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« Un homme dit non »… Témoignages en Résistance.

Hommes et femmes pris dans la tourmente de l’Histoire, les Résistants avaient leurs convictions comme boussole. Pour eux comme pour leurs descendants, témoigner, c’est continuer le combat. Première partie : « Paul, l’apatride patriote », et « Jean, des traboules à Buchenwald ».

Cérémonie de la Journée nationale de la Résistance, à Vénissieux, le 27 mai 2019. Sur la photo, Michèle Picard (maire), Jacqueline Sanlaville (Anacr), Yolande Peytravin (1ère adjointe), Roger Gay (Anacr).

Hommes et femmes pris dans la tourmente de l’Histoire, les Résistants avaient leurs convictions comme boussole. Pour eux comme pour leurs descendants, témoigner, c’est continuer le combat.

Jalonnée de drames et de gloire, somme de petites actions et de hauts faits d’armes, l’histoire de la Résistance est une histoire d’hommes et de femmes. « Un homme dit non, puis dix, puis cent, puis mille, puis c’est l’espoir qui se lève et le possible qui prend forme », rappelait Michèle Picard lors de la cérémonie vénissiane de la Journée nationale de la Résistance, le 27 mai dernier.

Qui étaient-ils, celles et ceux qui ont « dit non » ? Pour y répondre, Expressions a interrogé deux dirigeants de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), le Vénissian Maxime Kyrszak et la San-Priote Monique De Filippis. Tous deux racontent l’histoire de leurs pères respectifs, Paul et Jean.

Loin d’être des héros de cinéma, l’un père de famille et l’autre pas encore ont en commun d’avoir refusé la défaite, l’occupation, la collaboration, et d’en avoir assumé les conséquences, au prix fort. Nous avons également recueilli le témoignage exceptionnel de Ginette et Norbert Perrier, qui sont parmi les derniers acteurs directs de la Résistance lyonnaise. Vous verrez qu’à 94 et 95 ans, ils n’ont rien perdu de leurs valeurs de jeunes maquisards audacieux ! Leur histoire sera publiée dans notre édition du 12 juin.

PAUL KYRSZAK, L’APATRIDE PATRIOTE
« Mon père est né en 1897 dans une famille ukrainienne de Galicie, qui était alors une province de l’empire d’Autriche-Hongrie. Enrôlé en 1915 dans l’armée austro-hongroise, il est fait prisonnier en Italie en 1918. Libéré, il ne peut plus retourner chez lui, car son village fait désormais partie de la Pologne et les Ukrainiens y sont brimés. Il travaille à Turin puis Rome, épouse une romaine mais doit fuir les fascistes après l’arrivée au pouvoir de Mussolini.
Mes parents s’installent à Villefranche, où mon père travaille aux Chantiers du Beaujolais. En 1939, par gratitude pour le pays qui a accueilli sa famille, il s’engage dans l’armée française. Démobilisé en 1940, il n’est pas repris par son patron : « le travail est réservé aux Français ! ». Engagé par un marchand de bois patriote, il distribue des tracts contre Vichy et les Allemands.
Le 16 octobre 1941, j’avais 5 ans et demi, je rentre à la maison et je vois ma mère et ma sœur en pleurs et les gendarmes emmener mon père. « Si tu t‘évades, ta famille prendra ta place » lui disent-ils. Il est interné au camp du Vernet d’Ariège, où se trouvent encore des républicains espagnols et des Allemands anti-nazis. En mai 1944, les internés sont envoyés construire le Mur de l’Atlantique, travail d’esclave jusqu’à la mort, dans les îles anglo-normandes occupées. Aux premières loges pour le Débarquement, un mois après ! Avant de se retirer, les nazis déportent les travailleurs forcés vers l’Allemagne.
Un voyage par train interminable, avec des détours imposés par les attaques du maquis et des avions alliés. Le 15 août, le convoi est intercepté par les Américains au nord de Paris. Au lieu de rentrer à la maison, il se réengage dans l’armée française « pour la durée de la guerre ». Imaginez la réaction de ma mère ! Et puis, un dimanche matin, on entend la chienne japper de joie. Il y avait un militaire devant la maison. Cela faisait cinq ans qu’on n’avait pas revu mon père. » 

Raconté par Maxime Kyrszak

JEAN FLORENT, DES TRABOULES À BUCHENWALD
« Quand mon père était en bermuda, ce qui était rare, on voyait qu’il avait des jambes bizarres. Il lui manquait des morceaux de mollets. Les chiens des gardes du camp de Buchenwald les lui avaient arrachés. Et comme il ne se mettait jamais torse nu, ce n’est que très tard que j’ai vu les cicatrices des cigarettes écrasées par ses tortionnaires tout autour de son ventre.
Mon père habitait à Saint-Priest avec ses parents, ouvriers. Comme il refusait de partir au Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, il était recherché par la police. En plus, il transportait des messages entre réseaux, à Lyon. « Les traboules m’ont sauvé la mise plus d’une fois », nous disait-il. Dénoncé par un « bon français » en avril 1943, il a été emprisonné à Montluc, puis envoyé dans une usine à Munster. Avec un autre prisonnier, ils sabotaient la chaîne de fabrication. Il a été pris et envoyé au camp de concentration de Buchenwald. Il a survécu comme il a pu, grâce à la solidarité entre déportés Français, et en mangeant des épluchures. Il a été libéré en juin 1945 par les Alliés.
Ensuite ouvrier chez Berliet, il ne parlait pas de tout ça. Mais parfois, en rentrant à la maison, on le trouvait en pleurs. Et quand il entendait parler du préfet Papon, de Bousquet, de Touvier, il se mettait en colère. Nous, les enfants, on ne comprenait pas. Et puis, quand mon frère a eu 15 ans et qu’il est allé travailler, mon père lui as dit « tu es un homme maintenant, je vais te raconter ». Il est décédé à 59 ans, sans connaître ses petits-enfants ».

Raconté par Monique De Filippis

Contact ADIRP 69 (FNDIRP) : 06 08 94 58 48 ou 06 84 45 72 82

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