Les quartiers « sensibles » ont la cote sur la plateforme de location Airbnb, en particulier les Minguettes, révèle une étude nationale publiée mi-avril. Les « rageux » vont s’étrangler avec leurs stéréotypes du genre « quartier populaire = quartier repoussoir » : des centaines de voyageurs, venus pour le tourisme ou pour le travail, repartent bel et bien ravis de leur séjour à Vénissieux.
12 995 commentaires analysés
L’agence Nouvelles Marges, spécialisée dans la stratégie territoriale, a analysé les milliers de commentaires laissés par les utilisateurs de la plateforme de location entre particuliers Airbnb entre janvier et avril 2018, lorsqu’ils ont séjourné dans l’un des 25 quartiers « politique de la ville » en France, dont celui des Minguettes à Vénissieux mais aussi les « 4 000 » à La Courneuve, le 13e arrondissement de Marseille, Le Mirail à Toulouse… L’objectif était d’analyser l’image de ces quartiers, qui ont souvent mauvaise réputation, auprès des visiteurs hébergés. Au moins 12 995 personnes ont séjourné les 1 045 locations recensées dans le périmètre de l’étude. Et le résultat est surprenant.
Des stéréotypes déconstruits
Intitulée « Loin des idées reçues », l’étude publiée le 17 avril dernier remet quelques pendules à l’heure. La première, c’est que cette offre de location saisonnière « branchée » n’est pas réservée aux centres-villes touristiques mais est bien présente dans les banlieues populaires. Les logements sociaux ne pouvant pas être sous-loués, les hébergements proposés sont tous dans le privé, en appartement ou en maison individuelle. Deuxième surprise, cette offre recueille un taux de satisfaction très élevé, qui s’applique non seulement au logement mais aussi à son environnement.
Enfin, l’étude montre que l’attrait de ces locations ne vient pas seulement de leur prix (souvent moitié moins élevé qu’en centre-ville). Les visiteurs croisent le critère du coût avec celui de la proximité des lieux touristiques ou professionnels, et de l’accès facile aux transports en commun.
Un taux de satisfaction élevé
Sur tous ces critères, Vénissieux tire son épingle du jeu. « Les Minguettes ont même une particularité rare : 100 % des commentaires de visiteurs portant sur le quartier sont positifs », relève Jean-Pierre Papin, directeur associé de l’agence Nouvelles Marges et directeur de l’étude. Dans les quatre premiers mois de 2018, plus de 172 personnes ont séjourné dans le périmètre de l’étude.
Le qualificatif qui vient en premier dans 33 % des commentaires c’est « l’ambiance calme » ! Viennent ensuite la « position stratégique » (à 31 %) à proximité de Lyon, d’Eurexpo et d’entreprises, « la desserte en transports en commun » (29 %), « la présence de commerces » (7 %). La note globale donnée aux locations du secteur par les visiteurs après leur départ est un excellent 4,72 sur 5 !
Sami, « hôte » Airbnb à Vénissieux depuis 2015, loue une belle maison avec deux chambres aux Minguettes.
« C’est un projet que j’ai monté après mes études, une activité annexe, je travaille dans le secteur de la propreté et des services associés. J’ai travaillé pendant cinq ans aux Minguettes. Je suis disponible et réactif, j’ai le sens du service et la « culture client ». Au début, je n’avais que des touristes venus visiter Lyon. Avec le temps, et les commentaires, j’ai aussi des visiteurs pour des formations, des salons… Les personnes que j’accueille à la maison ne me parlent pas de la réputation de Vénissieux ou des Minguettes, ils s’en fichent ! Nous discutons surtout des voyages, des expériences de chacun, nous échangeons des photos, etc. Les gens viennent principalement pour les transports, le prix, le calme, la proximité avec Lyon, la qualité de la prestation et les commentaires positifs. Ils disent aussi « c’est à Vénissieux qu’on rencontre encore des vraies personnes ». »
Julien, « hôte » Airbnb, loue un appartement sur le plateau dans une résidence privée neuve.
« Je ne suis pas spécialement surpris par cette étude, le quartier des Minguettes n’est plus ce qu’il était il y a quelques années. Vénissieux est bien desservi par les transports, mon appartement se situe au pied d’un arrêt de tram et d’un arrêt de bus, donc je suis à quelques minutes du centre ville de Lyon et de la Part Dieu. Pour les gens, c’est le côté pratique qui compte. Dans mes réservations, j’ai de tout, des gens qui visitent Lyon, des personnes venues pour des salons à proximité ou bien des travailleurs. Ils ne me parlent jamais de la réputation du quartier. Ils viennent souvent de loin et pas pour longtemps, je pense qu’ils ne la connaissent même pas ! »
Pierre-Alain Millet, adjoint au maire en charge du logement.
« Je garde ma méfiance envers ces plateformes numériques dont les promoteurs cherchent surtout à capter des flux financiers en poussant à la dérégulation du marché du logement. À Paris, ce service a conduit à transformer une part importante du parc privé en service d’hébergement touristique, bousculant le marché hôtelier sans respect des règles commerciales ou fiscales. Mais cette étude nous livre un regard sur les quartiers prioritaires fortement décalé de l’image stigmatisante habituelle. Les visiteurs, dont plus d’un tiers sont étrangers, expriment un avis très positif. Voilà qui bouscule les caricatures de notre quartier le résumant aux incivilités, à l’insécurité ou au bétonnage. Le maire et son équipe connaissent bien les difficultés réelles des habitants des quartiers populaires, mais je suis heureux que des visiteurs de toute la planète puissent découvrir Vénissieux et ses atouts. »
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