandes épreuves de notre vie », le couple refuse de baisser les bras. « Honnêtement, on s’est posé la question, explique Martine les yeux humides. Mais si on arrêtait, il n’y avait plus de pharmacie à La Pyramide. On ne pouvait pas abandonner nos clients et notre équipe de huit personnes. Le rôle social de la pharmacie est très important dans le quartier. Ici, nous couvrons une zone de près de 5 000 habitants. » Et son mari de renchérir : « Nous sommes là depuis trente ans, cette pharmacie a été la première à ouvrir à Vénissieux en 1968. Ne pas rouvrir, c’était terminer notre vie professionnelle sur un échec dont on ne se serait pas remis. »
Le couple accepte donc de repartir à zéro en vivant sur ses réserves. Mais la pharmacie ne renaîtra pas de ses cendres dans un local préfabriqué face à l’ancien centre commercial, comme cela avait été un temps proposé par la Ville. Il faut chercher plus loin, mais toujours dans le quartier. C’est ce qu’exige la licence d’exploitation — par ailleurs caduque au bout d’un an d’inutilisation. Finalement, c’est l’entreprise d’électricité Gaillard, dont les locaux se trouvent dans le proche parc Bourdarias, qui accepte de louer un bâtiment.
Tourner la page
« Les assurances ont couvert la perte d’exploitation, mais on n’avait plus une blouse, plus un stylo. Nous avons dû investir 600 000 euros, une somme que nous avons financée avec des emprunts. Nous payons aussi deux loyers jusqu’à fin décembre, reprend Martine. Ensuite, il a fallu passer l’activité des locaux d’artisan à commercial, obtenir le permis de construire, puis l’autorisation de transfert auprès de l’Agence régionale de santé. Restait encore l’aval du Conseil de l’ordre, celui du syndicat des pharmaciens, sans oublier de consulter nos collègues aux alentours. » Ouf !
Pendant ce temps, l’enquête suit son cours. Un temps incriminé, l’onduleur de la pharmacie — de laquelle est parti l’incendie — est mis hors de cause. Un véritable soulagement pour les gérants : « On était la cause du malheur de tout le monde », soupire Martine. Mais l’éventualité d’une piste criminelle à l’incendie est désormais envisagée, ce qui risque encore de ralentir les procédures en cours.
Aujourd’hui, la page est tournée. Le jour de la réouverture, un client particulièrement en verve s’est lancé dans une improvisation en Gospel pour souhaiter « une longue vie à la pharmacie ». « On avait les larmes aux yeux. Ce sont des choses comme ça qui nous aident à avancer. C’est sans doute cela, la résilience« , analyse Martine. « Nous allons continuer à faire notre métier le mieux possible, peut-être en développant la télémédecine pour remédier au manque de praticiens à Vénissieux, enchaîne Aubert. Et je suis certain que nous allons retrouver tous nos clients. »