Portraits

La parole et les actes

À la tête de son épicerie mobile, Alexia Queguiner sillonne les marchés de la région. Écologiste, végétarienne, partisane du zéro déchets, cette ancienne formatrice en français langue étrangère a réussi à transformer un mode de vie en gagne-pain.

À la tête de son épicerie mobile, Alexia Queguiner sillonne les marchés de la région. Écologiste, végétarienne, partisane du zéro déchets, cette ancienne formatrice en français langue étrangère a réussi à transformer un mode de vie en gagne-pain.

Six jours par semaine, elle est sur le pont. Du mardi au dimanche inclus, Alexia Queguiner installe son camion épicerie « La main dans l’sac » sur les marchés de la région lyonnaise : Croix-Rousse, Pont-de-Cheruy, Brignais ou encore Vénissieux Centre… Soit treize points de vente en tout. Au détail, elle commercialise pâtes, riz, céréales, café, thé ou chocolat. On trouve aussi chez elle des produits d’hygiène comme du savon, des shampoings ou des brosses à dents écologiques. « Finis les emballages superflus, s’enthousiasme la Vénissiane. Les gens peuvent venir avec leurs contenants (bocaux, boîtes ou sachets). Ils achètent uniquement la quantité dont ils ont besoin et paient le juste prix. Deux euros d’amandes c’est possible ! ».

La commerçante met en avant une démarche résolument militante. « On assimile parfois la vente en vrac à une mode bobo mais ce n’est pas le cas, relativise-t-elle. J’aimerais simplement que les gens se rendent compte qu’on est tous acteurs du changement. On ne peut pas attendre que les pailles en plastiques soient interdites à la vente, il faut arrêter d’en acheter. » Et cette démarche ne date pas d’hier. « Elle me vient de mes parents, avec qui j’ai passé beaucoup de temps à me balader dans la nature. Ils m’ont donné une éducation où l’on vous apprend à ramasser les déchets que vous trouvez autour de vous. Ne rien jeter, ne laisser aucune trace. J’ai grandi avec le tri sélectif, la fabrication du compost, dans l’idée que nous devons faire attention à notre environnement. »

À force de réflexions, Alexia Queguiner est même devenue végétarienne. L’exemple lui est venu de son frère, qui s’est lancé dans cette pratique il y a six ans. « Sa conversion m’a poussée à me poser des questions sur ma propre consommation. Je pouvais me le permettre parce que j’avais alors un niveau de vie confortable. Sinon je n’aurais peut-être pas pu acheter facilement du bio ». Deux ans plus tard, elle franchit néanmoins un premier pas en devenant flexitarienne. « L’idée consiste à réduire la quantité de viande mais à augmenter sa qualité, explique-t-elle. Plutôt que de manger tous les jours des steaks achetés en grande surface, j’en achetais un bon chez le boucher une fois par semaine. » Et en 2017, la voici végétarienne. « Je ne mange rien qui a des yeux, à part les mollusques. Mais c’est quand même très difficile de faire une croix sur tout le patrimoine culinaire français. Je pensais ne jamais y arriver. » Vous avez dit volonté ?

Infatigable militante
Cette volonté, Alexia Queguiner a eu souvent l’occasion de la cultiver. Par exemple lorsqu’elle a travaillé en 2012 comme formatrice en français langue étrangère (FLE) pour le compte de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. « C’était super-compliqué. J’avais des classes de primo-arrivants de quinze adultes de 18 à 72 ans. Ils devaient valider le diplôme initial de langue française en 200 heures sur deux mois et demi, relate-t-elle. Le master FLE que je venais de passer m’avait apporté beaucoup de savoir théorique, mais très peu de pratique. Or les élèves pouvaient être Thaïlandais, Libanais, Chinois, Albanais ou Russes, et ne se comprenaient donc pas entre eux. Il fallait déployer des trésors d’imagination et passer par le jeu pour que tout le monde se sente à l’aise, participe et surtout comprenne. »

La recette fonctionne. « L’objectif du DILF, c’est que les gens soient finalement capables d’exprimer des besoins de base. Mais ils doivent aussi acquérir des notions de culture française, autour des rapports homme-femmes et des valeurs de la République. Moi, je leur parlais aussi d’écologie, sans jamais oublier que dans certains pays, on pense à manger avant de se soucier de l’environnement. »

La jeune femme disposait néanmoins d’une « petite » expérience. De 2010 à 2012, elle avait enseigné au Kenya le français aux militaires du pays, sous la direction des soldats français. Une expérience forte, qui la marquera à jamais. « Quand vous voyez une petite fille de quatre ans se faire chauffer une boîte de conserve dans un fossé, vous vous dites qu’il y a un vrai problème d’équilibrage des ressources. J’ai vécu entre deux mondes qui ne se côtoient pas : d’un côté celui de la saleté et de la misère, de l’autre celui des expatriés qui vit dans le luxe le plus total ». Le séjour — deux fois neuf mois — n’est pas de tout repos. « Vous avez votre couleur de peau, alors quand les gens crient « Mzungu » (littéralement : homme blanc ») après vous avoir croisé dans la rue, vous vous sentez mal à l’aise ! Heureusement que je connaissais la langue officielle, l’anglais, que j’avais prise des cours de swahili et que j’ai toujours eu une grosse capacité d’adaptation. « 

Aujourd’hui, Alexia Queguiner a réussi à faire sa place dans le monde très masculin des marchés. « D’abord je m’impose et je montre les dents, ensuite je suis plus gentille. Parfois, certains collègues disent de moi « Celle-là, il faut pas l’embêter », sourit-elle. Même si la logistique, l’entretien et la gestion du véhicule ne sont pas simples, je n’aime pas que l’on me fasse sentir que je suis inférieure parce que je suis une femme. Mon père, militaire de carrière, m’a toujours dit de jamais être dépendante d’un homme. »

Note : Alexia Queguiner est présente sur le marché du centre de Vénissieux tous les quinze jours.  Programme complet ici.

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